L’UNION NAMUR, c’est capital

L’Union Namur défrayera-t-elle la chronique à l’occasion de la visite de Gand, dans ses installations, en Coupe de Belgique ? Et quelles peuvent être les ambitions des Merles au coeur de la Promotion D après tant de galères ?

Plantée au pied de sa Citadelle où la Meuse et la Sambre s’embrassent, cette belle ville a tout pour plaire. Le vieux Namur propose ses richesses architecturales, ses marchés, les traces de son passé, de succulentes spécialités gastronomiques dont sa Blanche et les biétrumés, de fameux caramels, aux flâneurs.

Même si la crise économique a frappé sans pitié, comme partout, il y fait bon vivre. Mais si Namur a inspiré ses artistes les plus connus, de Félicien Rops à Benoît Poelvoorde et Cécile de France, le football n’y a jamais occupé le haut de l’affiche. On note toutefois une petite embellie sous la direction du président Bertrand Lebrun, en place depuis 11 mois, et du coach Pascal Bairamjan.

Namur a exorcisé les nombreux orages de son histoire. Cela signifie-t-il que ce club au budget global de 300.000 euros, et qui appartient à Lucien Roméo depuis septembre 2010, n’est pas condamné advitam aeternam aux travaux forcés du football d’en bas ?

 » Il y a eu des heures d’une gloire sympathique et il se passe toujours quelque chose chez nous « , souligne Jean-François Laverdisse, vieux briscard de l’Avenir, journal qui suit l’Union Namur au… quotidien. Et ce n’est pas une mince affaire depuis la naissance mystérieuse de ce club. Etait-ce à la fin du 19e siècle ou au début du 20e ?

Une date de fondation qui fait débat

 » Des éléments concrets nous permettent de dire que les premiers pas du Matricule 156 remontent à 1905 « , estime Serge Henry, supporter de l’Union Namur et membre du Fonds Pol Lefebvre qui, avec l’aide de Foot 100, tente de retracer l’histoire des Merles. Au début des années 70, le football fait recette à Namur. Ainsi, le 10 décembre 1972, 10.500 spectateurs se pressèrent au stade des Champs-Elysées (rebaptisé stade Michel Soulier en 1977) pour assister au match de Coupe de Belgique entre l’Union Namur et le Standard.

 » Les Merles étaient emmenés par la plus grande icône de leur histoire : Jean Catinus « , continue Henry.  » Il a tout fait au profit de ce club. C’était le moment de décoller mais, par manque de vision ou d’ambition de tous les acteurs de cette ville, économiques, sportifs ou politiques, l’Union Namur a raté d’importants rendez-vous avec l’histoire. S’il y avait eu une unité de pensée de toutes les forces vives de la ville, l’Union se serait retrouvée un jour en D1, c’est évident.  »

Laverdisse a vu défiler pas mal de stars et de dirigeants à Namur.  » Les Merles ont accueilli de nombreux joueurs du Standard d’abord puis du FC Liégeois « , précise-t-il.  » Je ne puis tous les citer mais les anciens se souviennent de Toussaint Nicolay, le frère de Jean et gardien de but du premier titre des Rouches, de Léon Semmeling, etc… Des noms de la corporation des entraîneurs ont bossé ici : Michel Pavic, Henri Depireux, Marc Grosjean, Georges Heylens, Etienne Delangre ou Zoran Bojovic, entre autres.

Ce club a eu aussi ses clubmen, comme Catinus, le regretté Soulier, Patrick Mauléon et des révélations à l’image de FrankDefays ou Christian Negouai. Enfin, c’est bien ici que s’est affirmé celui qui est probablement le défenseur le plus cher au monde : Eliaquim Mangala.  »

Des Merles naïfs

Au cours des quatre dernières décennies, les Merles ont entassé les gros pépins. Un thriller de John Grisham ne suffirait pas pour énumérer et comprendre les affaires et déceptions de Namur. Au hasard, on peut citer le petit coup de pouce financier de Milan Mandaric, amené par Bojo Ban, la fusion avec le Wallonia, la démolition du stade Soulier, la chute du président Armand Kaida, les chipotages d’une mafia de matches truqués venue d’Allemagne avec une cargaison de joueurs des Balkans.

On mentionnera également le retrait de Jean-Claude Baudart, l’affaire Nadir Sba qui, aligné alors qu’il n’était pas qualifié, entraîna la perte de 15 points en 2011 et la relégation en Promotion.

 » J’ai l’impression qu’on fait beaucoup d’amalgames « , avance le président Lebrun.  » Je n’ai pas vécu ces diverses péripéties mais je crois que le club a servi de caisse de résonance. Kaida a eu des ennuis au Casino, et cela ne concernait en rien l’Union Namur.  » Henry, lui, déplore ces événements :  » Kaida a en tout cas été un président charismatique, à l’écoute des Namurois. En 1996, il a eu la bonne idée de rendre son vrai nom à notre club, l’Union Royale Namur. Il s’était appelé RFC Namur suite avec sa fusion avec Jambes en 1989. Pour nous, c’était une absurdité.  »

 » Lors de son dernier passage en D2, de 2007 à 2009, le club a été naïf. Quand on n’a pas le sou, on devient une proie facile pour les pires oiseaux de proie. Le Bild est venu chez moi pour m’interviewer à propos de ce qui se passait dans le club. Personne ne mesurait le danger. A Virton, par exemple, un spectateur asiatique ne quitta pas son portable durant tout le match contre Namur.

