La crise de A à Z

Les Rouches ont égrené une liste de soucis épaisse comme un dico avant de gagner à Charleroi. Ont-ils trouvé les bonnes définitions pour la suite de leur programme ?

Près d’une demi-saison après s’être séparé de Jean-François de Sart, Roland Duchâtelet a mesuré l’importance de son erreur : un club comme le Standard ne peut pas se passer d’un directeur technique qui gère de nombreux dossiers afin de permettre à l’entraîneur de s’occuper de l’essentiel pour lui, l’équipe-fanion. C’est exactement ce qu’AxelLawarée fait après avoir dressé son diagnostic. Avec le soutien de Bruno Venanzi, vice-président, jeune représentant de Duchâtelet, homme d’affaires liégeois à succès et habitué à prendre des décisions, Lawarée a tranché, rétabli des priorités, marqué son territoire, mis les anciens et les jeunes au pied du mur. Le nouveau patron a frappé du poing sur la table avec tous les avantages et les désavantages que cela peut comporter. Et, au-delà de la belle réaction chez les Zèbres, lui aussi sera jugé au pied de la lettre. Voici l’alphabet de la crise rouche.

ARSLANAGIC

A la fin de son règne à Sclessin, Mircea Rednic affirma que Dino avait l’étoffe d’un futur Diable Rouge. Il traverse une crise de confiance, souffre du départ de ce grand pare-chocs défensif qu’était William Vainqueur. Arslanagic ne brille pas par sa vivacité, ce qui explique ses quatre récents penaltys (championnat + Europa League) qui ont coûté cher aux Rouches. A 21 ans, il ne peut pas miser que sur sa technique et sa taille. Si ce jeune arrière central prometteur doit à tout prix se ressaisir, il ne peut le faire qu’au coeur d’une équipe stable et pas dans un ensemble trop variable.

BATSHUAYI

Le public de Sclessin le sifflait la saison passée. Or, il était une pièce offensive essentielle, redoutée par les défenses, unique en son genre en D1. Michy tente désormais de faire son trou à Marseille mais il a laissé un immense vide au Standard. Personne n’a été capable de reprendre les fonctions de cet attaquant qui, non content d’être rapide et surdoué balle au pied, était le premier défenseur de son équipe et décrochait pour prêter main forte aux milieux de terrain. Il n’a pas été remplacé et le Standard a dû revoir, sans succès, sa philosophie offensive basée sur les contres de Super Michy et ImohEzekiel parti au Qatar.

CIMAN

Lui, c’est presque Laurent d’Arabie. Le meilleur Standardman de la saison est le seul guide, la seule vraie personnalité de son club dans cette longue traversée du désert. Mais il ne peut pas tenir la baraque tout seul. En rajeunissant le vestiaire, la direction a adressé un message à la vieille garde. Au risque de diviser l’effectif en clans des générations ? Le parler-vrai de Laurent sera utile pour cimenter un vestiaire qui a été au bord de l’explosion.

DUCHÂTELET

Le courant passera-t-il jamais entre cet homme d’affaires distant et un public chaud comme la braise ? Non. Mais la réponse aurait pu être différente si le Standard, meilleure équipe du championnat, n’avait pas laissé échapper le titre la saison passée. Il a pris du recul, a compris que Dudu Dahan le menait dans le mur, a remisé sur le savoir-faire liégeois avec Lawarée et Venanzi. Son départ semble inéluctable mais avec Duchâtelet, on ne sait jamais.

ETIENNE

Delangre, bien sûr. Ancien de la maison (51 ans, 270 matches de 1981 à 1992), il confirme le retour aux sources liégeoises. Cet Ardennais avait fait preuve de caractère pour aider l’équipe de stars du début des années 80, double championne et finaliste de la CE2 en 1982. T2, Delangre veut retrouver cette grinta : la preuve que c’est possible a été donnée à Charleroi.

FATY

L’international sénégalais a de la bouteille (28 ans) et de la taille (1m92) mais il a longtemps cherché ses marques. Il a réagi à Charleroi où il fut très utile. Il ne remplacera pas Vainqueur, cette mission revenant plus à EyongEnoh.

GUY

Luzon. Il a exploité l’héritage de MirceaRednic. Mais ses limites, criardes cette saison dans son incapacité à fonder un nouveau groupe, ce qui explique sa défenestration, étaient déjà réelles la saison passée. Luzon bazarda ses devoirs européens et loupa les PO1 et donc le titre, comme un gamin.

HONTE

On le surnommait Roger-la-Honte et son portrait, qui orne la tribune principale, rappelle les valeurs de courage et de combativité inscrites dans l’ADN du club. Roger Claessen apprécierait l’appel adressé aux jeunes du cru, comme un SOS. Cela avait déjà été le cas durant les sixties chères au regretté attaquant et Standardman du siècle. Les jeunes Liégeois des années 60 ne se sont pas brûlé les doigts : sera-ce la même chose cette fois ?

