La Belgique à l’envers

Plus à l’aise contre les petits que contre les grands, les Diables Rouges risquent de louper l’EURO 2004.

Et un, et deux, et trois-zéro : les Diables Rouges n’ont pas failli à la tâche contre Andorre, mais la mauvaise nouvelle était tombée un peu plus tôt dans la soirée : la victoire de la Croatie en Estonie avait rendu l’accession aux barrages très aléatoire.

AiméAnthuenis a raison de souligner que, depuis qu’il est à la tête de l’équipe nationale, le bilan est positif : sur les neuf rencontres disputées (matches amicaux compris), deux seulement se sont soldées par des défaites. Malheureusement, ce sont les deux rencontres les plus importantes, face aux deux rivaux les plus dangereux pour la qualification. Lorsqu’on s’incline d’entrée de jeu à domicile contre la Bulgarie, il faut à tout prix récupérer les points perdus en déplacement. Ce que les Diables Rouges n’ont pas été capables de faire. Lorsqu’on affiche, à deux matches de la fin, un bilan intermédiaire d’un point sur neuf contre les deux adversaires directs (Bulgarie et Croatie), on peut difficilement terminer à l’une des deux premières places. L’élimination n’est certes pas encore mathématique, mais au-delà du six sur six indispensable face à la Croatie et à l’Estonie à l’automne, il faudra espérer que nos rivaux perdent des points ailleurs… ou que l’on batte les Croates par cinq buts d’écart.

Ce n’est évidemment pas en ce mois de juin que les Diables Rouges ont compromis leur qualification, mais en début de campagne. Le premier match contre la Bulgarie, au stade Roi Baudouin, est peut-être arrivé trop tôt. La transition entre la génération précédente, dont certains membres émérites avaient tiré leur révérence au retour du Japon, et la nouvelle génération n’était pas encore totalement accomplie. Un joueur désormais très important comme ThomasBuffel, qui a pris du galon tout au long de la campagne, n’était encore qu’un Espoir à l’époque. Lors du déplacement à Zagreb, les Diables Rouges ont aussi eu la malchance de perdre leur gardien de but GeertDeVlieger et leur pare-chocs défensif YvesVanderhaeghe, sans avoir eu l’occasion de préparer d’autres solutions pour une rencontre aussi capitale.

Jeunesse et expérience

Depuis sa prise de pouvoir, Aimé Anthuenis a introduit 12 nouveaux joueurs. 13, si l’on compte JonathanWalasiak qui n’a pas joué. La voie qui mène des Espoirs aux Diables Rouges est désormais royale, comme en attestent les promotions accordées à GabyMundingayi, OlivierDeschacht, TomSoetaers, KoenDaerden et Thomas Buffel. Le sélectionneur national a également raison de souligner qu’aujourd’hui, il dispose d’un bon noyau d’une vingtaine de joueurs et d’un heureux mélange de jeunesse et d’expérience, mais le temps qu’il a fallu pour trouver le juste équilibre et la bonne formule aura probablement suffi pour que l’EURO 2004 nous passe sous le nez.

D’une certaine manière, les Diables Rouges ont respecté la tradition. S’ils ont disputé six Coupes du Monde d’affilée, ils ne se sont plus qualifiés pour un Championnat d’Europe depuis 1984. Lors de l’EURO 2000, ils étaient en effet qualifiés d’office en tant que co-organisateurs.

Mais c’est bien le seul domaine dans lequel la tradition a été respectée. En fait, c’est la Belgique à l’envers par rapport à ce que l’on était habitué de la part des Diables Rouges. Cette fois, ils ont pris le maximum de points face aux sans-grade du groupe (et même lors du match amical en Algérie), mais ils ont failli face aux grands.

Nos qualités sont aussi très différentes de ce qu’elles étaient autrefois. Nous n’avons plus, par exemple, de très grands gardiens de but. Geert De Vlieger est un bon gardien, mais on ne peut pas le cataloguer dans la lignée des MichelPreud’homme, JeanMariePfaff, ChristianPiot ou JeanNicolay. S’il a effectué quelques beaux arrêts, il a en certaines circonstances manqué d’autorité dans son petit rectangle et n’a pas été à l’abri d’une bourde, parfois grossière comme à Szczecin en match amical.

