© emilien hofman

L’UR d’espoir

En juin prochain, quinze ans après son dernier titre en division nationale, l’UR Namur retrouvera la première provinciale. Une culbute inévitable mais peut-être pas catastrophique : elle doit s’intégrer dans un plan de restructuration complet.

« Incroyable ! Namur bat le leader « ,  » Exploit des Merles ! « ,  » Namur nous étonnera toujours !  » Le lundi 23 octobre, les titres de presse des journaux locaux sont particulièrement élogieux. La veille, le matricule 156 s’est imposé sur la pelouse de Stockay (1-2) en Division 3 amateurs. Mais dans les travées du stade des Bas-Prés, on n’est pas naïf. Suite à une cession de patrimoine fautive effectuée il y a quelques mois, l’UR Namur sera administrativement rétrogradée d’une division en fin de saison 2017-18.

Pour rester au dernier étage national, il faudrait donc que les Merles accèdent sportivement à la D2A. Leur promotion serait alors supprimée et considérée comme une  » monnaie d’échange  » pour rester en D3A. Avec 4 points sur 27, la mission s’annonce pourtant difficile. Pour le club-phare de la capitale wallonne, c’est la goutte d’eau qui renverse une amphore remplie de vase depuis trop longtemps. Dettes, mise en faillite, salaires non payés, non-remise des déclarations d’impôts et des bilans… le passé namurois constitue un puits d’inspiration sans fond pour tout scénariste de film noir. Le présent tend, quant à lui, à s’adapter à la situation.

Transparence

C’est dans ce contexte crispant – combiné à la désertion de la quasi totalité de l’équipe de l’an passé – que SandroBassani a débarqué l’été dernier en tant que directeur technique. Avec la farouche intention de faire revivre ce club mythique.  » Malgré les affaires de ces dernières années, j’ai été interpellé par la ferveur des supporters qui suivent encore l’Union Royale « , glisse-t-il.  » J’ai même vu un gars qui s’est tatoué le logo du club !  »

Depuis août, si Bassani vient aussi régulièrement au club, c’est cependant pour s’affairer en coulisse.  » À mon arrivée, tout ce qu’on voit habituellement dans un club de ce niveau-ci avait disparu « , affirme-t-il.  » Il n’y avait pas toujours de document établi, tout ne transitait pas par les comptes… Mon but est de ramener de la transparence et de la structure : avoir quelqu’un qui ouvre la buvette à l’heure et un autre qui trace le terrain, signer des contrats de brasserie, classer les factures et les recettes de buvette, etc.  »

L’UR Namur à la recherche de main d’oeuvre ? Le concept semble irréaliste. Pourtant, c’est devenu une des étapes obligatoires.

Relance

L’instabilité du matricule 156 a, depuis longtemps, subi des conséquences inévitables telles que la désertion du stade et du club. Là où l’UR était vu comme le centre de formation idéal pour tout bon gamin de la Province, il a depuis longtemps été supplanté par Ciney et Meux. Pour cette saison 2017-18, ils seraient moins de 150 enfants à porter les couleurs jaune et noir. Au niveau sponsoring, à part Lucien Roméo, véritable mécène, aucune entreprise n’a désiré associer son nom au club en début d’exercice.

 » Je suis parvenu à en convaincre l’une ou l’autre depuis lors « , affirme Sandro Bassani.  » Mais nous sommes encore loin de la stabilité.  » Pour relancer la machine, le directeur sportif a récemment créé le Club Business UR Namur où il accueille pour le moment 50 indépendants et entrepreneurs lors de dégustations de vin, de repas ou de retransmissions de matchs de foot.  » Il faut ramener des gens dans le giron du club, les rassembler dans un esprit convivial avec, à terme, l’idée d’également agrandir le budget sponsoring.  »

Méfiance

Il est bien loin le temps où l’UR Namur attirait jusqu’à 3500 personnes et que le noyau dur des supporters devait refuser l’accès à son bloc, tellement il était rempli.  » Pourtant, le lundi matin, en ville, le premier sujet de conversation, c’est le résultat de l’UR « , certifie Serge Henry, la quarantaine et pratiquement autant d’années vécues avec l’écharpe des Merles autour du cou. La preuve que les grands ne meurent jamais, mais aussi que l’Union Royale possède une marque qui ne disparaîtra pas de si tôt.

