L’or rouge

Pour l’Italien, les plus beaux combats se déroulent sur terre battue.

Directeur du tournoi de Rome qui commence le 7 mai, Adriano Panatta (50 ans), est aussi, et surtout, le vainqueur du tournoi de Roland Garros 1976. Il avait alors battu un certain Bjorn Borg… L’Italien gagna dix tournois de l’ATP dans sa carrière et fut même classé quatrième mondial un temps.

Son passé de joueur l’avantage-t-il par rapport à ses collègues directeurs de grands tournois? « Aujourd’hui, je perçois les mêmes sensations que les participants… et je sais donc de quoi ils ont besoin. Cela constitue un avantage évident. Cela dit, le métier de directeur de tournoi est très différent. J’ai dû apprendre énormément de choses que je ne connaissais pas et j’avoue que je suis encore en train d’évoluer. En fait, quand on dirige un tournoi, on est obligé d’évoluer sans cesse. Il faut savoir se remettre en question et c’est ce que je pense avoir fait lors de mon passage de joueur professionnel à dirigeant de tournoi ».

Le tournoi de Rome est l’un des plus importants sur terre. Pensez-vous que c’est sur cette surface que le tennis engendre ses plus beaux combats?

Chaque surface à ses particularités et le beau tennis a sa place sur chacune d’entre elles. Mais j’ai malgré tout une affection particulière pour la terre battue et je crois qu’elle est encore la surface la plus compétitive : elle offre un tennis moins rapide où les échanges sont plus longs, ce qui contribue à la qualité du spectacle. Cela étant, certains spectateurs ne savent pas toujours bien interpréter le jeu sur terre qui peut, de ce fait, paraître plus ennuyeux que celui pratiqué sur des surfaces plus rapides.

Avez-vous un souvenir récent d’un match exceptionnel disputé lors de votre tournoi?

Bien sûr: la finale entre Rafter et Kuerten de 1999. Grâce à la philosophie complètement différente de ces deux joueurs, nous avons eu droit à un des plus beaux matches des dernières éditions.

On ne peut s’empêcher de penser au Roland Garros que vous avez remporté en 1976…

Surtout que j’ai gagné après avoir battu Bjorn Borg. Si j’avais remporté l’épreuve sans avoir rencontré Bjorn, ma satisfaction n’aurait pas été la même.

Vous êtes d’ailleurs le seul joueur au monde à l’avoir battu deux fois sur la terre parisienne.

C’est exact. En fait, je possédais un style de jeu offensif qui me permettait de contrer son lift.

Mais, en 76, vous auriez très bien pu perdre au premier tour, contre un certain Hutka…

Je m’en souviens parfaitement. Il a eu une balle de match. Sur cette dernière, j’ai tout d’abord attaqué dans son revers, il m’a alors lobé mais j’ai réussi à faire une volée haute. Quand il a voulu me passer en jouant croisé, je me suis jeté sur la balle et je me suis retrouvé par terre mais j’avais sauvé cette balle de match. Je devais être protégé à l’époque car, au premier tour du tournoi de Rome, j’avais déjà sauvé onze balles de matches face à Warwick.

Depuis votre époque, le tennis italien n’a plus de véritable champion. A quoi cela est-il dû?

Il y a de nombreuses raisons à cette chute du tennis italien. De multiples erreurs ont été commises et, dans chaque cas, la fédération s’est alliée à des hommes qui n’étaient pas compétents. Heureusement, nous sommes en train de récupérer le temps perdu et la fédération donne l’impression de se pencher sur le futur de manière un peu plus moderne. Ses stratégies et ses plans me paraissent cette fois tout à fait cohérents. Du reste, si nos difficultés se sont manifestées essentiellement dans le tennis de haut niveau, nous avons aussi connu quelques faiblesses au niveau de la base. L’Italie est désormais l’une des nations avec le plus grand nombre de tournois mineurs, soit réservés aux jeunes, soit aux joueurs de niveau moyen. Ce qui est de bon augure pour l’élite à venir. Quant à la passion du public, elle existe encore mais elle attend que des Italiens s’installent au sommet du classement pour exploser. Ils y a trois millions de pratiquants chez nous!

Votre politique de jeunes semble également avoir été améliorée?

