La bombe brugeoise

Il y a trois ans, le milieu croate a effectué un test d’une semaine à Anderlecht, qui a continué à le suivre. Pourquoi n’a-t-il jamais été transféré au Sporting et a-t-il signé à Bruges ?

Les Mauves n’ont pas snobé Perisic

Ivan Perisic se souvient parfaitement de son passage à Anderlecht, à l’été 2006.  » Je me suis entraîné avec l’équipe fanion à une seule reprise. Je me rappelle encore de Boussoufa, Biglia, Vanderhaeghe, Vadis, Vercauteren et De Boeck « , raconte-il.  » J’ai joué contre Saint-Trond avec l’équipe B et j’ai participé à un tournoi international à la côte belge avec les -19 ans. Sven Kums était capitaine. J’ai dû marquer six ou sept buts, dont deux en demi-finales, contre le PSV.  »

Le médian parle de l’Eurofoot d’Oostduinkerke, un tournoi annuel réservé aux Juniors, qui se déroule le premier week-end d’août. Dans la phase en poules de l’édition 2006, Anderlecht a vaincu Willem II (4-0), le Cercle Bruges (2-0) et le Standard (3-1). Il a concédé le nul face aux Danois de Brondby IF (0-0) puis a battu le PSV en demi-finales PSV (3-1) avant de s’incliner face à Willem II (0-2) en finale. René Peters entraînait l’équipe :  » Je me souviens très bien de lui. Il était légèrement blessé et j’ai dû le ménager mais sa prestation contre le PSV m’a marqué. Il a été vraiment décisif, dans le jeu comme à la conclusion. Il avait le sens du but, il était fort de la tête et sa technique de frappe était fantastique. Nous procédions alors en 4-3-3 et je l’avais utilisé comme avant en décrochage. Nous avions une brillante équipe et Hervé Kage, qui joue maintenant au Sporting Charleroi, avait été élu meilleur footballeur du tournoi. Perisic avait réussi son test. J’ai établi un rapport positif à son sujet.  »

Durant la saison 2006-2008, Frankie Vercauteren formait le staff technique d’Anderlecht, avec ses adjoints Glen De Boeck et Daniel Renders.  » Je ne sais rien, j’ai jeté tous les rapports « , commente Vercauteren… Renders affirme également ne rien savoir et De Boeck s’en souvient vaguement, ce qui semble également le cas de Vanderhaeghe et de Kums.

Werner Deraeve, responsable du scouting à cette époque, nous renvoie à Jean Kindermans, chef du centre de formation de Neerpede :  » Perisic a effectué un test avec le groupe des Elites, placé sous l’autorité du staff de l’équipe fanion. Ce staff reçoit un document reprenant l’évaluation de tous les joueurs, après un tournoi comme l’Eurofoot mais je peux imaginer qu’un entraîneur accaparé par la préparation du championnat et de la Ligue des Champions a peu de temps à consacrer à la lecture d’un rapport sur un gamin de 17 ans. Vous devez aussi savoir qu’Anderlecht reçoit une cinquantaine de joueurs par an, des jeunes de toutes les origines, de tous les âges. Il n’est pas toujours évident de poser un jugement sur base de quelques matches et entraînements. C’est presque une loterie. Lorsque l’un d’eux éclot dans un autre club, on y attache beaucoup d’importance mais on ne parle jamais de ceux que nous renvoyons et qui échouent ailleurs aussi. La qualité du footballeur n’est pas toujours en cause. Nous tenons aussi compte de son profil, de la concurrence et de son prix.  »

Tout a changé quand il s’est enterré à Sochaux…

C’est Tonci Martic qui a découvert Perisic à Hajduk Split. Didier Frenay, son partenaire chez Star Factory Football Management, a présenté le talent croate à Anderlecht.  » J’ai assisté à tous les matches de ce tournoi d’Oostduinkerke « , raconte Frenay.  » Ivan a marqué six buts et a étalé sa classe. Je me souviens qu’il a notamment marqué sur coup franc, du pied droit, et que cinq minutes plus tard, il a fouetté le montant, du gauche. Raymond Mommens était sous le charme mais ce joueur était trop coûteux pour le Sporting Charleroi. N’oubliez pas qu’Ivan n’avait que 17 ans et qu’il avait un an ou deux de moins que la plupart des autres. Un entraîneur des jeunes a établi un rapport positif mais je pense qu’il n’avait pas voix au chapitre. Un jeune médian offensif ne constituait pas la priorité d’Anderlecht, qui a conclu qu’il possédait déjà des jeunes de ce niveau, comme Kums, qui joue à Courtrai, et Kage.

