L’un pige, l’autre pas…

Avec 429 matches en D1 (FC Liège deux fois, Antwerp, Standard), il n’a pas encore réussi comme entraîneur et veut devenir formateur.

45 ans, ex-ailier, arrière contre-attaquant et médian gauches, physique, dur et gagneur, du FC Liégeois (Coupe de Belgique 90), de l’Antwerp (un but européen mémorable contre Sofia), du Standard et de Tilleur Liège… A entraîné, cette saison, le FC Wiltz 71, un club amateur luxembourgeois de D1,  » avec un très petit budget de 6 millions de francs mais, essentiel, on me laisse carte blanche. J’ai intégré plusieurs jeunes, le club a réussi une de ses meilleures saisons et se renforce. J’ai donc resigné pour un an…

Rapha a l’air satisfait mais, sauf respect au foot grand-ducal, c’est un peu mince pour un dingue de ballon qui a toujours rêvé de coacher en D1. En 1999 et 2000, il avait plongé : trois échecs successifs comme entraîneur de Visé, Eupen et Sprimont le décidèrent à renoncer.  » Impossible de travailler valablement dans les petits clubs de la Wallonie profonde  » ! Question finances, il n’a pas besoin du ballon. Bien intégré dans la vie économique liégeoise, son annuel salon Fourniture, axé sur l’horeca, tourne bien. Une société reprise en 93 avec son épouse Anne, fille d’ Egdard Hollange, un ancien président du FCL, et un ami. Rapha s’offrit une année sabbatique, puis, virus foot en tête, accepta l’offre du FC Wiltz.

Aujourd’hui, il attend, l’oeil sur la pagaille de nos clubs, la résurgence d’un dossier socialo-économico-sportif qu’il monta, il y a trois ans : diminution des taxes sociales des clubs, recherche d’un emploi complémentaire pour le jeune joueur, location d’un joueur pour une semaine, pour un jour, demande de subventions européennes… Il passe donc un coup de fil au sénateur Marc Wilmots, son ex-partenaire au Standard.

Comme entraîneur, il frappe dur sur la formation des jeunes défenseurs :  » Il y a incompétence, la plupart sont perdus à l’échelon supérieur, ne savent pas où se mettre dans le quatre arrière ; les latéraux ne montent plus. Même à Anderlecht et au Standard que j’ai suivis pendant des mois après mon départ de Sprimont. Pour me recycler au haut niveau, je me suis aussi pointé à Roda et à Leverkussen. Mais que vaut mon diplôme de l’école de Liège ? L’Union Belge ne donne pas de réponse précise « .

Il pense beaucoup à Liège, relégué en D3 :  » Si le club est à reprendre, je suis convaincu qu’une synergie est possible entre des hommes d’affaires comme Daniel Lamartina, président de l’Union Huy basket, Yvan Pâque et André Marchandise, ex-financier et ex-président du club, et, sans doute, d’autres… Plusieurs anciens aussi sont enthousiastes à l’idée d’une relance : Houben, Quain, Van Toorn, de Sart, Thans, Habrant, Wégria, Guy François, Hubart. On se retrouve régulièrement, seul Moreno Giusto ne vient pas. Les prochaines années nous diront si Liège a traversé le désert. Le nouveau FCL devrait se stabiliser sans rien forcer et se tourner vers les jeunes avec une politique élitiste. Je la prendrais volontiers en charge : formateur, éducateur, j’ai ça en moi. Ces joueurs, j’aimerais qu’ils aient des c…, c’est plus difficile à gérer, mais ça paie « .

Rapha a toujours été au bout de sa pensée. Ainsi, en 1982, mécontent de ne pas avoir obtenu du président Jules Georges le contrat souhaité, il se mit en grève et entama le championnat avec retard.  » Bruges et Anderlecht m’avaient contacté, mais Liège exigeait 30 millions, alors que j’avais coûté 600.000 francs. D’où ma mauvaise humeur « .

