La Coupe en questions

Samedi, c’est la finale entre Gand et le Cercle Bruges. Seuls les supporters des deux clubs se passionnent. La Coupe est devenue une épreuve mineure.

Samedi prochain, la finale de la Coupe de Belgique se disputera au stade Roi Baudouin. Les supporters des deux camps se mobilisent, comme c’est souvent le cas pour une apothéose, mais on ne peut pas dire qu’ailleurs, l’épreuve passionne. En cours de saison, vu le désintérêt des spectateurs et parfois des acteurs, notre consultant MarcDegryse s’était même laissé aller à une réflexion extrême :  » Si c’est pour voir de telles parodies de matches, autant supprimer l’épreuve !  »

De fait, la Coupe est tombée en désuétude ces dernières années. Pourquoi ? Tentatives d’explication.

1. Pourquoi les grands se désintéressent-ils de la Coupe ?

Certes, aucun des grands clubs – que ce soit Anderlecht, le Standard ou Bruges – ne cracherait sur un trophée supplémentaire dans leur vitrine. Mais, au moment où ils entrent en lice, c’est-à-dire en novembre, ils ont d’autres préoccupations : un important match de championnat, une confrontation européenne… Ils essaient donc de préserver leurs joueurs-clefs, et leurs entraîneurs appliquent le principe des rotations. L’objectif prioritaire des grands est, d’abord, de se qualifier pour la Ligue des Champions. Or, la Coupe n’offre qu’un ticket pour l’Europa League.

Pour des clubs moyens, comme Malines, le Cercle, Westerlo ou… Charleroi, un ticket pour l’Europa League serait en revanche une vraie récompense. Pourtant, il leur arrive aussi d’aligner une équipe  » mixte  » lors des premiers tours.

La Coupe ne devient un véritable objectif que lorsqu’on se retrouve en demi-finales…

La finale est généralement une réussite, qui draine beaucoup de monde. Ce sont surtout les premiers tours qui n’intéressent guère les foules.

Il faut savoir, aussi, que la Coupe reste une organisation de la fédération alors que la LigueJupiler est désormais une émanation de la Ligue pro. D’où des problèmes d’agencement du calendrier. D’où, aussi, des divergences de vues lorsqu’un match oppose deux clubs de divisions différentes : faut-il 15 joueurs sur la feuille de match, comme en D2, ou 18 comme en D1 ?

2. Pourquoi la Coupe ne fait-elle pas recette ?

Si les équipes-phares laissent souffler leurs joueurs-vedettes, pourquoi les spectateurs se déplaceraient-ils au stade ? En outre, ils doivent payer leur ticket, alors qu’ils ont été habitués à la facilité d’un abonnement.

De surcroît, l’affiche proposée est généralement peu alléchante et les matches ont lieu en novembre, décembre ou janvier, dans des conditions climatiques où il vaut mieux ne pas mettre un chien dehors. Cette saison, les spectateurs ont même boudé lorsque l’affiche… était alléchante ! Le stade Jan Breydel n’a jamais été aussi peu garni que pour le quart de finale aller entre le Club Bruges et La Gantoise, un derby flandrien qui passionne généralement les foules au nord du pays.

3. Pourquoi pas de tirage intégral ?

Ce sont les grands clubs qui l’ont voulu, afin de diminuer le risque d’une élimination précoce. Ils ont aussi voulu entrer en lice plus tard (lors des 16e de finale en novembre), pour la même raison et aussi pour alléger leur calendrier.

Aujourd’hui, cet argument n’est plus défendable : avec la réforme, ils ont voté le passage d’un championnat de 34 matches à un championnat de 40 matches.

Il y a 20 ans, les clubs de D1 et de D2 entraient en lice en 32e de finale, à la fin août.

4. Pourquoi accepte-t-on l’inversion des terrains en 16e et 8e ?

Cette possibilité est prévue au règlement. Là aussi, c’était une volonté des grands clubs, qui n’ont pas trop envie d’aller au casse-pipe sur un terrain peut-être en mauvais état et face à un adversaire qui, devant ses propres supporters, n’hésiterait pas à mettre le pied. Cette inversion des terrains se produit toujours dans le même sens : c’est toujours le petit club qui cède à l’offre du grand club. A nos yeux, c’est une forme de corruption déguisée : on n’achète pas le résultat, mais on achète l’avantage du terrain, souvent décisif.

Pourquoi est-ce toléré ? Pour plusieurs raisons. La compensation financière en est une, forcément : un peu d’argent dans les caisses, par les temps qui courent, c’est toujours bienvenu. La fédération, ou le sponsor de la Coupe (actuellement Cofidis qui donne son nom à l’épreuve a signé jusqu’en 2012, avec Passe-partout et Inbev comme autres sponsors), devrait idéalement offrir une compensation financière au petit club pour l’obliger à jouer chez lui, mais ces organismes n’en ont pas les moyens.