Ivan a finalement signé un contrat de quatre ans à Sochaux. Au deuxième tour de la saison passée, quand il a été mis à la disposition de Roulers, Anderlecht l’a visionné mais apparemment sans être convaincu. Si Herman Van Holsbeeck l’avait vu en personne, Perisic jouerait à Anderlecht, je pense, mais c’est Sochaux qui a commis la pire erreur : comment n’accorder aucune chance à un joueur doté d’un potentiel semblable et le laisser partir ? Il joue des deux pieds comme nul autre, il possède un remarquable jeu de tête et il est rapide malgré sa taille -1,87 mètre. Regardez ses accélérations contre Westerlo et la manière dont il a amené le quatrième but, en fin de partie. Son style s’explique par sa morphologie : il a des jambes courtes par rapport à son gabarit. S’il reste les pieds sur terre, Ivan peut aller très loin. Je dois remercier Luc Devroe, le manager de Bruges, qui a été très vite convaincu de son talent.  »

 » J’ai vu Perisic à quatre ou cinq reprises la saison écoulée « , commente Rik Vande Velde, l’actuel responsable du scouting à Anderlecht.  » J’étais entouré d’Allemands. Tout le monde se rendait à Roulers pour le visionner. Il est bon et possède une grande qualité : il est efficace. Il y a peu de joueurs de ce type en Belgique. Nous n’avons pas délivré d’avis négatif mais je ne peux en dire davantage. Je ne trouve d’ailleurs pas qu’Anderlecht doive se justifier de n’avoir pas enrôlé Perisic…  »

Van Holsbeeck a le mot de la fin :  » Le rapport que j’ai reçu à propos de Perisic au terme du tournoi d’Oostduinkerke il y a trois ans était positif mais peu après son test, le joueur a signé à Sochaux. Nous avons continué à le suivre mais il n’a pas eu de succès en France. Il a livré de très bons matches à ses débuts à Roulers puis il a été moins brillant. Il est certainement un excellent footballeur mais nous avons douté. Nous n’étions pas sûrs qu’il devienne titulaire à son poste de prédilection. C’est différent dans une équipe en formation comme le Club Bruges. Nous avons finalement décidé de ne pas l’engager pour ne pas bloquer nos propres jeunes. « 

Il bat le Club en Coupe et le persuade

Fin août, Ivan Perisic a paraphé un contrat de trois ans au Club Bruges.  » Il a disputé son premier match sous le maillot de Roulers contre nous, en huitièmes de finale de la Coupe, le 11 janvier 2009, et il a inscrit le seul but de la partie « , déclare Devroe.  » Nous l’avons vu une douzaine de fois. Nous étions absolument convaincus de ses qualités : il joue des deux pieds, est bon de la tête, a un bon abattage et le sens du but. Il recèle à peu près toutes les qualités requises. Son échec à Sochaux ne nous intéresse pas. Cela peut arriver. Regardez Tom De Sutter : il n’a pas atteint notre noyau A mais il joue à Anderlecht et il est international. Il faut également recadrer le passage à vide Perisic à Roulers : il n’a que vingt ans et il disputait son premier tour en D1. Il n’est pas anormal de marquer le coup un moment donné. Vadis l’a expérimenté chez nous aussi. Tout le monde sait aussi que j’entretiens d’excellentes relations avec Dennis van Wijk, l’entraîneur de Roulers. Nous savions parfaitement ce que nous enrôlions mais tant que des clubs allemands comme Hertha Berlin étaient en course, nous étions confrontés à des normes allemandes comme un salaire de 800.000 voire 900.000 euros par an. En plus, notre priorité allait à l’acquisition d’un défenseur central.  »

Le Club n’a acquis Perisic que dans la dernière semaine des transferts. Celui-ci négociait alors avec Hajduk Split.  » Nous n’avons pas trouvé d’accord. Hajduk voulait que je signe pour quatre ou cinq ans alors que je ne souhaitais pas me lier pour plus de trois saisons « , explique à son tour Perisic.