Tête brûlée ? Mais, dans ce cas, Robert Waseige en aurait-il fait son capitaine ? Grande gueule, sans aucun doute, comme joueur et entraîneur. On l’entend de loin. Dur, mais capable aussi, jadis, de créer l’ambiance en chanteur rock.

Naissance à Visé d’un père mineur italien et d’une mère batelière hollandaise, le 29 décembre 57. Frère de Jacky, ex-arbitre de D1, récent retraité. Ailier gauche du CS Visétois, en Provinciale, il fut repéré à 18 ans par notre confrère Daniel Renard, ex- La Wallonie, proposé, et refusé, au RUL Seraing, puis au FC Liégeois. Un milliardaire californien, Milan Mandaric, tentait, à l’époque, de mettre, en vain, le grappin sur le club, en mauvaise situation financière.

 » Je ne l’ai jamais vu, je suppose qu’il essayait de se faire du pognon en Europe… Mon intégration a été très rapide, ils doivent être rares ceux de Provinciale qui jouent directement 26 matches en D1. Hubert Maertens dirigeait un noyau de qualité avec Dewalque, Lecloux, De Groote, Debougnoux, Sljivo et Susic… mais la sauce n’a pas pris, et Maertens n’a tenu qu’une demi-saison. Son successeur Sylvestre Takac n’a pas réussi la relance et, en 82-83, le duo Louis Carré-Victor Wégria, puis Wégria tout seul non plus. Carré, une légende du club, la panthère noire, n’était pas apprécié par le groupe « .

 » De tous mes entraîneurs…  »

Rapha, lui, en jetait. Tête plongeante dans le but anderlechtois (4-0), ( De Bree, le gardien mauve, très énervé, mordit violemment l’index moqueur de Susic !) et, en 81-82, but d’anthologie contre le Club Brugeois (pour un FCL de 11 Wallons !, avec Bernard Wégria, Wintacq, Henrotay…) : démarrage de son rectangle, slalom, une-deux, et tir des 20 mètres. A trois journées de la fin 82-83, un accrochage avec Lozano mit le Heysel en ébullition : penalty, hurlaient les Anderlechtois ; continuez, dit l’arbitre Goris, et sur la réaction liégeoise, 1-2. Et titre au Standard.

En 83 Robert Waseige revint à Rocourt.  » De tous mes entraîneurs, Takac et Gerets à Liège, Haan au Standard, et Davidovic et Meeuws à l’Antwerp, Waseige m’a le plus marqué. Comme rassembleur et tacticien et par sa facilité de parole, le mot juste pour chacun. Parfois, à la théorie, je fermais les yeux pour mieux l’écouter. Il me recula à l’arrière gauche, et je devins son relais sur la pelouse. Il m’a aussi fait découvrir l’Europe. Troisièmes en 85, nous avons débuté en Coupe UEFA en 86, contre le Wacker Innsbruck. Inoubliable, 1-0 et 1-3 là-bas. Après la qualif, Waseige a proposé un verre dans une discothèque. Une demi-heure après, tous les supporters fous de joie nous rejoignaient. Le barman doit encore s’en souvenir. Curieux, cette image est plus indélébile en moi que le double et prestigieux succès de 88 sur Benfica. La finale de la Coupe de Belgique 87 pourtant perdue face au FC Malinois reste bien gravée aussi. Me revient aussi, de cette époque 86-87, un drôle de souvenir, l’annonce d’une fusion entre Liège et le Standard. Toute la ville reçut un coup en plein c£ur. Mandaric revint dans le coup, côté Standard cette fois. Les trésoreries des deux clubs étaient à sec, mais le projet avorta, on aurait uni deux misères. Platonique satisfaction, je figurais, avec Thans, entre autres, sur une liste de joueurs cités pour le nouveau club « .

