» LA BELGIQUE PEUT CRÉER LA SURPRISE À L’EURO « 

 » Tout le monde essaie de jouer comme le Barça ou la Roja et j’en suis très fier « , déclare Xavi.  » Mais nous n’avons pas changé le football.  »

Non, pour rien au monde il n’aurait voulu rater le clasico entre le Real et Barcelone, précisait Xavi (35 ans), en riant, il y a deux semaines. L’ancien métronome du Barça est très satisfait de sa nouvelle carrière au Qatar. Il joue dans l’Etat du Golfe tout en découvrant le métier d’entraîneur mais un samedi soir sans Real-Barça, non, il ne peut se l’imaginer.

Le match de samedi passé a été le premier depuis la saison 1999-2000 dans lequel il n’était pas impliqué directement. Xavi a effectué ses débuts contre les Madrilènes le 26 février 2000. Ce soir-là, il avait remplacé Winston Bogarde au repos. Le Real s’était alors imposé 3-0 et Luis Enrique, son futur entraîneur, était encore un coéquipier.

Le Barça de l’époque était très hollandais, non seulement avec Bogarde mais aussi MichaelReiziger, BoudewijnZenden, Frank de Boer et Patrick Kluivert, plus Louis van Gaal sur le banc. Un entraîneur dont il a d’abord pensé qu’il était  » un idiot « , avant de revoir son opinion.

De nombreux autres duels face aux Merengue allaient suivre, en championnat, en Ligue des Champions, en Copa del Rey et en Supercopa. 42, au total. Xavi a été dans le camp des vainqueurs à 17 reprises, dans celui des perdants treize fois. Il a vécu de beaux clasicos mais aussi des rencontres qui ont franchi les limites, durant le règne de José Mourinho.

En cette période, ils se livraient un véritable combat, sans se soucier de la qualité du jeu. Jusqu’à ce qu’Iker Casillas, le coéquipier de Xavi en équipe nationale, s’en lasse et téléphone au Catalan :  » Comment vas-tu ? « , demanda celui-ci, étonné.  » Mal « , dit Casillas. Les deux internationaux ont alors décidé de mettre fin à ces combats qui donnaient le mauvais exemple.

Nous sommes en face de Xavi, à un événement organisé par Adidas, et lui posons la question. Le débat est brûlant d’actualité puisque le football français ne parle que de l’affaire Benzema. Ce n’est que le lendemain que les balles des terroristes feront la une de l’actualité, même en foot. Bref, les footballeurs ont-ils un rôle de modèles ?

Xavi :  » Sans aucun doute. Beaucoup de jeunes copient notre comportement et ce dans le monde entier puisque les grandes équipes sont suivies partout. Cristiano Ronaldo, Neymar, AndresIniesta… Nous sommes des privilégiés qui menons une existence tout sauf difficile.

OK, il y a parfois des inconvénients à cette célébrité mais nous vivons dans une bulle, avec de nombreux privilèges. Nous avons eu la chance de faire de notre passion notre métier et celui-ci nous vaut une énorme reconnaissance. Nous devons donc mener une vie exemplaire afin de donner le bon exemple aux jeunes du monde entier.  »

Donc, pas question de laisser dégénérer un clasico retransmis dans le monde entier… Il opine.

VAN GAAL, RIJKAARD, GUARDIOLA ET ARAGONES

Nous nous parlons alors que Raul prend congé du football actif. Xavi n’en est pas encore là, même s’il a déjà dit adieu à l’Europe.  » J’avais une offre du Zenit Saint-Pétersbourg mais je n’imaginais pas jouer pour une autre formation que le Barça en Europe. J’ai donc préféré le Qatar et c’est une des meilleures décisions de ma vie. Je peux continuer à jouer tout en entamant ma formation d’entraîneur, à l’Aspire Academy.

Je suis assistant des U23 et je remarque que ça me plaît beaucoup. Etre sur le terrain avec les jeunes, donner des consignes… Je ne sais pas encore si je deviendrai entraîneur ou si je serai plutôt directeur technique mais je resterai en tout cas dans le monde du football.  »

Le Van Gaal de Barcelone, le coach qui développait un football offensif et attrayant en possession du ballon, constitue une de ses références, comme PepGuardiola, Luis Enrique et même FrankRijkaard. Selon lui, ce sont ces hommes qui lui ont appris son art.