Aujourd’hui, nous suivons davantage les jeunes espoirs. Mais nous ne faisons pas la même chose que dans la plupart des pays, à savoir que nous aidons les jeunes sans obligatoirement les faire quitter leur club de tennis. Nous leur octroyons une bourse qui est généralement gérée par leur coach. Et puis, comme je l’ai déjà dit, ils peuvent disputer un nombre incroyable de tournois et, donc, prendre leurs premiers points ATP sans quitter le pays.

Qui sont ces nouveaux jeunes?

Récemment, la Coupe Davis nous en a montré quelques-uns. Nous nous sommes rendus en Finlande avec une équipe de débutants et nous avons gagné un match très difficile. Je pense à Federico Luzzi, Filippo Volandri mais il y a aussi d’autres, plus jeunes qu’eux, qui sont déjà pressentis pour porter le maillot azzurro. Il y ainsi Uros Vico et Massimo Dell’Acqua. Je pense donc que nous sommes en phase ascendante.

Quel est la grande différence que vous percevez entre le tennis de votre époque et le tennis actuel?

Les nouveaux matériaux ont imprimé au jeu puissance et vitesse. Les tennismen ont désormais une attitude beaucoup plus professionnelle et, physiquement, les muscles et les centimètres ne manquent pas. Cela dit, je ne suis pas d’accord avec ceux qui affirment qu’il y a moins de talent pur. Simplement, comme la balle voyage plus rapidement que dans le temps, les joueurs qui ont du toucher ne parviennent pas toujours à le démontrer sur le terrain. Et j’ai la sensation que les joueurs ne s’amusent plus sur le court. Nous nous amusions beaucoup plus et l’ambiance était plus amicale, plus conviviale. Je suis persuadé que le tennis moderne doit réfléchir sur cet aspect d’amusement.

Quel est le joueur qui vous a le plus marqué au cours de votre carrière?

Borg. C’était une splendide machine et une personne qui m’était très chère, même s’il était un peu particulier. Nous étions très amis et le sommes encore. Je crois que nous avons été les protagonistes de matches de très haut niveau. Borg a changé la manière de jouer. Avec ses coups, il a élargi le champ du jeu Grâce à son lift, il a trouvé des trajectoires et des hauteurs de balles qui n’avaient pas été atteintes jusque-là. Contre moi, il éprouvait des difficultés car, sur mes balles courtes d’attaque, il ne savait pas donner de l’effet à ses balles. Mais, malgré cela, c’est de loin le joueur qui m’a le plus impressionné.

Plus près de nous, vous avez dû avoir une drôle de surprise l’an dernier lorsque les Belges se sont imposés en Italie dans le cadre de la Coupe Davis?

Les Belges nous ont fait une très mauvaise blague en nous reléguant en Division 2. Là, ils ont été magnifiques, il faut bien l’admettre. Avec des joueurs jeunes et très rapides -je pense aux frères Rochus- dans le jeu de jambes, ils ont réussi à battre une équipe italienne qui, il est vrai, n’était pas extraordinaire.

Que pensez-vous de Xavier Malisse?

De loin le plus talentueux de vos joueurs. Il faut juste qu’il parvienne à se montrer plus constant, ce qui semble être le cas depuis le début de l’année. Pour moi, il a un potentiel énorme et devrait être capable d’atteindre le Top 30 ou le Top 20.

Et nos joueuses?

Kim Clijsters et Justine Henin sont très différentes dans le jeu et dans leurs caractéristiques physiques. Henin a un jeu d’anticipation admirable alors que Clijsters dispose des coups suffisants pour casser toutes les attaques adverses. Je suis vraiment très pressé de les voir à l’oeuvre à Rome.

Quels sont vos pronostics pour Roland Garros?

C’est difficile à dire et, en plus, je ne pense pas qu’un directeur de tournoi doive se répandre en pronostics. Je crois cependant que Kuerten sera le grand favori même si je me réjouis de revoir un Marat Safin à son meilleur niveau. Chez les dames, si les deux Williams sont en forme, je les mets au premier plan. Hingis est toujours dangereuse et je suis persuadé que, dans très peu de temps, elle regagnera un tournoi du Grand Chelem. Mais attention aussi à Mary Pierce.

Bernard Ashed

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