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LA CRISE DU VOLLEY FRANCOPHONE

Seulement 15 000 affiliés avec un chiffre en baisse, deux lanternes rouges en D1 masculine et des internationaux qui se comptent sur les doigts d’une main… Le volley francophone vit actuellement une période trouble qui s’explique par un manque de budget, mais aussi une certaine léthargie.

Fin du printemps 1970, le VC Anderlecht est sur le toit du volley belge après avoir décroché son premier titre de champion national. Une porte ouverte vers une longue et belle histoire pour le club bruxellois ? Pas du tout. Disparu quelques années plus tard, le VC Anderlecht reste la dernière formation francophone à avoir remporté un championnat du Plat Pays. Actuellement, seules deux équipes wallonnes sont présentes en Euro Millions Volley League, la première division du pays : Waremme et Guibertin. Mais elles ne tiennent pas la dragée haute pour autant : sur les cinq dernières années, rares ont été les saisons où la lanterne rouge n’était pas occupée par un de ces deux clubs, dont le sauvetage était à chaque fois assuré par le côté fermé de la ligue.  » En outre, on peut compter très facilement le nombre de francophones qui ont évolué en équipe nationale « , enfonce Philippe Boone, président liégeois de la Ligue belge de volley.  » Et actuellement, en D1, en dehors des deux clubs francophones, il n’y a que deux joueurs wallons dans des formations néerlandophones et deux autres dans des clubs européens. » Une situation particulière dont les origines sont multiples.

L’ENGOUEMENT FLAMAND

Quand on tient à expliquer le retard des francophones sur les néerlandophones au volley, une explication toute simple apparaît directement : l’engouement, historiquement plus présent au nord du pays.  » Du coup, les quotidiens néerlandophones ont toujours laissé une place plus importante au volley dans leurs colonnes « , illustre Eric Davaux, secrétaire du club de Guibertin.  » Actuellement, il n’y a plus de journal francophone qui consacre une rubrique régulière au volley.  » Il y a dix-quinze ans, la Flandre a décidé de passer à la vitesse supérieure et a lancé de multiples initiatives pour développer ce sport sur son territoire : nouvelles infrastructures, amélioration des bureaux de la Fédération avec salles de réunion, restaurant, hôtel, etc., mais également lancement d’une Topsportschool à Vilvoorde pour booster la formation.  » Les politiciens flamands ont plus facilement débloqué des subsides pour le volley car ils ont de bonnes relations avec les clubs « , explique Davaux.  » Les francophones semblent plus frileux à ce niveau-là.  »

Alors que la Wallonie souffre de la concurrence du basket, elle a également vu les filles montrer plus d’enthousiasme que les hommes pour se lancer dans les block-out et les fausses croix.  » Le volley est un des sports collectifs qui attire le plus les filles « , confirme Philippe Vanescote, ancien directeur technique et coach des Barbar Girls.  » Quand on parle de sport collectif aux mecs, ils disent foot, basket et puis volley s’ils n’aiment pas les deux premiers ou si leurs parents les y amènent.  » À côté de ça, il faut savoir que l’historique président de l’AIF (Association Interprovinciale Francophone de Volley), Albert Daffe, n’est autre que celui du club d’Yvoir, qui a toujours été parfaitement représenté par les femmes.  » Sans même être vicieux, Daffe a donc toujours eu un peu plus d’intérêt pour les équipes de filles « , commente ainsi Vanescote.  » Mais au final, la réussite féminine n’est pas plus prononcée qu’au niveau masculin avec seulement trois clubs francophones en D1 dont Yvoir en lanterne rouge.  »