IVAN

Vukomanovic. Après un démarrage superbe, la machine de Vukomanovic a eu des ratés. Les initiatives de Lawarée le renforcent-elles aux yeux du vestiaire ou limitent-elles le rôle du T1 qui n’a pas assisté à l’importante conférence de presse de la semaine passée et son lot de mises au point ? A Charleroi, il a calmement marqué des points, sans PoloMpoku blessé, JeffLouis sur le banc et Tony Watt écarté pour manque d’abnégation à l’entraînement.

JEFF

Louis. Celui-là, il a du talent. On le promène trop à droite, dans l’axe, derrière l’attaquant de pointe (sa meilleure place) et il doit encore intégrer les réalités de la D1 belge plus rudes que celles de Nancy et de la L2 française. Il devra se secouer les puces pour ne pas cirer le banc.

KANU

Il est parti en claquant la porte. Sa taille, sa présence et sa grinta auraient été tellement utiles au centre de la défense du Standard. Il s’est recasé à Vitoria Guimaraes après avoir été cité à Anderlecht dont Duchâtelet ne voulait pas entendre parler.

LAWARÉE

Une main de fer dans un gant de velours. Avec lui, qui a acquis du vécu en Autriche et en Allemagne, plus de privilèges, de Club Med, de petits-déjs pris au club, de gars pampérisés : on s’assume, on bosse de 9 h à 17 h et les jeunes (Van den Ackerveken, Fiore, Achaoui, Milosevic, Jaadi, Dussaut qui a débuté à Charleroi + un ancien : Ajdarevic), dont certains furent écartés et jugés insuffisants en début de saison, reviennent pour secouer les puces des embourgeoisés. En début de championnat, Samy Mmaee avait été brûlé à ce jeu-là. Prudence et rendez-vous en janvier pour désigner ceux qui devront quitter le club ; ça promet.

MAZZU

Ses SMS l’ont mis dans une posture délicate. Il y avait de la friture sur sa ligne ou dans ses pensées mais sa communication passe bien dans son vestiaire. Sclessin ne pense plus à lui et Coach Vuko a prouvé chez Mazzu qu’il savait motiver et organiser une équipe.

NIPPON

La (jolie) saison 2013-2014 d’Eiji Kawashima avait presque fait oublier qu’il restait un habitué de la Toile grâce à des plats de boulettes avec son équipe nationale, que  » un gardien de but japonais, c’est aussi spécial qu’un gars de Jamaïque qui s’essaie au ski alpin « , comme il nous l’avait dit lui-même. Ecarté après l’une ou l’autre sortie kamikaze / hara-kiri, il a retrouvé sa place en Coupe contre Lokeren. Oh le cadeau.

OPARE

On n’était qu’à la mi-août, soir d’été à Mouscron, et on avait déjà compris que la place de back droit allait poser problème après le départ de DanielOpare à Porto. SamyMmaee s’était fait bouffer tout cru par Steeven Langil. Pas de souci, le Standard avait de toute façon transféré un vrai back droit, un international : Martin Milec. International slovène, hein ! Putain de mercato d’été. Milec joue tout ou presque. Ça confirme qu’il y a un problème qui sera peut-être résolu par Dussaut.

POLO

Mpoku. On a beau retourner le noyau dans tous les sens, trouver des Rouches bankables est un vrai défi. Roland Duchâtelet a vendu tout ce qui avait de la valeur. Tout ou presque. Il lui reste Mpoku, absent à Charleroi. Le gars annonce son départ en janvier, le boss confirme à demi-mots. Ça pue parce que le Polo est pour ainsi dire le seul capable de créer des actions de but. Marquer lui-même, il ne le fait pas des masses. Mais faire marquer, ça oui, il sait le faire.

QATAR

Le Qatar pour acheter Mpoku et maintenant un groupe d’Abu Dhabi pour acheter carrément tout le club ou ce qu’il en reste. Avec une enveloppe d’une soixantaine de millions. BrunoVenanzi a jugé utile de démentir en fin de semaine dernière :  » Cette info ne repose sur rien, je ne suis même pas persuadé que RolandDuchâtelet veut vendre.  » Une confirmation, président ? Ah, c’est vrai, il ne s’exprime pas.

