La bougeotte

Le Club ne nous avait pas habitués à de si nombreux changements.

Depuis de nombreuses années, Bruges a construit ses succès sur la stabilité. Le noyau a été façonné, année par année, et n’a pas l’habitude d’être bouleversé. Les intersaisons brugeoises sont généralement émaillées par un ou deux départs, rapidement compensés par des arrivées réfléchies. Pourtant, cette année, la grande lessive menace les champions de Belgique. Et cela génère automatiquement de nombreuses questions.

Est-ce la fin d’une époque à Bruges ?

Incontestablement. Trond Sollied est en train de prendre congé de son employeur d’une drôle de façon. Il avait toujours dit qu’en cas de départ, Bruges serait prévenu en premier. Ce qui ne fut pas le cas puisque ce sont les médias, qui avaient reçu une cassette vidéo dans laquelle le Norvégien annonçait son arrivée à Olympiakos, qui ont communiqué la nouvelle. Dernière preuve s’il en est du rapport froid, voire glacial existant entre Sollied et la direction brugeoise. Dans cette histoire, la direction brugeoise a perdu énormément de crédit. Jamais, elle n’a semblé avoir les choses en main. Le président Michel D’Hooghe n’a pas manqué de qualifier la saga Sollied de vaudeville alors que l’entraîneur norvégien n’arrêtait pas de brouiller les pistes. Certes, la saga est un style littéraire inventé par les Nordiques mais fallait-il aller jusque-là ? Samedi, Sollied continuait à nier l’évidence, à savoir qu’il officierait la saison prochaine en Grèce, alors que l’Olympiakos, après une réunion d’actionnaires, avait annoncé sa venue sur le site internet du club. Ses tergiversations ont également empêché Bruges de prendre langue avec son futur employeur.

Sollied parti, Marc Degryse va pouvoir imprimer un peu plus sa griffe. Et il y a fort à parier que le système Sollied (4-3-3) sera abandonné par son successeur. Cinq ans, cela use. Les adversaires sont habitués au jeu brugeois et les joueurs se sont plaints à de nombreuses reprises de la routine des entraînements. De plus, le système Sollied se basait sur la connaissance entre joueurs. A partir du moment où de nombreux pions sont appelés à évoluer dans un autre club, il n’est pas sot de rompre définitivement avec ce canevas.  » Nous disposons d’un noyau de 27, 28 joueurs, ce qui nous permet d’évoluer dans différents systèmes « , explique le directeur sportif de Bruges.  » On a toujours des spécialistes mais nous disposons quand même de joueurs polyvalents « .

Sollied doit encore faire éplucher son contrat grec par ses avocats et s’il part, il faudra lui trouver un successeur. Un nom circule énormément : celui de Jan Ceulemans. Sa nomination serait également un signe fort de rupture par rapport aux années Sollied. Dans la corporation des entraîneurs, Ceulemans et Sollied représentent des opposés. Autant, tout est organisé par Sollied, autant Ceulemans base ses succès sur une certaine improvisation. Si Ceulemans succède à Sollied, il y aura une rupture dans le style mais tout cela sera inscrit dans la continuité car personne ne connaît mieux la maison brugeoise que l’entraîneur de Westerlo.

La défense risque-t-elle de prendre l’eau ?

Dans n’importe quelle formation, perdre trois défenseurs titulaires constituerait une petite catastrophe. Rien n’est moins sûr à Bruges mais il semble que la direction ait bien préparé son coup. Le départ de Peter Van Der Heyden à Wolfsburg et celui de Hans Cornelis à Genk sont prévus de longue date. Cela a permis à Bruges de prendre les devants en faisant venir de La Louvière Michael Klukowski au mercato hivernal pour l’acclimater au système brugeois. Le Canadien a déjà prouvé son utilité (notamment à Mons) sous ses nouvelles couleurs et même s’il n’est pas encore au niveau de Van Der Heyden, il risque de se montrer à la hauteur de la tâche. A droite, Bruges devait choisir entre Olivier De Cock et Cornelis. La direction a opté pour le premier malgré l’éclosion du second. En le lâchant à la concurrence, Bruges perd un élément d’avenir, disposant d’une belle technique mais De Cock ne manque pas d’arguments. Il est plus rapide et plus explosif que Cornelis, ce qui n’est pas négligeable dans une équipe qui demande beaucoup d’apport offensif à ses flancs.