L’AIF EN CAUSE

 » Il n’y a aucune raison que le volley réussisse au nord et pas au sud du pays « , insiste Philippe Boone.  » La pratique de ce sport est d’après moi la même d’un côté ou de l’autre de la Belgique, le problème est donc ailleurs : l’AIF fait peut-être ce qu’elle peut, mais ce n’est pas assez, il faut renouveler les méthodes.  » Le problème, c’est qu’au sein du pôle francophone, on confie être dans une impasse…  » C’est surtout une question de mécénat « , affirme ainsi Claude Lemoine, premier vice-président de l’AIF. On est moins aidé par les sponsors donc les joueurs pratiquent surtout le volley pour le plaisir, pour le cinquième set. En plus de ça, les nouvelles dispositions de l’ADEPS font que nous avons moins de subsides. L’avenir n’est pas au beau fixe, on attend de voir si on va pouvoir récupérer des soutiens et en attendant, on essaie de maintenir le niveau actuel.  » Pour Philippe Vanescote, la raison principale du retrait de certains subsides vient justement du manque d’activité de l’AIF :  » Si l’ADEPS a pris cette décision, c’est parce qu’elle reproche à l’AIF de proposer le même programme chaque année, ce n’est que du copier-coller. Il y a un réel manque de panache à l’AIF qui est gangrénée par l’immobilisme : la moyenne d’âge des dirigeants est de 85 ans (sic) et personne n’ose rien faire.  »

Ce constat est en partie partagé par Emile Rousseaux, actuel entraîneur francophone de Roulers (dix fois champion de Belgique) :  » Quand j’entends qu’il est impossible de produire des structures et du spectacle de haut niveau en Wallonie, je ne suis pas d’accord : le basket y est bien arrivé en plaçant de nombreuses équipes en D1.  » Celui qui fut élu meilleur joueur belge durant sa carrière poursuit :  » Il faut arrêter de se cacher derrière le discours On est Wallon, on n’a pas d’argent, il faut passer à autre chose.  » Autre souci de l’AIF souligné par les différents intervenants : son image. Spécialiste du marketing sportif, Philippe Boone est bien placé pour savoir qu’il est primordial de transmettre de l’émotion et une belle façade dans le sport.  » Or, actuellement, l’AIF fait surtout vieillotte. La conception du volley n’est pas différente entre la Flandre et la Wallonie, c’est la manière de le vendre qui l’est. On cite souvent le hockey en exemple, mais regardez combien de personnes vont voir les matchs : ils sont 70-100 là où on a jusqu’à 2000 personnes dans nos salles. Il faut donc savoir se vendre et les sponsors suivront.  »

INITIATIVES À PARFAIRE

Suite aux récents résultats de l’équipe nationale, le volley a connu une grosse percée en Flandre, mais en Wallonie, on est plutôt sur une stagnation… grâce aux filles qui continuent de se montrer plus intéressées que les garçons, dont les affiliations sont en diminution.  » Les autorités publiques soutiennent par moments des initiatives « , éclaire néanmoins Philippe Boone.  » Il va y avoir une nouvelle salle à Waremme pour le basket et le volley uniquement, par exemple.  » Pour emboîter le pas de la Topsportschool flamande, quelques projets ont été mis sur pied concernant la formation  » mais les clubs ne veulent pas que leurs affiliés jouent pour l’école, contrairement à ce qui se passe en Flandre où tout le monde joue ensemble et évolue en même temps « , regrette Claude Lemoine. Du coup, certaines actions tombent à l’eau comme l’option sport-étude que l’Athénée de Frasnes-lez-Anvaing a voulu lancer au début de cette année scolaire en collaboration avec le club Pays des Collines (VPC).  » Le programme était fixé « , assure Dominique Castiaux, présidente du VPC.  » On proposait six heures de volley par semaine, de la théorie sur l’hygiène de vie, une immersion en néerlandais… Le problème, c’est que tout le monde a cru qu’on faisait ça uniquement pour renforcer notre club, la section a donc été fermée en octobre parce qu’il n’y avait que quatre inscrites.  »

Pour Philippe Vanescote, c’est surtout un problème de communication qui a coûté (momentanément ? ) la vie à ce projet.  » On était loin de la Topsportschool de Vilvoorde. C’était du bricolage, les infos ont été envoyées via un simple fichier pdf… Mais quand il s’agit de convaincre des parents d’accepter un tel projet, il faut bien plus que ça !  » Visiblement conscients des failles du premier jet, les organisateurs ne baissent néanmoins pas les bras et envisagent de relancer l’option dans les années qui viennent.  » On fera notre communication bien plus tôt en précisant que toutes les joueuses sont les bienvenues et ne doivent pas quitter leur club pour intégrer cette option « , anticipe Dominique Castiaux.

