L’UEFA pour se libérer

Pierre Bilic

Les Liégeois ont réalisé une bonne affaire en obtenant un point à Anderlecht.

Le vendredi 13 a finalemant bien plus porté chance aux Rouches qu’aux Mauves. A l’heure des comptes, le Standard reprend un peu d’avance par rapport à ceux qui s’accrochaient dans sa roue comme George Hincapie et Ludo Diercksens se collèrent aux basques de Johan Museeuw dans l’Enfer du Nord. Gand et le GBA ont finalemant trébuché sur les pavés d’Harelbeke et de Charleroi.

Le Standard a souvent mis le grand braquet, surtout en début et en fin de match, pour tenir la distance chez les Champions de Belgique en titre. Il y a de quoi, pour les gars de Sclessin, nourrir des regrets si on compare ce match par rapport à leur performance contre l’Antwerp, huit jours plus tôt. Ce faux-pas avait d’ailleurs laissé des traces dans les têtes. David Brocken ne se gêna pas pour déclarer au Belang van Limburg que l’ambiance n’était pas du tout bonne dans le groupe. Est-ce pour cela que le bougre prit finalement place sur le banc à Anderlecht?

Le capitaine, Didier Ernst, précise à ce propos: « Non, je ne crois pas. Il convient de prendre un peu de distance afin d’analyser les propos de David. Il a laissé parlé son coeur après avoir appris qu’il ne jouerait pas à l’occasion de ce match important. Un sportif ambitieux est toujours très déçu quand il n’est pas retenu d’entrée de jeu. Dès jeudi, Michel Preud’homme opta pour une formule avec un gros impact physique. Dès lors, le coach sélectionna Joseph Yobo au back droit et Ali Lukunku aux côtés d’ Ivica Mornar. Si Brocken était déçu, je suppose que ce fut aussi le cas de Michaël Goossens et d’ Ole-Martin Aarst. L’ambiance n’est pas mauvaise. Mais tout le monde se méfie vachement de la fin de saison. Il y a deux ans maintenant que nous perdons tout en vue de la ligne d’arrivée. J’ai pensé à tout cela après notre défaite contre l’Antwerp. Nous n’avions pas su poser notre jeu et ce fut une perte criminelle de trois points. Nous avons heureusement corrigé le tir à Anderlecht. Le match nul est logique mais en fin de match nous avons une fois de plus été volés par l’arbitrage. Ivica Dragutinovic a bel et bien été retenu par Bertrand Crasson. Mon équipier aurait dû se laisser tomber. Si cette faute avait été commise dans notre rectangle, c’était penalty sans hésitation. Il y a maintenant trois ans que cela dure, que nous sommes défavorisés par les arbitres. C’est trop et ça complique notre travail ».

Didier Ernst a écopé d’une carte jaune, la neuvième cette saison, qui l’empêchera de garder sa place lors de la visite du Lierse à Sclessin. « J’espère que nous avons retenu la leçon du match contre l’Antwerp », souligne le capitaine du Standard. « On ne peut plus rien laisser filer jusqu’à la fin de la saison. Si c’était le cas, ce groupe serait indigne de ses ambitions mais aussi de son talent. Il y a beaucoup de potentialités chez nous mais je me méfie de toute forme de déconcentration ».

Michel Preud’homme avait-il été plus exigeant que d’habitude avant le récent voyage au stade Constant Vanden Stock?

« Pas du tout… », certifie Ernst. « On mesure tous l’importance d’une telle confrontation. C’est une affiche et tout le monde a le regard tourné vers un tel match. Il n’y avait aucun souci à se faire pour la motivation de chaque joueur. En général, nous y répondons à l’attente, ce qui n’est pas toujours le cas lors des matches moins huppés. Or, on atteint ou on rate ses objectifs contre les petits. Il n’y a pas que l’exemple de l’Antwerp, hélas, et nous avons été éliminés en Coupe de Belgique par Lokeren à Sclessin. Cela n’a aucun rapport avec une prétendue plus grande facilité loin de nos bases où nous pourrions jouer un peu plus en contres. Même si notre division offensive est talentueuse, il y a assez de bons joueurs capables de gérer le jeu au centre de la ligne médiane. Quand on a Prosinecki dans ses atouts, le jeu n’est pas un problème. Il n’y a pas cinq médians de sa classe en D1 mais on n’exploite pas encore assez sa lecture du jeu. Nous avons un peu tendance à lui donner la balle sans suggérer ensuite de bonnes solutions. Cela peut expliquer parfois l’embarras de Robert qui n’aime pas opter pour des solutions expéditives. Je souhaite que nous fassions enfin preuve de plus de régularité. A mon avis, c’est le seul domaine où le Standard est réellement inférieur à Anderlecht et à Bruges. Ces deux équipes savent qu’elles finiront toujours par émerger, nous pas. Pour que le Standard soit aussi fort mentalement, il n’y a qu’une seule méthode qui puisse nous aider : obtenir un billet pour la Coupe de l’UEFA. Cela aurait tout de suite un effet libérateur. Ce serait la meilleure façon de nous lancer, de vaincre nos complexes ».

A Anderlecht, Michel Preud’homme a abordé deux points de réflexion importants.

Primo : le Standard ne procédera pas à un grand nettoyage de ce groupe. En gros, l’effectif sera préservé et les Liégeois achèteront tout au plus un ou deux joueurs.

