La belle & la bête

La championne russe, glamour girl du tennis, parle de l’art de se concentrer, de Serena Williams, son cauchemar, de ses investissements dans de jeunes artistes et… de ses gémissements.

En 2004, Maria Sharapova, alors âgée de 17 ans, a enlevé son premier titre à Wimbledon et est ensuite devenue l’icône marketing du tennis féminin. Fin avril, elle avait déjà gagné 27 millions de dollars en prize-money mais la blonde, qui mesure 1m88, retire bien plus de ses contrats de sponsoring. Rien que l’année dernière, grâce à l’entreprenant MaxEisenbud d’IMG, elle a perçu 23 millions de dollars via ses activités publicitaires et d’après le magazine Forbes, elle a été la sportive la mieux payée au monde, pour la neuvième année d’affilée. Au début de cette année, la bimbo a lancé Sugarpova, sa propre marque de friandises. Masha, qui vient de fêter ses 27 ans, est riche et belle mais son appétit sur le terrain n’est pas encore apaisé.

Vous avez gagné Wimbledon pour la première fois il y a dix ans. Vous souvenez-vous encore de ce que vous avez ressenti après la balle de match ?

Maria Sharapova : Ce fut une grande surprise. Je ne me savais pas capable physiquement de signer un tel exploit, surtout pas contre Serena Williams, qui avait gagné les deux éditions précédentes du tournoi et défendait donc son titre. Ces deux semaines ont été une expérience formidable : j’ai entamé le tournoi sans la moindre appréhension, j’ai joué de mieux en mieux au fil des matches et j’ai commencé à chercher à marquer le point gagnant. Quand tout a été terminé, ça m’a paru surréaliste.

Vous avez gagné quatre grands chelems et trente tournois WTA à présent. Est-ce toujours comme la première fois ?

Oui. Je suis une bête de compétition. Je veux gagner et progresser. C’est pour ça que je travaille si dur. Le tennis, c’est de la sueur. Brandir le trophée ensuite, c’est le plaisir pur.

Depuis 2003, vous avez gagné au moins un tournoi par an, malgré une longue blessure à l’épaule. Comment avez-vous géré ce contrecoup ?

Grâce à mon expérience. J’ai connu des bons et des mauvais moments. Une opération à l’épaule – j’en ai subi une en 2009 – représente l’horreur absolue pour un joueur de tennis car tout le monde ne retrouve pas son niveau ensuite. Ce fut donc une période très pénible car je n’avais personne à qui me raccrocher. Tommy Haas a également été opéré à l’épaule – et à la hanche – et il a retrouvé la douzième place du classement ATP mais je ne savais pas si je parviendrais à renouer avec l’élite absolue. Aucun autre joueur n’avait réussi à remporter un grand chelem après une intervention aussi lourde. Pas le moindre ! C’était très angoissant.

En progrès face à Serena

Certains jouent pour gagner, d’autres avant tout pour ne pas perdre. Quelle est votre source de motivation ?

Ce n’est pas seulement une question de mentalité mais de style de jeu. Telle joueuse manque de puissance et joue surtout défensivement : elle court beaucoup et renvoie le plus de balles possible. Conclure qu’elle ne gagne qu’en exploitant les fautes des autres serait un peu court car sa force est de pousser les autres à la faute. Le tennis est une combinaison de physique et de facteurs mentaux.

Le tennis est-il une guerre psychologique ?

Certainement ! Gamine, je n’étais pas la plus grande, la plus rapide ni la plus forte. J’ai toujours été convaincue que le mental pouvait faire la différence. D’autres filles étaient souvent meilleures que moi, à tous points de vue, mais je m’imposais grâce à ma force mentale. Quand on est trois heures sur le terrain, il est difficile de rester concentrée. Donc, il s’agit d’être attentive et de se ressaisir quand une phase de jeu est moins faste.

Est-il difficile de conserver son calme sur le terrain ?

Ça dépend des matches. Quand je joue bien et que je me sens bien, je peux accepter de perdre un match. Je suis toujours déçue mais c’est différent quand j’ai mal joué. Alors, la défaite est vraiment frustrante.

Comme il doit être frustrant de jouer contre Serena Williams, que vous n’avez plus battue depuis 2004 mais qui vous a infligé quinze défaites d’affilée. Quel est son point fort et comment pouvez-vous renverser la vapeur ?

Elle est extrêmement puissante. Son jeu s’appuie sur son service et quand elle est en difficulté, elle sert encore plus précisément, plus durement. Ça m’a posé des problèmes mais je remarque des progrès depuis deux ou trois ans. Nos dernières joutes ont été vraiment passionnantes. J’ai perdu mais sans avoir le sentiment de n’avoir pu lire son service ou de ne pas pouvoir renvoyer ses balles. Il faut trouver un juste milieu contre Serena : essayer de développer son propre jeu tout en en faisant un peu plus pour pouvoir gagner.

