La cage aux ours

Du banc anderlechtois à la pleine lumière au Germinal Beerschot où il est loué pour la saison.

Le Germinal Beerschot comme point de chute pour Silvio Proto, voilà qui ne manquait pas d’étonner eu égard à la dernière apparition de l’intéressé au stade du Kiel, la saison passée. Au terme de la demi-finale retour de la Coupe de Belgique, on se souviendra que le keeper du RSCA avait alors eu des mots extrêmement durs envers une frange du public local : – Une bande de cons !

C’était là, effectivement, sa réponse à une bande d’hurluberlus qui l’avaient allégrement chambré après qu’il eut offert un but à Gustavo Colman sur une mauvaise relance. Des irréductibles qui s’acharnèrent une nouvelle fois sur lui, par calicots interposés cette fois, lors du récent déplacement des Ours à Westerlo, suite à l’annonce de son passage possible dans leurs rangs. Proto, rot op pouvait-on lire notamment sur l’un d’entre eux. Autrement dit : – Dégage … mais pas dans le sens où l’entend généralement un gardien. Du coup, le réserviste de Daniel Zitka au Parc Astrid se fit quelque peu tirer l’oreille à l’heure de signer son transfert sur base locative vers la métropole anversoise.

Il fallut toute la persuasion du manager du Sporting, Herman Van Holsbeeck, pour que le dossier soit finalisé. Après avoir présenté ses excuses pour ses dérapages verbaux lors d’un point-presse, le lundi 1er septembre, et avoir répété cette même démarche auprès de ceux qui assistèrent aux divers entraînements de l’équipe-fanion, la semaine passée, c’est un Proto serein et détendu que nous avons rencontré samedi passé, à la fin de la séance de préparation du jour.

De Tubize à Mouscron en passant par le Standard et Roda, votre nom a été lié à bon nombre de clubs durant ce mercato. Pourquoi votre choix s’est-il porté sur le Germinal Beerschot, surtout vu les antécédents ?

Silvio Proto : J’ai eu pas mal d’opportunités réelles pendant cette période de transferts, mais elles ont capoté tantôt pour des raisons sportives, tantôt pour des considérations financières. Au bout du compte, deux clubs restaient en lice : Murcie et le Germinal Beerschot. J’avais donc le choix entre un pensionnaire de D2 espagnole relativement anonyme et un sociétaire du sub-top belge davantage médiatisé. Pour des raisons d’exposition, j’ai préféré cette option-là, même si j’ai quand même eu un temps d’hésitation suite aux réactions hostiles à mon égard lors du déplacement de l’équipe anversoise au Kuipke. J’étais franchement loin de me douter que l’aversion envers moi était à ce point profonde. D’accord, j’avais eu la malencontreuse idée de prononcer des mots qui dépassaient mon entendement. Mais moi aussi j’avais dû composer avec des remarques peu amènes, notamment d’un ramasseur de balles pas plus haut que trois pommes, qui avait tenu à me remercier pour mon cadeau lors de la rentrée aux vestiaires. J’étais excédé et j’ai sûrement eu tort de m’épancher. Je pensais toutefois que les gens se montreraient plus indulgents pour ce genre de remarque à chaud. Mais les supporters n’avaient manifestement pas oublié la scène. Je me suis confondu en excuses auprès d’eux et j’espère désormais me racheter une conduite par le biais de bonnes performances sur le terrain.