 » Imaginez que je devienne entraîneur. Je pourrai difficilement prôner un autre style que la possession du ballon, assortie de nombreux mouvements, beaucoup d’esprit offensif, loin de notre but, dans le camp adverse. J’ai été formé comme ça. Mes qualités physiques n’étaient pas terribles et j’ai donc dû apprendre à réfléchir, à m’appuyer sur mon talent et ma technique.  »

Sous le maillot de Barcelone, il a dominé le football mondial pendant plus d’une décennie. L’Espagne a été également une puissance planétaire durant tout ce temps, avec deux titres européens et un mondial. A-t-il le sentiment d’avoir laissé un héritage au football ? Sa voix est déterminée.

 » Je n’oserais pas parler d’héritage sur le plan personnel. Peut-être au niveau du club ou de l’équipe nationale : une philosophie claire, un football direct et offensif… Mais nous n’avons pas changé le football. C’est Johan Cruijff qui a un peu changé le football de Barcelone et nous avons continué sur sa lancée.

Plus tard, un autre homme a radicalement changé le football espagnol : Luis Aragones. Il a abordé le thème avec beaucoup de pragmatisme. Je ne suis qu’un élève de Cruijff et d’Aragones. D’un autre côté, je suis fier d’avoir été pendant tout ce temps le moteur des deux équipes.

Partout dans le monde, les clubs essaient maintenant de jouer plus ou moins comme le Barça ou l’équipe nationale espagnole. Même l’Allemagne en Coupe du Monde. Elle a développé un football fantastique, qui lui a valu la victoire finale.  »

La technique a-t-elle pris le dessus sur le physique ? Xavi ne le pense pas :  » Ça va de pair. Les footballeurs sont désormais beaucoup mieux préparés physiquement. Toutefois, le talent prime et j’espère que ça ne changera pas. LionelMessi, Neymar, SergioBusquets, Iniesta, James Rodriguez, LukaModric

Le physique n’oriente pas un match, c’est par le talent, une passe géniale ou un dribble, qu’on le fait basculer. Pas par des duels. Cesc Fabregas, Isco, Thiago Alcantara déterminent le jeu de l’équipe nationale. Nous avons aussi d’autres types, plus costauds, comme AlvaroMorata, Diego Costa et Sergio Ramos. Mais ils ne dominent pas le jeu. Ce sont les médians qui l’orientent le jeu et entrent le plus souvent en contact avec le ballon.  »

UN TRÈS BEL EURO EN PERSPECTIVE

Adidas a invité Xavi à Paris pour y présenter le maillot et le ballon du prochain EURO. Il ne doit pas réfléchir longtemps quand on lui demande qui est susceptible de succéder à l’Espagne en juillet.

 » L’Espagne ! Oui, toujours maintenant, malgré une Coupe du Monde décevante, que je relativise. Le 5-1 contre les Pays-Bas nous a assommés et notre défaite contre le Chili, le futur champion d’Amérique du Sud, nous a achevés. Pourtant, nous avions un excellent groupe. L’Espagne a poursuivi sa cure de rajeunissement depuis.

CarlesPuyol, Xabi Alonso, David Villa et moi y avons renoncé et de nouveaux noms sont apparus. La France est aussi une des favorites, en tant que nation hôte et parce qu’elle a une bonne équipe. Sans oublier l’Allemagne. L’Italie va se mêler à la lutte. Je pense que nous allons vivre un bel EURO.  »

Et la Belgique ? Xavi :  » Elle peut faire la surprise. La levée actuelle est formidable. Mais le Pays de Galles peut aussi nous surprendre. Le football s’est nivelé mais il y a quand même une différence entre les favoris et les outsiders. Les favoris, ce sont les nations qui sont toujours présentes tandis que les surprises misent sur une génération. Outre le talent, il faut avoir un brin de chance pour gagner un tournoi.

Comme nous dans les tirs au but contre l’Italie, lors de notre premier sacre européen. En Afrique du Sud, si Arjen Robben marque en finale, les Pays-Bas sont champions. Ce genre de détails va être déterminant. Autre facteur déterminant, la mentalité. L’Espagne est positive, je le sais, et elle est donc capable de réaliser de grandes choses.  »

Un dernier mot : à côté du football, la famille est le pilier de sa vie et en décembre, il va devenir père.  » Oui, d’une petite fille.  » Il rit. Mais si, un jour, il conçoit un garçon ? Faire mieux que le père relève de la mission impossible… Xavi :  » Il fera ce qu’il voudra. Peut-être n’aimera-t-il pas le football, même si ce serait étrange au sein d’une famille où tout tourne autour du ballon et avec un père fana de foot. Mais on ne sait jamais. J’espère simplement que mes enfants seront heureux dans ce qu’ils entreprendront.  »

PAR PETER T’KINT À PARIS – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Le physique n’oriente pas un match. C’est par le talent qu’on le fait basculer.  » XAVI

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