La course aux médailles

Encore 200 jours. C’est le chiffre affiché lundi dernier par l’horloge qui opère le décompte jusqu’au début des JO de Tokyo. Les athlètes belges n’auront jamais été aussi bien préparés et jamais le Team Belgium n’aura été aussi soudé. Mais combien de médailles cela peut-il nous rapporter ?

 » Ready to inspire the next generation « , tel est le titre du film de promotion pour Tokyo 2020. Afin d’inspirer la prochaine génération, le COIB veut faire mieux que les six médailles et les 19 places de finalistes de Rio, sans toutefois fixer d’objectif chiffré. On fait quand même allusion à la Virtual Medal Table de Gracenote, un bureau d’analyses sportives. Selon ses dernières prévisions, fin novembre, la Belgique remporterait neuf médailles à Tokyo. En août, l’agence en prédisait dix.

Il faut nuancer ces prédictions. Pour Rio, Gracenote prévoyait une médaille d’argent à Evi Van Acker en voile, le bronze au discobole Philip Milanov et aux taekwondokas Jaouad Achab et Si Mohamed Ketbi. Aucun des quatre n’est revenu avec une médaille… Pourtant, le Team Belgium a récolté six médailles à Rio : l’or pour Greg Van Avermaet/ Nafi Thiam, l’argent pour les Red Lions/ Pieter Timmers et le bronze pour Dirk Van Tichelt/Jolien D’hoore.

La course aux médailles

Il est peu probable que notre pays fasse mieux à Tokyo que ce qu’avance Gracenote mais le nombre de médailles obtenues à Rio constitue aussi un plancher réaliste. Beaucoup d’indicateurs sont au vert, nettement plus qu’avant Rio. Par exemple, fin 2019, le compteur des médailles belges dans les compétitions olympiques était à 19, soit sept de plus qu’en 2015 et autant que durant l’année pré-olympique record 1995. La Belgique avait prix six médailles aux Jeux d’Atlanta.

En 2019, en plus, 6 des 19 médailles ont été conquises dans un championnat du monde. Combien peut-on transposer en podiums aux Jeux ? Compte tenu de la poisse ou de blessures, de candidats qui peuvent décevoir ou surprendre (qui aurait prédit que Van Avermaet ou Thiam seraient champions olympiques ? ), nous parions que la Belgique gagnera sept médailles, soit autant qu’à Londres 1948, le record d’après-guerre.

Six ne sont pas difficiles à trouver. Quelles sont leurs chances de médailles – ou de résultat décevant – ? Et quels autres athlètes entrent en ligne de compte pour une médaille. Analyse.

LES RED LIONS

Les Red Lions symbolisent toute l’équipe belge, surtout après leur sacre mondial en 2018 et l’européen en 2019. Ces deux médailles d’or ont fait oublier l’amère pilule de la médaille d’argent obtenue à Rio, au terme d’une finale qu’ils auraient dû gagner contre l’Argentine. Mais après leur succès au stade précédent contre les Pays-Bas, les Lions étaient vidés mentalement. Ils ont évité ce piège au Mondial puis à l’EURO et sont restés concentrés jusqu’à la dernière minute.

Ils sont à l’affût de leur proie suivante, poussés par la même faim : l’or olympique, qui leur permettrait d’être le premier pays à réussir le grand chelem Mondial-EURO-JO. Mais ils ne sont plus des outsiders. Ils ont toutefois prouvé à Wilrijk qu’ils étaient capables de gérer cette pression. Cette équipe est composée de coeurs de lions qui regorgent d’assurance et de rage de vaincre, surtout depuis que Thomas Briels et consorts se sont défaits du joug de la  » génération un rien trop juste  » au Mondial 2018.

Leur qualification automatique, liée au titre européen, leur donne deux mois d’avance sur leurs adversaires. Fin octobre, ceux-ci ont en effet dû participer aux matches de qualification. Les Lions ont mis ce temps à profit pour gommer leurs imperfections physiques et passer des tests de chaleur. C’est crucial pour Tokyo, où ils vont devoir disputer huit matches en treize jours sous un climat torride. Avec deux hommes de moins que dans la sélection pour l’EURO : 16 au lieu de 18.

La concurrence pour les dernières places va être rude, alors qu’elle était déjà conséquente pour l’EURO, car de plus en plus de jeunes frappant à la porte. Victor Wegnez (joueur du tournoi) et Antoine Kina ont déjà éclaté pendant l’EURO.

Le sélectionneur Shane McLeod ne se repose pas sur ses lauriers. En plus de la condition physique, il a testé de nouvelles tactiques lors des matches amicaux. Il sait que les Pays-Bas et l’Australie vont aussi progresser sur ce plan. Or, les puissants Kookaburras sont nos principaux rivaux. Ce n’est pas un hasard s’ils ont achevé l’année à la première place du classement mondial, juste devant la Belgique, qu’ils ont battue fin juin en finale de la Pro League.

