La Belgique n’a-t-elle plus de bons défenseurs ?

Chaque semaine, Sport/Foot Magazine pose à différents interlocuteurs la question qui fait débat.

Hugo Broos Hugo Broos, ancien défenseur international devenu entraîneur

 » Non seulement il y a moins de défenseurs mais il n’y en a plus de véritables, actuellement. Défendre, c’est simplement s’emparer du ballon. La génération précédente était forte dans les duels mais dans le football contemporain, il faut absolument être bon à la relance en plus. Une équipe du plus haut niveau a tout au plus besoin d’un véritable défenseur, et non plus de trois comme jadis. Je vois des défenseurs commettre des erreurs de position aujourd’hui. Ils ont aussi des lacunes dans les duels. Autrefois, Anderlecht accordait peu d’attention à la construction à partir de l’arrière. Durant mes années là-bas, je m’emparais du ballon et je le cédais au meneur de jeu. Désormais, ce régisseur n’existe plus. Le numéro 10 à l’ancienne court à présent douze kilomètres par match, comme les autres médians. Il y a encore quelques bons défenseurs en Belgique, comme OliDeschacht. BrandonMechele et BjornEngels sont également de purs arrières. Reste à savoir si ça suffit pour devenir international.  »

Jean Kindermans Jean Kindermans, responsable de la formation à Anderlecht

 » Je décèle quand même de nombreux talents en Belgique. La relève des Diables Rouges est assurée pour plusieurs années. S’il y a un problème, c’est plutôt à l’échelon des arrières latéraux. A ce poste, on trouve le plus souvent des joueurs qui ont été reconvertis. A Anderlecht, nous avons eu l’habitude, pendant des années, de privilégier des footballeurs créatifs, offensifs. Nous nous intéressions moins aux profils strictement défensifs, même si nous avons rectifié le tir il y a quelques années. Nos scouts doivent maintenant repérer, indépendamment des bons avants et des gardiens prometteurs, également des défenseurs dans l’âme, tout en sachant que leur profil va sans doute changer d’ici cinq ans. A mon époque, un défenseur était avant tout défenseur. Aujourd’hui, il doit coupler à cette qualité-là un bon passing et apporter une plus-value sur les phases arrêtées.

Dans le futur, je pense qu’il sera un joueur all-round : tantôt attaquant, tantôt défenseur, tantôt médian. Le joueur de demain sera en mouvement perpétuel. Personne ne se lance dans le football parce qu’il aime défendre : tout le monde veut marquer des buts. La plupart des bons arrières latéraux sont d’anciens ailiers qui redescendent d’un cran parce qu’ils sont un rien trop courts au sept ou au onze. Nous travaillons souvent avec des joueurs qui ont été reconvertis en défense mais c’est encore mieux si nous pouvons les inciter à occuper ce poste plus jeunes. Je ne décèle pas de hiatus aux positions défensives chez nous, pour le moment. Nous avons de bons footballeurs, sur les flancs comme au centre, mais nous ne pouvons évidemment pas prédire s’ils seront bons à l’âge adulte.  »

Henk Mariman Henk Mariman, ancien responsable de la formation au Club, actuellement conseiller

 » Depuis quelques années, on met l’accent sur la relance à partir de l’arrière et on se soucie comme d’une guigne de la défense stricto sensu. Dans ces conditions, des formations qui gagnent aisément leurs matches n’offrent évidemment pas un contexte idéal pour la formation de défenseurs. Si ceux-ci ne sont pas régulièrement mis sous pression, ils ne développent pas une série de compétences. Au Club, ça allait encore car les joueurs étaient formés en fonction de tâches spécifiques. En catégories d’âge inférieures, on y procédait d’ailleurs avec un trio défensif, exposé à plus de pression que dans une défense à quatre et qui, ce faisant apprenait donc davantage.

Ceci dit, on accorde globalement moins d’attention à l’aspect défensif pendant la formation. On exerce la technique et les mouvements offensifs mais beaucoup moins les techniques défensives. Ce n’est pourtant pas un péché d’apprendre à des gosses de douze ans à défendre homme contre homme. A partir de quinze ans, on peut leur dispenser des séances spécifiques mais en Belgique, elles sont quasiment inexistantes. Nous avons introduit des entraîneurs de ligne au Club. De ce point de vue, Mechele et Engels doivent une partie de leur succès à l’apport de Philippe Clement. C’est aussi un phénomène de balancier. Je mets ma main au feu que dans quelques années, les Diables Rouges n’auront peut-être plus assez d’attaquants et que le souci se situera à ce niveau.  »

Philippe Albert Philippe Albert, ancien défenseur international, analyste TV

 » Je n’ai pas l’impression qu’il y a trop peu de bons défenseurs belges. On ne se serait même pas posé la question si, par hasard, plusieurs arrières ne s’étaient pas blessés au même moment. On n’a pas de problème quand on a des défenseurs comme TobyAlderweireld et VincentKompany, qui jouent à l’étranger. En Belgique, je trouve ThomasMeunier bon et jusqu’il y a peu, AnthonyVanden Borre travaillait bien. Deschacht est un bon défenseur et il y en a d’autres : LaurensDe Bock,Mechele, Engels. Ajoutez-y les Belges qui sont titulaires à l’étranger et nous sommes tranquilles pour quatre ou cinq ans. Le niveau des Belges évoluant à l’étranger est si élevé qu’il est difficile aux défenseurs restés en Belgique de les égaler. Ceci dit, l’apport des défenseurs a changé parce que le football lui-même a évolué. Avant, on avait un seul médian défensif. Les arrières pouvaient monter puisqu’il y avait des espaces dans l’entrejeu. De nos jours, chaque équipe a deux ou trois médians axiaux, ce qui coupe tous les espaces. Les défenseurs ne doivent plus coulisser mais se concentrer davantage sur leurs tâches spécifiques. Le Club doit notamment sa belle campagne européenne à l’excellent jeu de position de son arrière-garde.  »

PAR GEERT FOUTRÉ

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