Dans le centre de la défense, la vente de David Rozehnal au PSG, où il a reçu un contrat de quatre ans, a été directement compensée le jour même par l’arrivée de Jos Valgaeren pour trois saisons . Non seulement, le Club réalise une belle affaire financière (on parle d’une somme d’1,75 million d’euros alors que Valgaeren n’a rien coûté puisqu’il était en fin de contrat) mais aussi une bonne opportunité sportive. Valgaeren a l’expérience de quelqu’un qui a déjà connu les joutes européennes avec le Celtic, où il est resté cinq saisons et l’équipe nationale (19 sélections) et il arrive dans la plénitude de l’âge û il a 29 ans. Tout le contraire du Tchèque, qui effectue seulement son entrée dans le concert international, ce qui lui avait valu notamment quelques imprécisions la saison passée. La grosse inconnue de l’année concernera la capacité physique de Valgaeren, souvent éloigné des terrains sur blessure ces dernières saisons.  » Il n’a pas connu des blessures si dramatiques « , explique Marc Degryse.  » Une fois les ligaments croisés. Mais cela fait déjà un petit temps. Et en novembre, une distension des ligaments du genou. Sinon, il s’agissait toujours de petites blessures. On est tombé sur une bonne opportunité. Il y a cinq ans, il avait été transféré pour 5 millions d’euros de Roda au Celtic. Et nous, nous l’avons eu gratuitement « .

Enfin, la défense brugeoise pourra toujours compter sur des éléments solides comme Philippe Clement ou le néo-international Birger Maertens.

Ceh marquait quand même beaucoup…

Le départ de Nastja Ceh n’est pas vraiment surprenant. Il s’agit en quelque sorte de la chronique d’un départ annoncé. A partir du moment où le Slovène avait soumis à la direction brugeoise une demande d’augmentation et que celle-ci avait refusé, plus rien ne le retenait dans la Venise du Nord. Il ne manquait plus que de trouver un candidat acheteur. A l’annonce de son transfert vers l’Austria Vienne, pas mal de gens ont haussé les sourcils. Le championnat autrichien est-il plus attrayant que la compétition belge ? Qu’en est-il des ambitions de Bruges quand ce club n’arrive pas à s’aligner sur les salaires d’une équipe comme celle de l’Austria ? Ceh part simplement pour un pays proche de sa Slovénie natale et qui lui garantit un salaire plus confortable.

Mais Bruges a-t-il manigancé son départ ? Marc Degryse a vite compris qu’il fallait lâcher son maître à jouer. Plutôt que de voir partir le Slovène pour rien fin juin 2006, les Brugeois ont préféré encore bénéficier d’une somme de transfert. L’Austria Vienne a mis sur la table plus d’un million d’euros. Pas mal pour un joueur qui, s’il possède certaines qualités (technique, créativité, bonne passe), ne fait pas partie du top.

Bruges dispose également de plusieurs alternatives pour le remplacer. Jonathan Blondel peut évoluer au milieu gauche même s’il a davantage fait impression, cette saison, comme ailier gauche. Blondel a une bonne mentalité et plus d’explosivité que Ceh. Mais il n’a pas la même qualité de passe. Il doit également améliorer son intelligence de jeu. Il se laisse encore trop guider vers l’avant. Il n’a pas le calme et l’expérience de Ceh, qui a su améliorer sa mentalité et ses qualités physiques après une première saison médiocre. Il avait compris qu’il devait s’adapter au système de Sollied. Blondel pas encore. Blondel a tout à gagner dans le départ de Sollied.

Ceh était important dans le triangle médian. Il savait se déporter sur la gauche sans coller à la ligne et surgir vers le milieu du jeu. Désormais, tout dépendra du successeur de Sollied. Avec le Norvégien, celui qui évoluait dans le triangle devait courir énormément et s’infiltrer devant le but. Si le nouvel entraîneur évolue en 4-4-2 (comme le fait souvent Jan Ceulemans à Westerlo), le poste de médian gauche peut également revenir à Ivan Gvozdenovic, fort en duel mais déficient sur le plan technique par rapport à Ceh ou à Michael Klukowski, qui a déjà émergé comme médian à La Louvière.

Néanmoins, si les solutions de remplacement existent en interne, le départ de Ceh prive le club de son meilleur technicien et d’un élément capable de faire la différence comme en témoignent ses 37 goals en 147 rencontres sous la vareuse blauw en zwart.

Timmy Simons sera-t-il encore brugeois ?