Ce mois-ci, les Red Lions mettent le cap sur Down Under pour une nouvelle campagne Pro League. C’est une sélection de joueurs du noyau A complétée par des jeunes, qui vont ainsi acquérir de l’expérience, en prévision de Paris 2024.

Mais d’abord Tokyo, donc. Les Lions sont versés dans la poule des Pays-Bas (une affiche, donc), de l’Allemagne, de l’Afrique du Sud, du Canada et de la Grande-Bretagne. Première mission : terminer premiers pour éviter le plus longtemps possible l’Australie, qui se trouve dans l’autre poule. Si possible jusqu’en finale. Là, les Lions ne se satisferont que de la médaille d’or.

NAFI THIAM

Si vous n’avez pas encore demandé vos congés, réservez-en un pour le jeudi 6 août. Les Red Lions disputeront peut-être la finale de hockey en début d’après-midi et Nafi Thiam (25 ans) disputera la dernière épreuve de l’heptathlon, le 800 mètres. Deux médailles d’or pour la Belgique en l’espace d’une heure ? Ça coulait davantage de source avant le Mondial d’athlétisme, où l’aura d’invincibilité de Nafi a été égratignée, pour la première fois depuis Rio, par Katarina Johnson-Thompson, la Britannique qui a porté à Doha son record personnel à 6.981 points.

Ce n’est pas un obstacle infranchissable pour Thiam, qui a déjà atteint 7.234 points en 2017 mais a échoué à 6.677 au Mondial, sa cinquième meilleure performance. Cette fois, la Namuroise n’a pu refaire le retard pris sur Johnson-Thompson dans les épreuves de course au lancer du poids et du javelot, handicapée par la blessure au coude subie en mai, atteinte qui l’avait déjà privée d’un record européen en juin à Talence. Par-dessus le marché, en début d’année, Nafi Thiam s’était déchiré un muscle du mollet et a souffert pendant des mois du dos et des ischiojambiers. Un moment, ces problèmes lui ont fait perdre le goût du sport.

C’est toute la question : le coude et tout le corps de Thiam résisteront-ils à une plus grande intensité d’entraînement dans les prochains mois, sachant qu’elle ne peut plus arguer de ses études, achevées. Si la réponse est positive, même une Johnson-Thompson qui a éclaté sera impuissante face à Thiam. Cette fois, elle ne portera pas seule le fardeau du statut de grandissime favorite. Le 6 août pourra donc être un jour historique pour le sport belge.

NINA DERWAEL

Tant que vous avez votre agenda en mains, libérez le dimanche (matin) 2 août. Car là aussi, le Team Belgium peut réussir un doublé, avec Emma Plasschaert en voile ( voir point suivant) et Nina Derwael.

La Sportive de l’Année a été sacrée championne du monde aux barres asymétriques pour la deuxième fois en octobre. Aux Jeux européens, elle avait chuté de son engin préféré, fatiguée physiquement et mentalement d’une période de fin d’année marquée par trop de fêtes et un printemps chargé, en combinaison avec ses études. Au Mondial, après un été passé à s’entraîner, Derwael était de nouveau en pleine forme et son armure mentale avait retrouvé toute sa résistance.

Elle devait conduire l’équipe belge à un billet olympique. Une pression gigantesque que Derwael a supportée avec succès, comme toute l’équipe, avant d’être l’élégance personnifiée en finale aux barres. Elle a fait encore mieux qu’au Mondial précédent avec 15.233 points (contre 15.200). Mais l’écart qui la séparait des autres était moins grand. La Britannique Rebacca Downie a également obtenu 15 points en réalisant un exercice de même difficulté que Derwael (6.5).

La Trudonnaise a été parfaite mais elle sait qu’elle devra réaliser un exercice encore plus difficile à Tokyo. Un exercice d’une valeur de départ d’au moins 6.7 – pour un score total de 15.500 – pour devancer Downie ou une Russe ou encore une Chinoise qui surgirait de nulle part. Derwael a déjà répété son exercice avant le Nouvel An et le testera en compétition dans les mois à venir.

Un point positif : elle semble à l’abri d’une fracture de stress aux pieds, ce qui lui permettra d’exceller dans d’autres exercices, comme le saut, ce qui est crucial si elle vise également la finale allround, qu’elle a achevée en quatrième et cinquième positions au Mondial. Mais les barres restent son principal objectif au Japon.

EMMA PLASSCHAERT

Quelques heures avant Derwael, Emma Plasschaert (26 ans) fera voile vers les médailles en Laser radial, dans la baie d’Enoshima, où l’Ostendaise a remporté le test event olympique en été puis, une semaine plus tard, la manche de coupe du monde – deux fois après une course reportée faute de vent -. Il n’empêche : c’est encourageant car elle mise beaucoup plus sur les JO que sur le Mondial, dont elle a été quatrième en juillet.

Ces tests ont été cruciaux compte tenu des conditions pénibles et très changeantes qui règnent à Enoshima, qu’il s’agisse des courants, de la direction et de la vitesse du vent ou du climat. La Flandrienne a parfaitement géré ces conditions. Son nouveau coach Mark Littlejohn lui a permis de progresser à tous points de vue : physiquement, techniquement, mentalement et tactiquement.

Plasschaert a déjà été championne du monde en 2018 mais dans des conditions atmosphériques qui lui étaient favorables. Le Britannique veut donc hausser le niveau de sa protégée, afin qu’elle excelle quel que soit le vent.

Étape intermédiaire importante : le Mondial de Melbourne, fin février. Même si notre compatriote y bat ses concurrentes – la Néerlandaise Marit Bouwmeester, la Finlandaise Anne-Marie Rindom et la Britannique Alison Young –, ça ne constitue aucune garantie d’or olympique ni même de médaille dans un sport aussi imprévisible que la voile. Une chose est sûre : elle sera bien armée et sera animée du même girl power que Thiam et Derwael.

MATTHIAS CASSE

À Rio, en 2016, Matthias Casse, âgé de 19 ans, était encore le sparring-partner de Dirk Van Tichelt, médaillé. À Tokyo, il sera l’espoir belge de médaille en judo. Il a progressé terriblement vite, empochant un premier titre européen en 2019 (il est le plus jeune Belge à y parvenir, à 22 ans), l’argent au Mondial et l’or aux Masters (une fois encore, il est le premier Belge dans ce cas).

Une nuance : aux Masters, il n’a pas dû disputer de finale suite à la blessure à une côte du numéro un mondial, Sagi Muki. Casse a perdu six de ses sept combats précédents contre lui, dont la finale du Mondial en août. Là, Casse a également eu la  » chance  » d’affronter en demi-finale l’Iranien Saeid Mollaei. La fédération lui avait interdit de se donner à fond pour ne pas affronter Muki, originaire d’Israël, l’ennemi numéro un, en finale.

Ça n’ôte rien au mérite de Casse, qui a encore étalé sa puissance en décembre, aux Masters. Alors que des blessures l’avaient empêché de combattre depuis le Mondial et qu’il manquait de rythme, il a gagné trois combats avec un golden score, aux prolongations, et contre des adversaires de haut niveau.

Si on y ajoute la passion de la jeunesse, plus l’instinct tactique – un atout qui peut lui permettre de mater des rivaux plus fins techniciens – et un mental en granit, qui ne se fissurera pas sous la pression des JO, on a là un grand candidat à une médaille. Même si pour l’or, c’est sans doute quatre ans trop tôt.

REMCO EVENEPOEL & ?

Remco Evenepoel pourrait déjà briguer une médaille à Tokyo 2020. Début 2019, nul n’aurait osé l’imaginer. Il n’empêche : le Brabançon a été champion d’Europe en contre-la-montre et médaille d’argent au Mondial. À vingt ans, il peut donc prétendre à une médaille olympique. Evenepoel lui-même vise franchement l’or.

Ça ne sera pas évident, compte tenu de la concurrence qui règnera à Tokyo. Outre le champion du monde Rohan Dennis, il y aura aussi Tom Dumoulin, Primoz Roglic, Geraint Thomas… Plus Victor Campenaerts, Wout van Aert et Thomas De Gendt, les trois Belges qui convoitent le deuxième billet pour le contre-la-montre.

Le sélectionneur Rik Verbrugghe n’effectuera son choix qu’après le Giro et la participation obligatoire des coureurs du contre-la-montre à la course sur route, quatre jours plus tard, participation qui sera sans doute un facteur déterminant. Il a pourtant intérêt à accorder la priorité à l’épreuve contre le chrono, qui se déroule sur un parcours de 44 kilomètres, avec un dénivelé de 846 mètres que Campenaerts a qualifié de  » taillé sur mesure pour les Belges  » après l’avoir reconnu. Nous y avons donc plus de chances de décrocher une médaille que dans une course sur route qui s’annonce très dure et imprévisible.

Le meilleur spécialiste du chrono, donc, en plus d’ Evenepoel. Mais qui ? Wout van Aert a fait ses preuves au Dauphiné et au championnat de Belgique mais dans quelle mesure le Campinois aura-t-il retrouvé son niveau après sa chute au Tour ? Et, comme il est déjà assuré de participer au Tour, pourra-t-il se préparer aussi minutieusement aux Jeux qu’Evenepoel ou Campenaerts ?