 » Alors que j’allais signer pour Hertha, le manager, Dieter Hoeness, a été limogé et le club n’a pas souhaité prendre de décision avant de lui avoir trouvé un successeur. Il l’a trouvé en Michael Preetz, un ancien joueur du club, qui m’a dit qu’il ne voulait pas prendre de risque à son premier transfert et m’a fait passer un test contre un club de D10. Nous nous sommes imposés 23-0, j’ai inscrit deux buts et ensuite, Lucien Favre, l’entraîneur principal, m’a déclaré qu’il n’avait pas besoin de renfort à ma position. J’ai été déçu mais j’ai finalement de la chance dans mon malheur : Hertha est en bas de classement et le Club deuxième. Le Borussia Dortmund a été refroidi par ma baisse de forme et celle de Roulers, après quelques mois. Il a estimé qu’il me faudrait sans doute un an pour être prêt. Trabzonspor avait déjà dépassé son contingent de six Européens et devait se défaire de deux joueurs avant de pouvoir m’embaucher.  »

Il a été qualifié pour disputer le match de la sixième journée contre Genk. Adrie Koster l’a immédiatement titularisé, sur le flanc gauche. Manifestement prudent face au 3-4-3 de Hein Vanhaezebrouck, l’entraîneur du Club a remanié tout son entrejeu, postant Jonathan Blondel et Karel Geraerts devant la défense, Perisic et Vadis sur les flancs tandis que Wesley Sonck reculait au milieu offensif. Le système n’a pas fonctionné. Le Club a été dominé, Perisic a dû trop courir derrière Dimitri Daeseleire et Koster est intervenu dans le courant de la première mi-temps. Perisic a occupé la place la plus avancée d’un losange et a marqué son premier but pour sa nouvelle équipe.

 » J’aime jouer derrière deux attaquants « 

 » Je n’ai pas besoin de temps d’adaptation « , explique-t-il.  » Je me suis immédiatement intégré dans mes autres clubs aussi. Il est plus facile de jouer ici qu’à Roulers car l’équipe est plus forte et mes coéquipiers meilleurs. J’aime évoluer dans l’axe, derrière deux attaquants. Je peux ainsi amorcer les attaques dans l’entrejeu et surgir dans le rectangle grâce à mon abattage. « 

Il séjourne pour l’instant à l’hôtel Weinebrugge de Bruges. Son amie vient de retourner à Split pour y poursuivre ses études universitaires d’économie et sa mère est restée à Sochaux avec sa s£ur, qui y poursuit ses études.  » Mais en janvier, elle pourra poursuivre ses humanités en français à Mouscron. En attendant leur déménagement, je vais occuper un appartement aux environs du stade. La présence de ma mère et de ma s£ur est importante. A Sochaux, dans les pires moments, elles m’ont insufflé la force de persévérer. « 

Perisic et le Club ont affronté Anderlecht dimanche.  » J’ai clos le chapitre quand, au terme de mon match à Anderlecht, sous les couleurs de Roulers, le président des Mauves a dit non à Frenay. On ne juge pas un footballeur sur un seul match. Qui atteint toujours son meilleur niveau ? Même au Real, ce n’est pas possible. J’ai aussi entendu dire qu’Anderlecht avait tellement de bons médians qu’il se demandait si j’atteindrais le onze de base. Tout le monde sait ce qui est arrivé à HernanLosada et je ne voulais pas vivre un remake de Sochaux. C’était différent au Club. Il m’a visionné plus souvent et me connaît sans doute mieux. Je pense que c’est le club idéal pour moi. La Bundesliga aurait été plus dure. Je connais déjà le championnat de Belgique et j’évolue dans une équipe du top-3 qui me respecte et me permet de montrer mes qualités. Je suis convaincu que si nous continuons de la sorte, avec ce groupe et ce staff, nous sommes en mesure de remporter un prix.  »

par christian vandenabeele – photos: reporters/ hamers

« Alors que j’allais signer cet été pour Berlin, son manager a été limogé… (Ivan Perisic) »

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