Aujourd’hui, Liège va à nouveau mal, et le Standard est aux mains d’une direction étrangère. Ainsi va la vie, Rapha !  » En 89, après 11 ans, j’étais devenu un meuble de Rocourt. Je réussissais un beau truc ? Pas de réaction du public. A 32 ans, je jouais pourtant ma meilleure saison. Guy Thys m’avait retenu en équipe olympique et me laissait entrevoir le noyau A. Mais Waseige comptait-il encore sur moi ? Pour une saison certainement. J’en voulais trois. Ekeren et l’Antwerp m’avaient à l’£il. J’ai demandé à mon agent de discuter avec l’Antwerp, il allait en UEFA et Rudi Smidts était blessé. En principe, je valais 17 millions, mais le président Marchandise respecta une clause de mon contrat, et je partis pour cinq, rejoindre Czernia.

A l’entraînement de Davidovic, c’était la guerre, mais j’ai toujours su répondre. Seuls le meneur de jeu hollandais Frans Van Rooy et l’attaquant allemand Hans-Peter Lehnhoff étaient épargnés, pas question de les toucher. Entre Lehnhoff et moi ça tournait bien. Après notre incroyable succès sur Vitosha Sofia, dans un bistrot anversois, des supporters nous portèrent tous deux en triomphe. Pour moi, c’était gagné, en un soir je remboursais mon transfert. A cinq minutes de la fin, à 1-3, les Bulgares étaient qualifiés. Puis, coup sur coup, Nico Claesen marqua deux buts, mais 3-3 ne suffisait pas. Et alors, et alors… dans le temps additionnel, Van Rooy centre au deuxième piquet, et je suis là avec ma tête, 4-3, trois buts en quelques minutes et la qualif. En quarts, Cologne nous a stoppés. Au retour, je tenais Hassler, et Berti Vogts m’a désigné meilleur homme du match « .

 » Davidovic paniquait  »

 » La nuit du match avant Sofia, Czernia et moi, on a eu la surprise de voir Davidovic entrer dans notre chambre avec un cognac à la main… -Il faut m’aider… Il craignait d’être saboté. Le 4-3 l’a sauvé, mais quelle scène surréaliste dans cette chambre. J’ai terminé à l’Antwerp sous Meeuws, et pas très bien. Le Standard m’avait présenté un contrat, mais le président Eddy Wauters n’était pas d’accord, il avait déjà lâché Van Rooy et Lashaf à Sclessin. J’ai déchiré le contrat. Meeuws a-t-il cru que je restais contre mon gré ? Il ne m’a pas aidé à résoudre mes problèmes, et j’en avais ! A deux ans, ma petite Alissia était gravement malade, en danger même, et Meeuws me parut trop indifférent. Très nerveux, je me suis empoigné avec un gars à l’entraînement, c’était fini. Coup de chapeau quand même à Meeuws, vainqueur de la Coupe 92 et finaliste de la Coupe des Coupes 93, mais, à ce moment-là, j’étais déjà au Standard, à l’appel d’Arie Haan. A 34 ans. J’ai joué sept fois dans une équipe bourrée de talent, Bodart, Genaux, Cruz, Demol, Hellers, Goossens, Wilmots, Van Rooy , Goossens, Vos… Une belle saison, deuxième et vainqueur de la Coupe 93, et une mémorable confrontation européenne avec Auxerre. J’étais le 15e homme, toujours prêt à dépanner et à conseiller les jeunes. A mon regret, je ne suis resté qu’une saison. Lommel et Ostende me contactèrent, et aussi quelques D3 : Namur, Verviers, La Louvière, Tilleur, et surtout l’Olympic. Matt Van Toorn insistait :-Tu seras dans le dos de Jean-Marc Bosman, j’ai besoin d’un solide demi défensif. .. Mais je restais convaincu qu’à 35 ans, je valais encore la D1, et comme transfert libre, j’ai attendu une chance, et je l’ai eue. J’ai demandé à Gerets de pouvoir m’entraîner avec le groupe à Rocourt. D’accord… mais en fin de semaine, je leur fichais la paix et je me retirais. J’ai failli raccrocher, mais Daniel Boccar m’a appelé en Réserve, et Dominique D’Onofrio, que j’apprécie beaucoup, m’a parfois entraîné avec les Juniors UEFA. En novembre, face au manque de maturité de l’équipe, Gerets cherchait un rassembleur, et interrogea Boccar… J’ai repris du service en D1, contre Charleroi, derrière l’offensif Manu Godfroid, et bonne surprise, la direction m’a proposé un contrat de six mois « .