FAIBLE VIVIER ET SATURATION

Dans le contexte actuel, la survie des clubs francophones au plus haut niveau du volley belge semble plutôt compliquée. Vu la faiblesse du vivier de joueurs francophones, Waremme et Guibertin sont par exemple obligés de faire appel à des joueurs venant de loin… mais la législation n’autorise pas les clubs à dépasser certaines sommes dans leurs frais. Autre souci : la saturation des centres sportifs.  » Les communes se doivent de partager les plages disponibles avec les clubs issus de disciplines différentes « , lance Eric Davaux.  » Mais imaginez qu’on se qualifie en Coupe et qu’on doive placer un match en semaine, c’est difficile de faire bouger les autres.  » Actuellement, le volley souffre également d’une réputation de sport de détente pour les jeunes qui le pratiquent…  » En N2, nous avons une équipe avec des gars du coin « , se félicite Eric Davaux avant de déchanter.  » Ils ne veulent pas donner la priorité au volley : ils sont aux études donc ils ne font pas plus de trois entraînements par semaine.  »

S’INSPIRER POUR AVANCER

Lancée il y a quelques mois, la nouvelle Euro Millions Volley League a notamment pour objectif de contribuer au développement des clubs du sud du pays.  » On leur donne des conseils, on peut intervenir auprès des autorités pour favoriser leurs démarches, etc. « , certifie Philippe Boone.  » Mais il faut que les clubs aient envie d’avancer car les normes vont être de plus en plus spécifiques au niveau des contrats des joueurs, des infrastructures…  » Au niveau de l’AIF, cette nouvelle compétition – qui implique désormais une relégation à la fin de la saison – n’est cependant pas vue d’un bon oeil.  » Les normes seront bientôt trop professionnelles et il n’y aura pas moyen de tenir à ce niveau « , regrette Claude Lemoine.

Bien qu’alarmante, la situation du volley francophone n’est cependant pas désespérée et des solutions existent. Elles peuvent notamment venir des clubs au niveau de leurs infrastructures et fonctionnements. « Le volley féminin fait partie du Top 15 mondial et les mecs ne sont pas beaucoup plus loin. Il faut donc savoir ce qu’on veut : ne pas trop demander aux clubs et ne pas évoluer ou les motiver pour enfin avancer ?  » , se demande Philippe Vanescote.  » Si on bosse en isolement, sans réflexion pédagogique ou apport de gens extérieurs, on n’arrivera pas à grand chose « , tranche Emile Rousseaux.  » Voir ce que fait la Flandre est bien, mais il faut avoir une vision bien plus large ! Les Flamands n’ont pas la science infuse, ils se sont eux-mêmes inspirés d’autres modèles…  » Pour l’entraîneur de Roulers, la solution pour aller vers un mieux est à portée de mains, mais il faut pouvoir déclencher l’interrupteur.  » Associer ceux qui oeuvrent pour un mieux à de l’expérience extérieure est une bonne solution parce qu’il faut également faire évoluer le côté moteur et psychomoteur, où la Francophonie est complètement à la bourre. Les gens qui travaillent sur l’éveil de la jeunesse doivent être plus soutenus. Arrêtons d’envier, de couillonner ou de descendre ceux qui sont actifs, il faut se fédérer pour avancer.  »

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTOS BELGAIMAGE

 » La conception du volley n’est pas différente entre la Flandre et la Wallonie, c’est la manière de le vendre qui l’est.  » – PHILIPPE BOONE, PRÉSIDENT DE LA LIGUE BELGE DE VOLLEY

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