L’unicité de Gerets résume l’effrayante invisibilité des coaches belges

En fin de semaine passée, une bonne nouvelle venue de Grèce a égayé la corporation des coaches belges : Emilio Ferrera, le technicien bruxellois de Panthrakikos, a méritoirement été élu entraîneur de l’année. Chez nous, depuis que René Vandereycken a été prié de planter ses mauvais choux dans un autre potager que celui des Diables Rouges, on ne parle plus que d’ Eric Gerets. Guide de rêve, leader impayable ? Philippe Collin, président de la Commission technique, sursauta en apprenant que le Marseillais palpait 2,4 millions d’euros, six fois le salaire du coach national démis ! Le Lion de Rekem a demandé une augmentation pour prolonger son séjour au stade Vélodrome et de grands clubs étrangers lui proposent tout l’or du monde. Alors que le boss de l’équipe nationale se tâtait, Luciano D’Onofrio examina son BlackBerry et appela le dieu vivant de l’OM. Le Standard était-il intéressé ou cherchait-il à savoir d’où venait le vent comme Sport/Foot Magazine l’a fait en passant trois jours dans la roue de Gerets ? Allez savoir. Il n’y a en tout cas pas 100.000 soleils dans la galaxie des coaches belges.

Quand l’astre marseillais n’est pas au centre de l’univers, l’éclipse est totale : l’unicité de Gerets résume l’effrayant manque d’aura et l’invisibilité de nos coaches sur la scène internationale. Il y a 16 ans, en 1993, à Munich, Raymond Goethals offrait la Coupe aux grandes-z-oreilles à Marseille (1-0 face à l’AC Milan) après qu’un certain Walter Meeuws ait disputé la finale de la Coupe des Coupes contre Parme (défaite 3-1) sur le pelouse de Wembley. Les buveurs de pastis s’étaient dotés d’une grande écurie mais c’est la science d’un vieux Bruxellois qui fit la différence. Et, de son côté, Meeuws £uvra avec une équipe de bras cassés pour atteindre sa finale. Leur présence au top de la corporation n’étonnait guère et, en 1993, Raymundo avait déjà entassé des tas de décorations européennes dans son grenier :  » C’était au temps où…  »

Le tonus belge fit la richesse d’un génie en équipe nationale : Guy Thys. Quelques semaines après Barcelone-Standard en finale de la Coupe des Coupes, le fumeur de cigares roula l’Argentine et Diego Maradona lors du match inaugural de la Coupe du Monde 82 dans le même stade catalan (1-0). Qui était le meilleur ? Goethals ou Thys ? C’était le duel de deux monstres sacrés, le diplomate et la boule de feu. Ils ont tant enrichi le football belge qui, à défaut de grands capitaux, exploitait leur ruse. Quand il prit la tête de l’équipe nationale, Paul Van Himst avait vécu deux finales continentales avec Anderlecht : c’était un bagage international qui lui fut utile. Georges Leekens, Robert Waseige et Aimé Anthuenis étaient les dernières étoiles d’une comète en voie de disparition.

Alors, où sont nos Arsène Wenger, José Mourinho, Rafael Benitez, Alex Ferguson ? Ne sont-ils plus de taille pour relever le gant ou n’existent-ils pas ? L’Union belge n’a-t-elle que Gerets dans son chapeau ? La presse a cité le nom de Michel Preud’homme, bloqué par un contrat de trois ans à Gand où il se sent bien. Assistera-t-on à un long sprint entre Jean-François de Sart et Marc Wimots ? Le premier aurait dû prendre la place de Vandereycken après les Jeux Olympiques : qui connaît mieux les jeunes que lui et que de temps perdu ? Wilmots a du jus à revendre. Ils ne possèdent pas un parcours d’entraîneur très étoffé : et alors ? Comparaison n’est pas raison mais c’est aussi le cas de Pep Guardiola (37 ans, ex-joueur emblématique du FC Barcelone) qui n’avait entraîné que le Barça B, en D3, avant d’être appelé au top alors que son club pouvait s’offrir n’importe qui. Guardiola fut précis en relevant le défi :  » Je n’ai pas peur car je me sens prêt. Si je ne l’étais pas, je ne serais pas là. A 37 ans je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais si l’on m’a désigné, c’est que je le mérite.  » Il en a donné la preuve lors d’un Barça-Bayern de légende. Les dirigeants de l’Union belge feraient-ils confiance à un Guardiola pour coacher les Diables Rouges ?

PAR PIERRE BILIC

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