Didier Ernst approuve ce point de vue : « Il y a trois ans que ce club a sorti sa boîte à outils. Même si nous nous sommes passés deux fois à côté de la montre en or, nous avons progressé. Pour aller plus loin, il faut profiter des acquis de ce groupe, surtout pas recommencer à zéro mais bien accentuer la profondeur de cet effort. Tout le monde se connaît et nous avons désormais un style de jeu offensif. Je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de tout revoir. Ce groupe arrive à maturité et il faut en profiter. Nous avions des certitudes dans tous les domaines. Je sais qu’il ne sera pas possible de garder Daniel Van Buyten ou Vedran Runje, pour ne citer qu’eux, durant des siècles au Standard mais ils ont encore quelque chose à prouver chez nous. Tout départ doit être soigneusement étudié afin de ne pas provoquer de déséquilibre. Nous avons cherché bien trop longtemps avant de souder ce groupe. Il faut retenir la leçon et je partage l’avis du coach quand il parle d’interventions quasiment chirurgicales en fin de saison ».

Secundo : Michel Preud’homme évoqua aussi les richesses du quatuor offensif liégeois. A Anderlecht, on jure plus par un duo de pointe ( Jan Koller et Tomasz Radzinski), à l’Excelsior de Mouscron aussi ( Nenad Jestrovic et Marcin Zewlakow), alors que Bruges s’appuye plus sur un trio de finisseurs : Andres Mendoza, Gert Verheyen et Sven Vermant. Preud’homme estime qu’il peut entamer une rencontre avec une paire d’attaquants avant de faire monter deux autres finisseurs qui profiteront alors de la fatigue d’une défense adverse éprouvée par les deux béliers de départ : très intéressant. A Anderlecht, Ivica Mornar pesa sur les arrières mauves et cela facilita grandement le boulot de Michaël Goossens quand il monta au feu. La peuve : la division offensive du Standard faillit bien faire la différence en émergeant en fin de rencontre. Pourtant, nous croyons savoir que les Liégeois écrèmeront légèrement leur ligne offensive en fin de saison.

Pour en revenir à deux titulaires avec plus d’automatismes? « Tous les caps ont leurs avantages et leurs désavatanges », note Didier Ernst. « Le Standard savait que ce ne serait pas facile à Anderlecht. Quand on peut varier ses armes, l’adversaire est toujours dans le doute. Là, je crois que nous avons avons surpris Anderlecht avec des flancs bien occupés et une pression permanente sur leurs arrières. Avec Ali Lukunku devant lui, Bertrand Crasson n’a pas osé bouger. Or, ses raids sur l’aile droite sont souvent dangereux. Michaël Goossens aurait fait de même et cela prouve que nous sommes riches devant. A quatre, à tour de rôle, ils peuvent briller autant que l’attaque anderlechtoise. Jan Koller est redoutable mais nous avons parfaitement décodé son jeu. Il décroche de plus en plus et il faut alors se méfier de ses combinaisons avec Alin Stoica et Walter Baseggio. Attention alors à la profondeur. Si Alin ou surtout Radzinski prennent une longueur d’avance, c’est cuit. Finisseur d’élite, Jan Koller est aussi un magnifique point d’appui. Il y a finalement plus de diversité chez nous mais elle ne s’est pas encore totalement exprimée. Le Standard approche à grands pas de cette maturité tactique ».

Un autre thème est à l’ordre du jour : en général, les transferts étrangers d’Anderlecht trouvent un peu plus rapidement leurs marques que ceux du Standard. La semaine passeé, Tomislav Ivic n’avait-il pas affirmé que cette saison était celle de la remise en condition de Robert Prosinecki? Les Mauves font plus leurs courses en Belgique (Koller, Radzinski, Ilic, etc) et ses joueurs connaissent les réalités de notre D1. Il y a des réussites au Standard (Mornar, Runje…) mais trop d’étrangers éprouvent de la peine à se fondre dans notre football. Cela fait beaucoup de temps et d’énergie perdus et même, finalement, de points. Ali Lukunku a enfin trouvé le bon régime mais cela représente trois ans de travail. La réussite de Van Buyten, ou celle de Laurent Wuillot, incitera probablement le Standard à recruter un peu plus du belge. C’est pour cela qu’on parle de plus en plus de Marc Hendrikx, d’ Eric Deflandre (qui se sent bien à Lyon) et même d’un certain Marc Wilmots. Avec eux, pas de problèmes d’adaptation.

« Il faut aussi citer Harald Meyssen« , dit Ernst. « Pour moi, c’est un des meillleurs transferts de la saison. Pourquoi a-t-il dû faire un petit tour par l’Autriche avant de se révéler? Cela doit faire réfléchir ».

Cité récemment à Parme, Prosinecki restera au Standard la saison prochaine. « On a trop besoin de lui, de sa personnalté et il faut à tout prix préserver l’équilibre », répète Didier Ernst.

Michel Preud’homme est de plus en plus en phase avec son groupe. Le récent départ de Tomislav Ivic en direction de l’OM a-t-il étonné le groupe? « Pas tellement », certifie Didier Ernst. « Tout le monde sait que Marseille et le Standard, c’est un peu la même chose, la même ambiance, le même propriétaire, presque la même maison. Ivic est né entraîneur et il mourra entraîneur. Il venait encore voir les entraînements au Standard : il ne pourra jamais s’en passer ».

Pierre Bilic

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