Il n’y a pas que l’aspect financier. Il y a aussi celui de la sécurité et des installations. Beaucoup de clubs de divisions inférieures n’ont pas les infrastructures adéquates pour accueillir un grand. Jouer chez un voisin, comme en France ? On se heurte aux mesquineries et aux esprits de clochers. La saison dernière, le tirage au sort avait offert un Olympic-Genk. On aurait pu jouer ce match au Mambourg plutôt qu’à la Neuville, mais la direction du Sporting a demandé un dédommagement financier tel que les Dogues ont préféré se rendre à la Crystal Arena…

Il y a aussi les problèmes d’organisation qui jouent. Accueillir un grand du championnat, comme Anderlecht, le Standard ou Bruges, exige une organisation sans faille à laquelle les dirigeants des petits clubs ne sont pas rompus. Alors, plutôt que chercher les ennuis, autant confier l’organisation du match à l’adversaire.

Et puis, pour un joueur de D2, D3 ou Promotion qui n’aura peut-être plus jamais cette chance dans sa vie, quelle belle récompense que de pouvoir fouler la pelouse du stade Constant Van den Stock, Maurice Dufrasne ou Jan Breydel !

Bref, en inversant les terrains, tout le monde y gagne… sauf l’éthique sportive.

5. Pourquoi joue-t-on par aller-retour en quarts et demis ?

Un souhait des grands clubs, là encore. Toujours ce souci de se protéger contre les aléas d’un tirage au sort défavorable, doublé d’une volonté de doubler les recettes.

Mais, cette saison, on a un peu l’impression qu’au lieu de doubler les recettes, on a surtout… doublé les frais. Quand on n’accueille que 3.000 spectateurs et qu’on doit payer les joueurs, les forces de l’ordre, la location du stade, etc. Y trouve-t-on son compte ?

6. Pourquoi l’intérêt des TV est-il opposé au charme de la Coupe ?

Le football est toujours porteur à la télévision : même la demi-finale retour entre Roulers et le Cercle a réuni 130.000 téléspectateurs devant leur petit écran. Mais la RTBF, qui a succédé cette saison à ClubRTL pour la diffusion des matches et a signé un contrat de trois ans, rêvait évidemment d’autres affiches. L’élimination précoce du Standard, puis d’Anderlecht, a été mal accueillie.

C’est là où l’intérêt des télés est opposé au charme de la Coupe. La légende de l’épreuve se nourrit des exploits des Petits Poucets. Or, les télés prient pour que les grands clubs aillent le plus loin possible. En France, on s’extasie devant les exploits de Calais (finaliste en 2000) ou de Quevilly (demi-finaliste en 2010). En Belgique, on fait la fine bouche lorsqu’un club de D2 atteint la finale, comme ce fut le cas de Lommel en 2001.

7. Pourquoi boude-t-on les Petits Poucets en Belgique ?

Il y a à la fois une question de mentalité et de réalité géographique.

En Belgique, on a souvent tendance à voir le côté négatif des choses : si un club de D1 est éliminé par un club de D3, c’est le club de D1 qui a failli à sa tâche, pas le club de D3 qui a réalisé un exploit. Voilà pour la mentalité.

La réalité géographique ? La Belgique est un petit pays, à la superficie réduite, et seuls quatre clubs accueillent plus de 20.000 spectateurs. Si l’on sort d’Anderlecht, du Standard, de Bruges et de Genk, on descend à 10.000 pour Gand et à Malines, à 5.000 pour beaucoup d’autres. Pour les clubs de D2, à l’exception de quelques clubs historiques comme le Lierse ou l’Antwerp, c’est encore pire.

Donc, si un club de division inférieure réalise un exploit, l’impact de cet exploit reste très local.

S’ajoute à cela la complexité géopolitique du pays, avec ses deux communautés linguistiques. Si, par miracle, le FC Liège ou Bertrix réalisait un beau parcours en coupe, les Wallons se passionneraient peut-être pour leur odyssée. Mais si c’est Mol-Wezel ?

8. Va-t-on changer ?

Aucun projet de modification n’a été introduit à la Commission nationale d’études pour la Coupe 2010-2011. Sauf ceci : lors du tirage au sort du 28 juin, qui concerne les cinq premiers tours, on tiendra compte de la répartition des clubs dans les divisions 2010-2011, et plus 2009-2010, ce qui évitera au Lierse (club montant) de devoir débuter en août comme avait dû le faire Saint-Trond l’an passé.

« Cette saison, on a eu l’impression qu’au lieu de doubler les recettes en quarts de finale, on a surtout doublé les frais. »

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