 » Le problème, c’est que pour le moment, l’aura du club existe exclusivement à l’extérieur de la Province « , se désole Steve Pischedda, coach de l’équipe première depuis juin dernier. Il est arrivé au moment où le club pensait que sa rétrogradation administrative allait s’appliquer en 2017-18. Les transferts ont donc été effectués en vue d’évoluer en P1… avant d’apprendre que la décision s’appliquerait finalement en 2018-19.

 » J’ai rencontré les fans pour leur expliquer la situation « , se souvient Pischedda.  » Si j’ai eu l’impression, à la fin de notre entrevue, qu’ils comprenaient, c’est tout le contraire qui se produit désormais avec un pessimisme exacerbé.  »

Absence

 » C’est l’équipe de l’UR la plus faible que j’ai vue dans ma vie « , réagit Serge Henry, qui pointe un autre élément frustrant pour les supporters.  » Il n’y a pas d’identification ni d’unité : on ne connaît pas les joueurs et ils ne font pas en sorte que ça soit le cas quand ils viennent à la buvette.  » En toile de fond, les partisans namurois regrettent surtout l’absence de joueurs locaux.

Steve Pischedda affirme avoir contacté dix footballeurs de la Province, l’été dernier. Tous auraient refusé son offre. Ils sont sans club aujourd’hui.  » Ils préfèrent ne pas jouer que venir ici « , déplore l’entraîneur.  » Les fans doivent comprendre qu’à cause du passé, la situation actuelle est compliquée : il faudra du temps pour reconstruire et on doit tous tirer dans le même sens.  »

Certains événements prouvent heureusement que c’est possible. Sans sponsor, l’UR n’a pas encore fait produire de maillots pour cette saison.  » Un porte-parole des supporters m’a donc proposé que son groupe paie un jeu de vareuses qu’il prête ensuite à l’équipe jusqu’à ce que nous obtenions les nôtres et qu’on leur rende les leurs « , place Sandro Bassani. Personne dans le giron du matricule 156 ne veut qu’il disparaisse. Même s’il faut pour cela chuter à l’échelon provincial pour la première fois depuis 30 ans.

Conscience

 » C’eût été bien qu’on soit en P1 cette année « , finit par avouer Sandro Bassani.  » On a récemment affronté Richelle, je ne connaissais même pas ! On a fait 30 entrées. Alors que si on reçoit Rochefort, je ne serais pas étonné de voir 150-200 personnes au stade. J’aurais préféré que les années de restructuration extra-sportive et sportive convergent.  »

En attendant, le club prend petit à petit les habitudes d’un cercle de P1 qu’il va sans nul doute redevenir l’espace d’un an au moins. Plus question d’imposer le pack vestimentaire complet dans la cotisation des jeunes du club, ils se voient désormais offrir un bon de réduction pour l’acheter directement au magasin, ce qui réduit la cotisation générale.

 » Si Namur veut se relancer, il doit prendre conscience de son statut actuel : un club virtuellement en P1, qui a une assistance de P1 et un apport sponsoring de P1. Donc pourquoi dépenser plus qu’un cercle de ce niveau si on fait autant voire moins de rentrées ?  »

Reste qu’à l’heure actuelle, on ne sait pas encore si une relégation sportive s’ajouterait à la sanction administrative… envoyant l’UR Namur en P2.

par Emilien Hofman – photo Emilien Hofman

 » Malgré les déboires du club, le premier sujet de conversation en ville , le lundi matin, c’est le résultat de l’UR.  »

Serge Henry, inconditionnel des Merles

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