 » J’avais compris avant que Jacobs ne dévoile sa hiérarchie « 

Lors de la reprise des entraînements à Anderlecht, vous ne songiez nullement à un prêt ou un transfert définitif mais tout simplement à la concurrence avec Zitka et Davy Schollen. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Le maintien de mon statut de doublure, tout simplement. J’espérais progresser d’un cran dans la hiérarchie et retrouver ni plus ni moins le poste de titulaire qui était le mien à mon arrivée au club en 2005. J’avais bon espoir : je me sentais bien, non seulement, mais je me rendais compte aussi que l’entraîneur, Ariel Jacobs, se montrait des plus évasifs au sujet de la hiérarchie voire la rotation chez les gardiens. Je me faisais fort que j’aurais ma chance mais j’ai dû déchanter. Face à BATE Borisov, j’étais numéro 2. J’avais déjà eu un doute à ce propos auparavant et j’en ai eu tout bonnement confirmation ce soir-là. Du coup, ma décision était prise : je devais impérativement aller voir ailleurs, sans quoi j’aurais joué les seconds rôles pour la troisième saison d’affilée et cela, il en était hors de question. J’ai fait contre mauvaise fortune bon c£ur durant tout ce temps car j’avais le très net sentiment, malgré tout, de progresser. Je n’étais peut-être pas titulaire mais en me mesurant à chaque séance de préparation à des joueurs de qualité, mon propre niveau suivait la même courbe ascendante. Toutefois, seul le rythme et l’intensité des matches sont capables de vous faire passer à l’échelon supérieur. Et moi, précisément, j’étais arrivé à ce stade-là. J’avais besoin de jouer pour me bonifier et comme cette perspective m’était refusée à Anderlecht, il fallait que je prenne la tangente.

A quel moment aviez-vous compris que vous ne seriez pas titulaire au Sporting ?

Le coach avait dit qu’il opérerait son choix le jour même du match contre le BATE Borisov. Mais j’avais eu la puce à l’oreille 48 heures plus tôt déjà. Le lundi précédant le match, j’avais été convoqué dans le bureau du manager, Van Holsbeeck. Il s’était montré franc en disant qu’une solution devait à tout prix être trouvée pour moi si d’aventure je n’étais pas titularisé en 2008-2009. J’en ai rapidement conclu que la décision avait déjà été prise et que je ne devais plus me faire d’illusions. J’ai attendu jusqu’au match contre les Biélorusses pour être fixé de manière définitive, puis j’ai ventilé ma décision.

 » Tant qu’à partir, autant que ce soit pour de bon « , aviez-vous dit en substance. Mais vous êtes finalement loué au Germinal Beerschot pour six mois.

A un moment donné, j’ai franchement cru qu’il valait mieux couper les ponts. C’est la direction qui m’en a dissuadé. Et en particulier le président, Roger Vanden Stock. – Daniel Zitka, c’est peut-être le présent mais toi, tu es notre avenir, m’a-t-il dit. Ces paroles me sont allées droit au c£ur et c’est pourquoi je me suis ravisé.

 » Loué sans option d’achat, c’est une marque de confiance « 

A un moment donné, il fut pourtant question d’un échange entre Kenny Steppe et vous, avec une option d’achat en sus pour le Germinal Beerschot. Ne l’interprétiez-vous pas comme une motion de méfiance ?

Cet artifice était une pure invention de la presse. Monsieur Van Holsbeeck m’a dit et répété qu’il n’a jamais été question de cette clause. Pas plus que d’une vente, sauf si un club était disposé à consentir une petite folie pour moi.

Votre tête était mise à prix pour 5 millions d’euros. Du moins, si le candidat-acquéreur s’appelait le Standard…

J’ai lu ça également mais il convient quand même de se méfier de ce que rapporte une certaine presse. Certains ont l’imagination féconde. Après le match de Supercoupe, j’en étais soi-disant quasiment venu aux mains avec un fan et Olivier Deschacht avait dû nous départager. C’est un peu fort de café : cette personne m’avait tout simplement dit sa façon de penser et je lui avais fait part de la mienne. Mais le ton n’est jamais monté entre nous. Et la dispute ne fut sûrement pas physique.

Entre les gardiens anderlechtois, le climat a-t-il toujours été au beau fixe ?

A aucun moment on ne s’est tiré dans les pattes. Mais chacun avait ses ambitions.

Zitka a quand même rué dans les brancards en disant que ce n’était pas parce que Davy Schollen avait livré quelques bons matches que la hiérarchie devait être remise en cause ?

Il n’a fait que répéter ce que le staff nous avait dit en tout début de saison. Dans le même ordre d’idées, on nous avait signifié aussi qu’en cas d’erreur, le fautif aurait droit à la mansuétude également, à condition de ne pas accumuler les gaffes. Sans quoi il y aurait eu des récriminations chaque semaine. Car aucun d’entre nous n’a été impérial.