Comme il n’avait pas de voiture, nous lui avons permis de revenir avec nous, dans le car des supporters. Personne n’imaginait quoi que ce soit à propos de sa présence à ce match de D2. Baudart était trop seul pour comprendre ce qui se passait. Dommage car c’était le moment de s’installer solidement dans l’antichambre de l’élite. Namur n’est pas une ville sportive. Elle préfère l’un ou l’autre  » oneshot  » comme le Mondial de boxe de Jean-Marc Renard, le Grand Prix de Wallonie, et encore…  »

Des assistances faméliques

Si Namur tient à ses Fêtes de Wallonie, les Merles ne se sentent pas à l’aise au stade communal des Bas-Prés qui fut l’antre du Wallonia. Et ils préfèrent, dit-on, ne pas songer à un retour au stade de Jambes. La tradition, le folklore et des oppositions ancestrales divisent encore les Jambois et les Namurois.

 » Au Moyen-Age, le pont de Jambes était le poste frontière qui séparait le comté de Namur et la principauté de Liège, comprenant alors Jambes « , rappelle Laverdisse.  » Les mentalités sont différentes. Namur est une cité bourgeoise qui s’assoupit en soirée. A Jambes, on peut trouver une brasserie ou un bistrot aux petites heures. Il est question d’un retour de l’Union à Jambes mais ce sera difficile. L’Union Namur réunit des assistances faméliques aux Bas-Prés et je ne suis pas certain qu’il en serait autrement à Jambes.  »

Le stade des Bas-Prés a été rafraîchi en 2001 mais encastré entre le palais des expositions, la Sambre et des ateliers de la SNCB, il n’a pas bonne mine. Certains l’appellent le stadelego et tout agrandissement d’un de ses voisins entraînera forcément sa disparition. La capitale de la Wallonie ne mérite-t-elle pas une enceinte plus moderne ?

 » Pour nous, le stade Michel Soulier était le coeur de notre histoire « , pense Henry.  » Il avait été construit en 1931. Le stade des Champs-Elysées a été rebaptisé en 1977 pour rendre hommage à Michel Soulier, emporté cette année-là par une crise cardiaque lors du match de Coupe de Belgique Anderlecht-Union Namur.

La galère a commencé après la démolition du stade Soulier, en 2001, pour y ériger un parking du CHR, le Centre hospitalier régional. Des supporters de l’Union Namur ont juré de ne jamais mettre un pied aux Bas-Prés où évoluait Wallonia. Quant au stade ADEPS de Jambes, il est glacial. Si l’Union y revenait, il y aurait encore moins de monde qu’aux Bas-Prés. Je ne suis pas sûr que le club s’en remettrait.  »

Stabilisation sportive et financière

Baudart avait compris que Namur ne pouvait pas évoluer sans un outil à la page. Il visita le stade de Breda et espérait construire de nouvelles installations à Belgrade ou près d’une sortie de l’E411. Des investisseurs étaient intéressés mais se rétractèrent au vu des gros soucis de Baudart. Et maintenant, que faire ? La Ville de Namur se méfie, à juste titre, car, autrefois, elle s’était portée garante, dit-on, d’un prêt que l’ancienne direction fut incapable de rembourser.

 » Une cité de 110.000 habitants, capitale de la Région wallonne, devrait forcément avoir plus d’ambitions sportives « , commente Henry.  » Les temps sont durs, certes, mais cette contrée n’est pas la plus défavorisée. Un grand stade ultramoderne, il ne faut plus y penser. Mais il doit être possible d’ériger une belle enceinte de 5.000 places avec des possibilités d’extension en cas de remontées.  »

Le président Lebrun mesure évidemment l’importance que pourrait avoir un tout autre QG pour les Merles. Il admet que leur palmarès est trop maigre : trois titres en D3 (1944, 1952, 1960) et en Promotion (1989, 1997, 2003), 14 saisons en D2, aucune en D1. L’élite, personne n’y croit.  » Il faut vivre dans la réalité qui est la nôtre en Promotion D « , explique-t-il.

 » Pour le moment, le club est dans une phase de stabilisation sportive et financière. Il s’agit de franchir ce cap dans le calme et le respect de nos valeurs. Tout change vite : le folklore, j’adore mais ce club doit rassembler tous les Namurois. On parle encore d’opposition d’un autre âge entre Jambes et la capitale.

L’Union Namur dispose du magnifique centre d’entraînement des jeunes Patrick Mauléon. Et où se trouve-t-il ? A Jambes. C’est un outil de qualité comme il en existe peu dans notre province. Namur a souvent formé de bons joueurs et nous comptons sur ce travail primordial pour trouver d’autres Mauléon, Defays ou, pourquoi pas, Mangala, etc.  »

Place aux jeunes

Le transfert de Mangala de Porto à Manchester City pour 54,5 millions d’euros devrait rapporter 411.000 euros à Namur à titre d’indemnités de formation.  » Je ne peux pas dire que l’Union Namur alignera un jour onze gars du coin « , affirme Lebrun.  » C’est impossible et il nous appartient aussi de découvrir ailleurs des gars pour qui Namur sera une rampe de lancement ou une nouvelle chance.

Aidé par notre directeur sportif, Salvatore Sias, le T1, Bairamjan a compris notre philosophie et de plus en plus de jeunes montrent le bout du nez en équipe première.  » A ses yeux, l’Union Namur, c’est capital. Pour Lebrun, ce slogan et le désir d’élargir le cercle de ses supporters expliquent pourquoi les Merles ont tenu à recevoir Gand en Coupe de Belgique plutôt que de monnayer le  » transfert  » du lieu de rendez-vous chez les Buffalos.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : BELGAIMAGE

Le transfert de Mangala de Porto à Manchester City devrait rapporter 411.000 euros à Namur.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire