La coupe est pleine

A Charleroi, la justice fait le ménage à la place d’Elio Di Rupo. La cascade de scandales n’en finit pas. Le PS archaïque de Van Cau & Cie rend l’âme. Mais pas les armes. La suite au prochain numéro ? Enquête et analyse

l Philippe Engels, François Brabant, Thierry Denoël, Philippe Lamotte

Tout Charleroi n’est pas compromis. Tout le PS de Charleroi, parti ultra-dominant depuis la fusion des communes, en 1976, n’est pas cupide ou escroc. Mais quelle bérézina quand même ! Quatre échevins sur dix inculpés. Deux d’entre eux confrontés sans ménagement à la prison. Un homme d’affaires si proche du pouvoir municipal soupçonné de corruption. La tête de liste aux élections provinciales qui insulte la justice,  » coupable  » à ses yeux de l’avoir inculpé pour détournement de fonds. Cela fait beaucoup en quelques jours. En quelques mois : le calvaire socialiste s’éternise depuis le maudit mois de septembre 2005, lorsque l’affaire de La Carolorégienne avait éclaté ( lire p. 18).

Le point commun entre ces scandales ? Dans la première ville wallonne en nombre d’habitants, les abus de pouvoir ont atteint un sommet. Tout n’a pas été exhumé, sans doute, mais l’essentiel est dit : des échevins dont il faut respecter la présomption d’innocence auraient gaspillé l’argent public ou arrondi leurs fins de mois. Des logements sociaux ont été attribués à la tête du client. La force de travail, voire les finances d’une intercommunale au moins (l’ICDI chérie de l’échevin Lucien Cariat) auraient été détournées au profit d’un club de football en salle. Etc. La ville et ses attributs sont devenus la  » chose  » de mandataires socialistes peu scrupuleux. Plus grave : ceux-là ont été aveuglés par un incroyable sentiment d’impunité. Quand il a été arrêté, en septembre dernier, l’échevin Claude Despiegeleer semblait sincère quand il a expliqué qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui reprochait.  » On avait toujours fait comme ça…  » Face à la journaliste de la RTBF qui l’a crucifié, il y a quinze jours, Cariat a démontré une arrogance folle, presque brutale. Comment osait-elle se permettre… de vérifier si les caisses de la collectivité étaient bien gérées ?

Oui, derrière tout cela, il y a bien un  » système « . A Charleroi, depuis trop longtemps,  » on  » s’arrange entre copains,  » on  » se répartit les influences,  » on  » fait de la politique sans audit ni déontologie. Sans doute, parce que les scandales du passé n’ont jamais été condamnés sérieusement par le Parti socialiste.  » Parrain mafieux « , pour reprendre les termes d’un haut magistrat lors de son procès, Richard Carlier a assumé – seul – les affaires des années 1980. Faux, détournement d’argent, escroquerie et corruption au sein d’une intercommunale vache à lait ! Déjà. Carlier était le vrai patron du PS carolo, comme l’est aujourd’hui Jean-Claude Van Cauwenberghe. Ses fautes n’ont jamais été expiées. On a cru fermer une parenthèse de l’histoire. Dans les m£urs et les pratiques, les petits arrangements ont été banalisés. Le mauvais exemple est toujours venu d’en haut.

Pour  » Van Cau « , les dérives de proches lieutenants (à l’exception de Cariat, grand rival interne) sont forcément embarrassantes. Très affaibli, le  » patron  » est une nouvelle fois éclaboussé. Bien sûr, il ne pouvait tout contrôler. Etre derrière chaque camion de l’intercommunale des déchets. Surveiller les notes de restaurant de Despiegeleer. Vérifier les curatelles de son ami Jean-Pierre De Clercq. Mais il doit assumer la faillite d’une manière contestable de faire de la politique. Et l’affaire Wagner instruite par la justice demeure, pour lui, une épée de Damoclès ( lire p. 14).

Président du PS, le Montois Elio Di Rupo assiste à cette descente aux enfers sans l’équipement adéquat. Ni pompier ni procureur : il craint comme la peste d’affronter de face les barons qui courtisent toujours Van Cau ; il redoute une guerre ouverte entre socialistes à une encablure des élections communales. Le lundi 22 mai, Di Rupo a demandé un signal fort au PS de Charleroi. A Van Cau, donc. La réponse est cinglante. La liste communale misant sur les  » fils de  » (Van Cau et De Clercq, par exemple) reste inchangée. De Clercq reste protégé. Cariat, seul, doit courber l’échine. Le président du PS n’a qu’un seul allié dans sa quête de renouveau, à Charleroi : la justice. Il risque donc de devoir – encore – subir les événements.

Ph. E.

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