Sentant la base financière instable, Gerets tira sa révérence la saison suivante.  » Boccar, nouveau chef, me demanda de me charger de la Réserve et de dépanner quand nécessaire. On reparlait de fusion, et l’ambiance en souffrait. A mi-championnat, sept points ! Boccar me dit : -Je n’ai pas de libero, on ne va pas s’en sortir. J’ai joué et on a pris 27 points au second tour, mais juste un trop peu pour se maintenir « .

En avril 95, trésorerie à plat, André Marchandise, président d’un RFCL centenaire depuis trois ans, se résolut à fusionner avec Tilleur alors en D3.

 » Varga m’en a voulu pour rien  »

 » Boccar reste entraîneur à Bureaufosse, me nomme capitaine-joueur, à 37 ans et demi. Le RTFCL monte en D2 et, en 96-97, loupe d’un but le tour final. La suite sera moins heureuse, une bataille pour le maintien jusqu’au dernier jour. Boccar parti et Varga lui succède avec Neba Malbasa adjoint. Toujours joueur, je dirige aussi les Juniors de la génération Grégoire, Di Gregorio, Leenders, Lebbe, des garçons qui allaient percer. En octobre 97, Varga m’écarte de l’équipe et je me tourne encore davantage vers les jeunes et le recrutement. Et puis, brusque changement en cours de saison : l’équipe foire, Varga est viré mais Malbasa reste numéro 2. Qui, alors, en numéro 1 ? Je postule. Accepté, et on termine cinquièmes. Varga a cru à une combine et m’en a voulu. Rien d’incorrect pourtant. J’ai offert puis retiré le capitanat à Czernia, encore dans le coup à 38 ans, mais, à la réflexion, j’ai estimé que planter des buts était suffisamment difficile…

La dernière saison, j’ai quitté en cours de championnat pour Visé en D2, présidé par Guy Thiry, un homme ambitieux et correct. Visé manquait de structures et j’ai voulu le rendre plus pro, mais trop vite, sans doute. La plupart des joueurs étaient amateurs, travaillaient la journée, et en augmentant le nombre d’entraînements, j’ai forcé. Tout ça implique des problèmes très concrets : s’occuper plus des pelouses, laver plus souvent les maillots… Toutes ces choses qui exigent du temps et de l’argent. Avec Jean-Pierre Philippens à mes côtés, j’aurais mieux compris la situation. Il connaît la maison. Je me suis retiré la saison suivante, après cinq matches sans résultats valables. Je suis arrivé trop tôt, aujourd’hui ils en sont aux sept entraînements que je préconisais il y a deux ans. A mi-saison, j’ai tenté ma chance à Eupen, alors assez mal en point en D3. On s’est sauvés. J’avais le groupe derrière moi, mais je sentais aussi un manque de rigueur chez certains. Dans ce cas, je tape sur le clou autant que nécessaire. Je prévois toujours très vite ce qui va se passer sur la pelouse, et je conseille en conséquence. Mais l’un pige et l’autre pas. Par manque d’intelligence ou de caractère, il répète la même erreur. Pour raisons économiques, j’ai été remercié et remplacé par Marc Chauveheid. Cap sur Sprimont en D3 également, avec des idées plus larges et la ferme intention de laisser son authenticité au club, mais j’ai battu en retraite après quelques semaines. Même constat, même manque de rigueur dans plusieurs domaines… J’en avais assez de bosser dans des conditions ingrates, parfois impossibles à gérer « .

Henry Guldemont

 » En 89, après 11 ans à Rocourt, j’étais devenu un meuble « 

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