Vraisemblablement non. Certes, Bruges a repoussé définitivement l’approche de Feyenoord mais c’est désormais le PSV qui pointe le bout du nez. Même si Bruges a refusé une première offre du champion des Pays-Bas, le manager de Simons, Guy Bonny, compte bien pousser un peu plus loin les négociations.  » Timmy est revenu de vacances lundi et maintenant, on va rétablir le contact entre les deux clubs « , a expliqué le manager,  » J’espère qu’on parviendra à trouver un accord et j’estime pour le moment qu’il a beaucoup plus de chance de quitter le Club Bruges que d’y rester. Pour qu’il parte, il faut dans un premier temps des clubs intéressés û c’est le cas û et ensuite, à bientôt 29 ans, il sait qu’il doit saisir les occasions qui se présentent car, au fil des années, elles vont se raréfier. C’est le bon moment pour lui de partir « .

Une autre piste pourrait le conduire à l’Olympiakos où Sollied le prendrait volontiers avec lui. Mais Simons et son entourage ne sont pas trop tentés par le défi grec.  » Il préférerait aller au PSV « , ajoute Bonny.  » Il sait ce qu’on attend de lui, là-bas. Il y parlerait sa langue, sa petite fille irait à l’école sans problème et il ne se situerait pas loin de sa famille qui réside entre Louvain et Hasselt. Il s’agit d’un certain nombre d’avantages qui comptent dans le choix d’un club « .

Reste maintenant à analyser le comportement de la direction brugeoise qui estime que le nombre de départs est déjà trop important et qui fera tout pour conserver son capitaine.  » L’argument du nombre de départs sera certainement mis sur la table « , conclut Bonny. Les négociations risquent donc d’être dures.  » Timmy a toujours dit que pour son transfert, toutes les parties devaient être satisfaites « , explique Marc Degryse.  » A l’heure d’aujourd’hui, ce n’est absolument pas le cas « .

Si Simons quitte Bruges, il s’agira à coup sûr de l’élément le plus difficile à remplacer. Il savait aussi bien ratisser que donner la dernière passe, où il surpassait un joueur comme Clement. Sollied voulait un récupérateur qui disposait de cette qualité de passe. Quant à Ceulemans, à Westerlo, il privilégie une ligne médiane avec deux hommes à tout faire. Cette saison, tant Wim Mennes que Chris Janssens alliaient l’apport offensif au retour défensif.

Et les prochains transferts ?

Plusieurs noms ont été cités la semaine passée. Outre Joos Valgaeren qui a rejoint Bruges, Luigi Pieroni, Grégory Dufer et Arek Radomski étaient susceptibles de rallier Bruges. Pourtant, ce ne sera pas si simple que cela. Le départ de Bonaventure Kalou au PSG a ouvert la porte du onze de base d’Auxerre à Pieroni. Il semble donc que son retour en Belgique ne soit plus d’actualité.

Dufer, qui revient de ses vacances en Crète, est toujours sous contrat à Caen, relégué en L2 et son départ dépendra de la position des Normands. Cependant, aucun contact n’a encore été pris entre la direction brugeoise et lui.  » Je suis ouvert à toutes les propositions car je veux avant tout retrouver le terrain afin de favoriser mon retour en équipe nationale mais mes managers ne m’ont rien dit sur l’intérêt brugeois. J’ai été prévenu par un ami. Cependant, je me dis qu’il n’y a pas de fumée sans feu et donc je suis flatté que Bruges pense à moi. C’est un club qui se bat pour les premières places et qui disputera la Ligue des Champions. Cependant, il faut encore analyser les départs car si Simons part et qu’Englebert glisse au centre, alors je pourrais évoluer sur le côté droit. Mais si c’est pour me mettre en concurrence avec Gert Verheyen qui est le chouchou du public, j’y réfléchirais à deux fois « .

Quant au Polonais d’Heerenveen, Arek Radomski, pressenti pour remplacer Simons, il a préféré opter pour… l’Austria Vienne.

Degryse s’est rendu la semaine passée au Mondial des û 20 ans aux Pays-Bas.  » Nos scouts sont présents à toutes les rencontres. C’est un inventaire des joueurs les plus prometteurs. Transférer les plus talentueux n’est pas réalisable. Et ceux, juste en dessous, c’est également difficile mais peut-être que dans un an ou deux, il y aura un jeune que nous avons vu là-bas qui sera libre. Cela peut toujours être intéressant « .

Avec l’argent récolté cette semaine (plus d’un million pour le transfert de Ceh, 1,75 pour celui de Rozehnal et, peut-être les 375.000 euros pour le départ de Sollied), Bruges dispose pourtant d’une force financière non négligeable.

Stéphane Vande Velde

 » Toutes les parties DOIVENT ÊTRE SATISFAITES dans le transfert de Simons. C’est loin d’être le cas  » (Marc Degryse)

Samedi, SOLLIED CONTINUAIT à NIER l’évidence alors que l’Olympiakos avait annoncé sa venue sur le site du club

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