La bouée

En Wallonie, l’éclosion d’un nageur relève de l’accident mais un jeune Liégeois pourrait sauver la natation belge de la noyade.

Cela fait cinq ans que la natation belge a commencé à couler. En 1998, FrederikDeburghgraeve était sacré champion du monde du 100 mètres brasse. Deux ans plus tard, YseultGervy décrochait une médaille de bronze aux championnats d’Europe mais aucun Belge ne parvenait à se hisser en finale des Jeux Olympiques. Quatre ans plus tard, aucun nageur belge ne répondait aux critères de sélection pour les J.O. d’Athènes. Et cette année, aux championnats du monde de Montréal, notre seul représentant, l’Anversois StefVerachten, fut éliminé sans gloire. La bouée de sauvetage a cependant été lancée à Crisnée. C’est en effet au club de Liège Natation qu’est affilié celui qui est appelé, dans les prochaines années, à refaire parler de notre natation au niveau international.

YorisGrandjean n’a eu 16 ans qu’en mars, mais de terribles espoirs pèsent déjà sur des épaules qu’il a heureusement fort larges. Tout a commencé voici un an, lorsque FrankDepoorter, un ex-nageur flamand devenu journaliste, révéla que, hormis IanThorpe, aucun garçon de 15 ans n’avait jamais nagé le 100 mètres aussi vite que Yoris.

Du coup, des victoires aux championnats de Belgique de jeunes paraissaient bien banales et Yoris se mit à viser plus haut. Il se qualifia donc pour le Festival Olympique Européen de la Jeunesse qui réunissait, début juillet à Lignano, ce qui se fait de mieux sur le continent dans diverses disciplines. Et Yoris répondit tout à fait à l’attente puisqu’il remporta les 50, 100 et 200 mètres nage libre tout en se classant troisième du 100 mètres papillon. Avec, en prime, des records des championnats au 100 libre (51 »27) et 50 libre (23 »47). Au 200 mètres nage libre, il décida de ne pas se donner à fond afin de pouvoir aider la Belgique à se classer cinquième du 4×100 mètres quatre nages.  » Un excellent résultat puisque nous sommes le premier des petits pays derrière l’Italie, l’Allemagne, la Russie et la Grande-Bretagne « , dit Yoris qui, bien que la natation soit un sport individuel, comprend mieux que quiconque l’intérêt d’être entouré d’une bonne équipe. Son père, JeanLuc, fut durant de longues années l’un des meilleurs joueurs belges de handball, tant au HC Herstal qu’en équipe nationale. Et son grand-père maternel n’est autre que l’ex-international belge de football, champion de Belgique avec le FC Liégeois en 1952, GérardSulon.

Yoris était pourtant venu à la natation par hasard pour accompagner sa s£ur aînée Tahnee, qui pourrait briguer un jour des titres de championne francophone. Et comme il s’ennuyait souvent au bord du bassin, EricHoste, un des entraîneurs de jeunes du club, lui proposa d’enfiler un maillot et de venir nager.

Et s’il ne sautait pas de joie à l’idée d’aligner les longueurs de bassin, Yoris est aujourd’hui devenu uncannibale, comme le surnomme André Henveaux, son entraîneur qui a déjà dirigé des nageurs et nageuses de bon niveau comme IsabelleArnould, son frère JeanMarie ou SandraCam.  » Mais aucun ne m’avait jamais valu d’entendre l’hymne national « , raconte-t-il avec émotion.  » Yoris est un tueur, dans le sens sportif du terme : plus la compétition est importante, plus il répond présent. Il a le caractère du vrai Liégeois : c’est un teigneux, un bagarreur et un mauvais perdant. Il fait 1,80 m mais a surtout un style. Il ne nage pas en puissance. D’ailleurs, il ne soulève pas de poids. Il fait juste un peu de musculation avec son père, qui est prof de gymnastique « .

Reste maintenant à Yoris à parcourir le long chemin qui doit le mener à Pékin. Un parcours du combattant car la natation belge fait face à une grosse crise de moyens. La fédération francophone a dû lancer sur fonds propres un sport études à Liège. Grandjean n’en fait pas partie car il s’entraîne en partie dans son club et le matin au collège Saint-Servais, où les deux heures de bassin et le salaire de son entraîneur sont payés par la fédération.

 » Mais la natation continue à coûter de l’argent à mes parents, notamment en frais de matériel et de kiné « , a confié Yoris à son retour d’Italie. Une phrase qui lui avait valu un coup de fil un peu vexé du ministre des Sports. ClaudeEerdekens a toutefois promis d’organiser une réunion afin de mettre les problèmes sur la table mais cet incident prouve qu’en Wallonie, l’éclosion d’un nageur relève toujours de l’accident.

Patrice Sintzen

HORMIS IAN THORPE, aucun nageur de 15 ans n’avait jamais nagé le 100 m aussi vite

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