RIJEKA

On peut ergoter sur la défaite imméritée à Feyenoord en Europa League, sur le bon nul blanc (copyrightMarc Wilmots) face à Séville, sur la défaite chez les mêmes Espagnols décidément trop forts. Mais sur le dernier revers, à Rijeka, rien à redire : c’était mauvais. Et ce bilan de 4 points sur 15 ! C’était à la limite encore mieux quand Luzon décidait de considérer les matches européens comme des entraînements pour ses réservistes. Il y a un an, c’était  » priorité au championnat « . Et aujourd’hui ?

SCLESSIN

On en connaît deux qui rigolent : GuyLuzon et JeanFrançoisdeSart n’en prennent plus plein la tronche. Les calicots (rigolards et/ou assassins) ne les visent plus. Mais les messages continuent à fleurir au pied des usines. Moins de public mais toujours autant de littérature. Quand on arrive à une aussi belle moyenne de banderoles par tête de pipe, ce n’est jamais bon signe. RolandDuchâtelet prend toujours, l’équipe est devenue l’autre cible privilégiée.

TREBEL

Le public de Nantes chantait  » Il est rouquin et on l’aime bien « , celui du Standard ne lui a pas encore fait une chanson, mais voilà au moins un gars auquel il n’y a rien à reprocher. Y’a juste qu’il est un peu seul pour rendre l’entrejeu efficace. Son but bien pensé et bien construit en Coupe contre Lokeren a prouvé qu’il savait faire autre chose que casser la construction adverse. Trebel pioche estivale.

ULTRAS INFERNO

Ils se définissent comme  » l’âme diabolique de Sclessin « , ils  » protègent Liège comme le dernier bastion à conquérir « , ils sont  » prêts à suivre l’équipe partout, par tous les moyens possibles « , ils peuvent  » se distinguer par la radicalité dans leurs actions quand l’équipe joue mal : grève des encouragements, tribune bloquée, messages incendiaires, descentes aux entraînements « , ils peuvent  » vouer au club un amour indéfini comme une colère redoutable « . On ne garantit pas qu’il n’y aura pas de remake des incidents constatés lors du match contre Zulte Waregem car la situation sportive s’est à peine arrangée entre-temps.

VAN DAMME

Des Diables qui partent sans lui au Brésil, un couple qui tangue, un jeu qui s’étiole et maintenant un brassard qui n’est même plus garanti. Jelle kiffe toujours Sclessin mais l’inverse est-il réciproque ? L’affaire du brassard pourrait résumer à elle seule l’état de panique. La direction signale qu’il n’y a  » plus de capitaine « , ça se retrouve illico sur tous les sites, le département com’ réagit dans la foulée :  » Axel Lawarée n’a jamais dit que le brassard était retiré à Jelle Van Damme (…) S’il est dans les 18, il peut très bien rester capitaine.  » Ça fait quand même un peu désordre.

WILLIAM

Vainqueur. Il a largué la place rouche pour la Place Rouge et il s’en réjouit tous les jours. Il a du lourd comme coéquipiers au Dynamo Moscou (Igor Denisov, Mathieu Valbuena), l’équipe est en course pour une qualif en Ligue des Champions en fin de saison et se promène en Europa League : 15 points sur 15. Une victoire dans son dernier match, au PSV, la ferait entrer dans l’histoire : cinq fois seulement, un club a fait 18 sur 18. Dont Anderlecht ! Encore ceci : qu’est-ce qu’il manque (pour son ratissage, sa personnalité, liste non exhaustive) au Standard !

X-MEN

Les X-Men sont des super-héros, des gars aux super-pouvoirs. Les X-Men arrivés en été ont échoué, tous ou presque. Sclessin mise à présent sur des X-Men hivernaux. Lawarée reconnaît que le scouting est intense. Y’a intérêt.

YOHANN

Thuram. La place dans le but, il l’a réclamée, parfois avec philosophie, parfois avec impatience, parfois avec énervement. En rentrant de Charlton l’été dernier, il a cru qu’il allait recevoir une vraie chance face à Kawashima. Raté. Il a dû attendre les floches du Japonais pour enfin être titulaire. D’abord quelques matches sans rien encaisser puis le syndrome de la passoire l’a frappé. Lui aussi.

ZÉRO

Les grands qui snobent la Coupe de Belgique, ça semble de l’histoire ancienne. Bruges, Anderlecht, Lokeren, Gand et même Charleroi joueront les quarts. A Sclessin, on n’a pas compris la nouvelle logique.  » Le plus court chemin vers l’Europe « , qu’ils disaient ? Quand on est mal barré en championnat, ça peut être intelligent de se concentrer sur la Coupe. Mais la parodie d’opposition contre Lokeren, c’était un gros zéro. Le succès à Charleroi est encourageant mais il faudra confirmer avant les fêtes contre le Club Bruges, Gand et Lokeren. Du lourd.

PAR PIERRE BILIC ET PIERRE DANVOYE – PHOTOS: BELGAIMAGE

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