Le détenteur du record du monde de l’heure veut, en cas de sélection, rejoindre le Japon le plus vite possible après le Giro, comme Evenepoel, afin de s’acclimater au décalage horaire et à la canicule. C’est un énorme avantage sur les coureurs de classement et les spécialistes du chrono qui devront puiser dans leurs réserves au Tour, six jours avant les épreuves olympiques.

Quel que soit le coureur sélectionné, il sera sans doute impuissant face au champion du monde, Rohan Dennis. Le nouveau coureur du Team INEOS mise sur Tokyo, à l’issue du Giro. Or, au Mondial du Yorkshire, il avait déjà une bonne minute d’avance sur Evenepoel. Il est hors-catégorie, donc, même si on ne sait jamais, avec le jeune homme de Schepdaal.

D’autres candidats à une médaille

Jaouad Achab : bronze au Mondial et or à l’EURO en 2019 mais pas dans la catégorie olympique des -63 kilos. Il a tiré des leçons de son expérience à Rio, où il terminé quatrième et s’est trop concentré sur la médaille d’or. À 27 ans, il a atteint le sommet de ses aptitudes, physiques et mentales.

L’équipe de jumping : elle a été sacrée championne d’Europe pour la première fois en 2019. Ce n’est pas un hasard car Pieter Devos, Jos Verlooy, Jérôme Guéry et Gregory Wathelet, mais aussi Niels Bruynseels et les frères Nicola/ Olivier Philippaerts sont de plus en plus présents parmi l’élite mondiale. Verlooy a remporté le bronze à l’EURO et était 14e au World Ranking à la fin de l’année. Pieter Devos est cinquième, grâce à une série d’excellents résultats.

Le relais 4 x 400 mètres : en 2019, les Belgian Tornados ont remporté leur première médaille, de bronze, lors de leur sixième finale d’un Mondial, avec Jonathan Sacoor, Robin Vanderbemden, Dylan et Kevin Borlée. Sans Jonathan Borlée, blessé, ils ont échoué à vingt petits centièmes du record de Belgique. Une médaille est possible, si Jonathan et Kevin, âgés de 32 ans, sont épargnés par les blessures, et si Sacoor (20 ans) parvient à descendre sous les 45 secondes.

Piste : la course par équipes réintègre le calendrier olympique, pour la première fois depuis 2008. C’est une bonne nouvelle : l’année passée, Kenny De Ketele et Robbe Ghys ont obtenu le bronze au Mondial et rouleront sans doute ensemble à Tokyo. Jolien D’hoore et Lotte Kopecky ont été championnes du monde en 2017. D’hoore a également des chances de médaille en omnium.

Aviron : Niels Van Zandweghe et Tim Brys ont été médaillés de bronze au Mondial 2018 et à l’EURO 2019. Confrontés à une demi-finale très ardue, ils ont loupé la finale A du Mondial cette année mais ont gagné la B. Ils peuvent prétendre à une médaille s’ils progressent encore.

Tennis : Elise Mertens a remporté en 2019 trois doubles prestigieux avec Aryna Sabalenka : Indian Wells, Miami et l’US Open. Elle est sixième au classement WTA en double. Elle formerait un duo complémentaire avec Kirsten Flipkens (23e) ou même Kim Clijsters. Et en double mixte avec David Goffin.

La course aux médailles

L’équipe (mixte) de triathlon : les Belgian Hammers Jelle Geens, Marten Van Riel, Claire Michel et Valerie Barthelemy auraient pu briguer une médaille au dernier Mondial, sans des problèmes de matériel. Sur la distance olympique individuelle, Geens (bronze à l’EURO et premier Belge à gagner une manche des World Triathlon Series) et Van Riel (sixième à Rio 2016 et cinquième au classement WTS 2019) ne sont pas dénués de chances.

Jaouad Achab
Jaouad Achab© BELGAIMAGE
Nafi Thiam
Nafi Thiam© BELGAIMAGE
Emma Plasschaert
Emma Plasschaert© BELGAIMAGE
Remco Evenepoel
Remco Evenepoel© BELGAIMAGE
Nina Derwael
Nina Derwael© BELGAIMAGE
Arthur van Doren
Arthur van Doren© BELGAIMAGE
Elise Mertens
Elise Mertens© BELGAIMAGE
Jelle Geens
Jelle Geens© BELGAIMAGE
Jolien D'hoore
Jolien D’hoore© BELGAIMAGE
Kenny De Ketele
Kenny De Ketele© BELGAIMAGE
La course aux médailles
Jonathan Sacoor
Jonathan Sacoor© BELGAIMAGE
Jos Verlooy
Jos Verlooy© BELGAIMAGE

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