Personne comme exemple

Vous vous êtes souvent heurtées en-dehors des courts. À Indian Wells, elle a jugé votre tenue  » jolie  » mais en insistant sur les guillemets.

Je l’ai entendu.

Comment décririez-vous vos relations ?

Nous sommes présentes sur le circuit depuis longtemps, nous avons souvent joué l’une contre l’autre et nous nous connaissons bien. Nous sommes concurrentes car nous voulons toutes deux être performantes. J’éprouve beaucoup de respect pour l’athlète. Ses performances sont éloquentes et elle occupe une place proéminente dans l’histoire du tennis féminin. Nous avons un autre point commun : nous avons débuté très jeunes et nous avons dû surmonter des blessures. Serena doit constituer un modèle pour les jeunes joueuses.

D’autres joueuses vous inspirent-elles ?

J’aime regarder les matches mais je ne trouve pas qu’une joueuse en particulier puisse être un exemple. Chacune a ses points forts et ses points faibles, moi comme les autres. Certains aspects de mon tennis sont bons, je dois travailler d’autres points. Je n’ai jamais adulé une joueuse mais j’étudie les points forts de certaines. Comment elles réagissent sur le terrain après un point perdu, comment elles reviennent, leur force mentale, leur revers…

Comment arrivez-vous, en plus de votre sport, à vous occuper de la presse, de tant de sponsors et de Sugarpova ?

Les gens me demandent souvent pourquoi j’investis autant de temps dans ces choses. C’est simple : j’aime les nouveaux défis et même les problèmes que je dois résoudre. Le tennis m’a donné la chance de me développer en tant qu’être humain. Ne s’occuper que de son sport, vouloir constamment progresser, c’est bien mais quand on quitte le court, l’idée de faire autre chose est agréable. Au début de ma carrière sportive, j’aimais la mode et le life style mais avec l’âge, je m’intéresse de plus en plus au monde des affaires. J’aime découvrir comment on peut créer un produit à succès, par exemple. C’est une expérience unique pour une personne de 27 ans et cela m’offre des perspectives d’avenir.

Investissements dans l’art

Que feriez-vous si vous aviez plus de loisirs ?

Malheureusement, je suis trop rarement chez moi. Ça peut paraître fou mais je suis plutôt maison. Préparer à manger, faire mon lit, le ménage, parcourir mon courrier… Comme je cours d’un tournoi à l’autre, ça m’est quasiment impossible. Quand je suis malgré tout chez moi, je profite de ma collection d’art.

Que collectionnez-vous ?

L’art moderne, surtout des peintures de jeunes artistes américains dans lesquels j’investis. Pas pour gagner de l’argent plus tard mais je suis heureuse de contempler certaines oeuvres. Ça me met de bonne humeur. L’art moderne est souvent excentrique et je dois donc me demander quel est le message du tableau. J’ai acheté chaque peinture à un moment particulier de ma carrière pour qu’il y ait en elle quelque chose de moi-même.

Qu’est-ce qui compte pour vous : les couleurs ou les formes ?

La technique et les couleurs. Il suffit d’entrer dans une galerie d’art pour remarquer à quel point les goûts peuvent différer. Pour une toile que j’aime, dix la détestent.

La WTA veut bannir les ahanements excessifs des courts, depuis l’année dernière. À juste titre ?

Je ne pense pas qu’excessif soit le terme adéquat. Les coaches peuvent apprendre à leurs joueurs des techniques de respiration spéciales à un âge très tendre mais quand j’ai effectué mes débuts, personne ne s’y intéressait. J’ai été formée comme ça et il m’est pratiquement impossible d’arrêter du jour au lendemain. C’est comme si demain, je devais effectuer un coup droit avec une autre poignée. Ceci dit, pour les jeunes joueuses qui débutent, imposer une certaine limite sonore n’est pas une mauvaise idée.

Quels sont vos projets à court terme ? Des grands chelems, l’élite absolue, une médaille olympique en 2016 ?

Quand on a gagné quatre grands chelems, on ne manque pas de grands objectifs. Une médaille olympique serait spéciale car jouer pour la médaille d’or à Londres a été une expérience unique.

Mais vous avez été battue 6-0, 6-1 par Serena Williams. La fin n’a pas été heureuse…

Hélas non, mais je suis quand même fière d’avoir gagné la médaille d’argent dès mes premiers Jeux. Dans deux ans, j’aurai une nouvelle chance.

PAR THOMAS KLEMM – PHOTOS: BELGAIMAGE

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