Défensivement, notre arrière-garde est loin de constituer un rempart invulnérable comme il l’était jadis. C’est désormais notre secteur qui suscite le plus d’inquiétudes. Individuellement parlant, pourtant, les trois principaux prétendants aux postes d’arrières centraux ont tous des arguments à faire valoir : TimmySimons est le Footballeur Professionnel de l’Année, JoosValgaeren a disputé la finale de la Coupe de l’UEFA avec le Celtic Glasgow et DanielVanBuyten fait un tabac à Marseille. Mais on ne trouve pas la panacée. Le grand Daniel est loin d’avoir le même rayonnement sous le maillot national que sous celui de l’OM.  » Je me sens plus à l’aise à Marseille que chez les Diables Rouges « , reconnaît-il lui-même même s’il joue à Marseille en 4-4-2 aussi.  » Question d’automatismes, peut-être. Au stade Vélodrome, j’évolue avec des garçons que je côtoie tous les jours et que je connais par c£ur. Avec la Belgique, je dois m’habituer à d’autres partenaires et, en outre, la composition de la ligne arrière a été fréquemment modifiée « .

 » Il y a un autre élément qui intervient probablement « , ajoute EricDeflandre qui vit le Championnat de France de l’intérieur.  » A Marseille, Daniel peut se risquer régulièrement en zone offensive. Chez les Diables Rouges, il doit se confiner le plus souvent dans son rôle strict de défenseur. Cela limite forcément son rayon d’action « .

Retour au 4-4-2

Offensivement, par contre, il y a du talent à profusion. Aimé Anthuenis peut se permettre de laisser EmileMpenza sur le banc et CédricRoussel à la maison. L’abondance de biens est telle que le sélectionneur national a évolué, pendant une bonne partie de la campagne, avec un triangle offensif Buffel-Sonck-Mpenza. Cela a donné lieu à des combinaisons offensives sur un espace réduit auxquels les Diables Rouges ne nous avaient pas habitués. Mais, face aux Croates, l’infériorité numérique que cette formule engendrait dans l’entrejeu s’est payée cash.

En Bulgarie et contre Andorre, Aimé Anthuenis est revenu à un 4-4-2 plus classique, avec Thomas Buffel en soutien de Wesley Sonck et Emile Mpenza comme joker. Cela a permis à WalterBaseggio de s’exprimer.  » Je commence à trouver ma place en équipe nationale « , constate avec satisfaction l’Anderlechtois.  » Dans cette formule, je dois moins songer à la récupération et je peux donc mieux m’exprimer offensivement. Je suis couvert par les flancs, et derrière, outre le demi défensif, il y a toujours quatre défenseurs « .

Enfin, il fallait également effectuer le passage de témoin entre l’ancien et le nouveau capitaine. BartGoor a mis du temps à s’affirmer dans ce rôle. Mais le joueur du Hertha Berlin vient de se reprendre à Gand. Est-ce un hasard s’il avait DidierDheedene derrière lui ?  » Peut-être pas. Ce n’est certainement pas la seule explication. Je retrouve aussi progressivement la forme, après avoir connu un creux. Il y avait deux ans que je n’avais plus joué avec Didier. Les automatismes, cela se perd. Mais cela peut également revenir très vite « .

Bart Goor commence à trouver ses marques dans ce rôle.  » Au début, le brassard pesait peut-être trop lourd pour moi. Je me sentais subitement investi de nouvelles responsabilités et j’ai voulu trop en faire. Je m’efforçais de défendre, alors qu’on sait que je suis plus fort offensivement, et j’essayais d’être partout au lieu de me concentrer uniquement sur mon jeu. Il y a plusieurs sortes de capitaines. Je ne serai jamais un MarcWilmots, qui donnait de la voix à tout bout de champ, mais cela ne signifie pas que je ne peux pas être un bon capitaine, dans mon genre. L’essentiel est de rester soi-même « .

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