Vous, notamment, c’était au Germinal Beerschot. Vous arrive-t-il parfois encore de songer à cette phase ?

Mes nouveaux coéquipiers me l’ont très gentiment rappelé en tout cas ( il rit). C’était à la rigolade, évidemment. Il faut tirer des enseignements de ses erreurs et celle-là en était une : j’avais voulu dégager rapidement mais la puissance n’y était pas. Colman en a profité pour intercepter le ballon et me lober. Il n’y avait pas à dire : c’était bien joué de sa part et plutôt mal de la mienne. Je mets cette approximation sur le compte d’un manque de rythme. J’en étais à mon second match de la saison à peine et je n’avais pas la bonne cadence. C’est ce soir-là, d’ailleurs, que l’idée m’a effleuré pour la première fois de partir. Je n’éprouvais pas les bonnes sensations. J’ai traîné ces approximations jusqu’en fin de saison car ma finale de Coupe de Belgique contre La Gantoise, n’était pas tout à fait nickel non plus. J’ai voulu oublier tout ça pour repartir du bon pied cette saison. Hélas, les événements en ont décidé autrement.

 » A la place du coach, j’aurais opté pour Zitka également « 

La saison passée, Schollen avait l’impression de s’être rapproché de Zitka, au point de revendiquer la place de numéro 2. Vous-même, aviez-vous le sentiment d’avoir réduit les distances aussi ?

La différence entre Daniel et moi ne relève pas de nos qualités intrinsèques. Au plan du keeping, nous sommes très proches l’un de l’autre. La différence, c’est le rythme. Si l’entraîneur a opté pour lui, c’est pour cette raison, il me l’a dit. Et je ne peux pas lui donner tort, en ce sens que le Tchèque est resté en activité à l’EURO au moment où les autres étaient en congé. Il n’avait rien lâché lors de la reprise. Aussi, à la place de Jacobs, j’aurais fait le même choix. Il n’y a pas grand-chose à redire.

Vous avez l’impression que tous les gardiens anderlechtois sont heureux à l’heure actuelle ?

Zitka n’a jamais eu vraiment à se plaindre puisqu’il faisait figure de numéro 1. D’après ce que j’ai pu lire dans les journaux cette semaine, Schollen est ravi, manifestement, de mon départ, puisqu’il ne fait plus figure de troisième choix. Il a été très clair à ce propos et je le comprends. Moi-même, je ressens mon passage au Germinal Beerschot comme une délivrance. Quoique le plus dur reste quand même à venir puisque je dois faire mes preuves sur le terrain. Et, par là même, conquérir aussi le public.

Quel regard portiez-vous sur le Geminal Beerschot au moment où vous portiez les couleurs louviéroises et anderlechtoises.

Tant avec les Loups qu’avec le Sporting, un déplacement au Kiel n’a jamais été une sinécure. Le public n’a pas son pareil pour pousser les joueurs à la victoire. Quant au gardien adverse, il n’a qu’à bien se tenir, je suis bien placé pour en parler ( il rit). A plus d’une reprise, comme joueur visiteur, j’ai eu l’impression, au propre comme au figuré, de me retrouver là-bas dans la cage aux ours ( il rit encore). A présent que je vais vivre la situation de l’intérieur, j’espère que me sentirai davantage dompteur que dompté.

Vous allez d’emblée être mis sous pression, dans la mesure où le Germinal Beerschot a complètement loupé son entame de championnat.

Deux points sur neuf, c’est vrai que c’est un peu maigre pour un club pointé comme l’une des possibles révélations de la saison. A juste titre, car pour m’être entraîné à une demi-douzaine de reprises avec mes nouveaux partenaires, c’est sûr qu’il y a du potentiel. Offensivement, il y a même pas mal de beau monde mais chacun cherche encore un peu ses marques. En attendant, c’est à l’arrière-garde de faire montre de sa solidité et je compte fermement y contribuer.

par bruno govers – photos: reporters

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