L’optimiste béat

L’ancien capitaine du Lierse revient sur son année noire, espère bien s’en sortir et revenir en D1 !

Face au déferlement médiatique qui s’est abattu sur lui il y a un an, l’ancien capitaine du Lierse, Laurent Fassotte s’est replié sur ses terres, le long de la Vesdre, dans le village de Fraipont. Dans ce cadre vallonné et champêtre, il a pu trouver la quiétude nécessaire pour se reconstruire au sein de la cellule familiale. Oublié par le reportage de la VRT, il était pourtant rapidement rattrapé par l’affaire des matches truqués. Après quelques jours de réflexion, il a fini par avouer son implication. Un an après, il évolue en D3 B, à Sprimont, à quelques kilomètres de chez lui. Il a décidé de revenir à tête reposée sur l’année difficile qu’il a vécue et d’expliquer avec du recul les raisons qui l’ont poussé à tricher.

Pourquoi ?

 » Marius Mitu et moi avions connu la faillite du RWDM. Cela marque. A l’époque, je vivais encore chez ma mère et ce n’était pas trop grave d’avoir quatre mois de salaire en moins. Mais quand vous êtes en train de construire une maison, que vous allez peut-être perdre votre travail et qu’il faut prendre une décision en une heure, ce n’est pas évident. On n’a pas eu le temps de réfléchir. Au départ, on n’a pas compris que c’était une combine. Les entraîneurs nous ont dit que le club allait mal et qu’il y avait une personne prête à reprendre le club si celui-ci redescendait de quelques places. On a accepté. On avait confiance en nos entraîneurs. On estimait simplement qu’à domicile, on pouvait essayer de gagner nos matches. Et quand on s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement d’un repreneur, qu’il en voulait chaque fois plus et qu’il fallait commencer à perdre des matches avec plus de trois buts d’écart, on a voulu faire marche arrière mais ce n’était plus possible. A un certain moment, on a décidé d’affronter et de faire face. On a réussi à s’en sortir et on pensait que cela allait en rester là « .

Ye

 » Mon désavantage était d’être francophone et notre messie ne parlait que français et ne savait s’exprimer ni en anglais ni en néerlandais. Je passais pour un de ses interlocuteurs privilégiés. C’est pour cette raison qu’on est tombé sur moi au niveau des perquisitions « .

L’argent

 » Quand on recevait les enveloppes, on savait que ce n’était pas bien, qu’on était hors-la-loi. Mais on y croyait vraiment au projet du repreneur. Au total, je dois avoir reçu 50.000 ou 60.000 euros mais j’ai tout rendu. Même ce que j’avais déjà dépensé. Mon père m’a aidé à rembourser. Les gens pensent que l’on agit ainsi pour l’argent et qu’on l’a gardé. C’est faux ! Je répète que l’on a cru au projet de rachat du club. Le comportement de Ye nous rassurait. Il venait au stade et on le voyait dans la salle de réception aux côtés des dirigeants. On pensait que ce n’était pas du vent « .

Les perquisitions

 » Les enquêteurs sont venus à mon appartement de Lierre pour m’embarquer à 7 h du matin, le 15 février 2006. Un quart d’heure plus tard, une équipe de la télévision était déjà là. On m’a emmené comme un voleur et on m’a poussé dans la voiture. Je n’ai pas pu prévenir mes proches. Par la suite, j’ai appris qu’une autre équipe visitait ma maison à Fraipont et cela m’a rassuré car je me suis dit que ma femme était au courant. Pendant l’interrogatoire, j’étais vraiment considéré comme un voyou. Cela m’a marqué. Je suis rentré chez moi en début d’après-midi. J’étais complètement dans le gaz. Tout le monde téléphonait. J’ai réalisé l’ampleur de l’affaire quand j’ai allumé la télévision et que j’ai vu qu’on en faisait le premier titre du journal « .

La solidarité entre joueurs du Lierse

 » Quand on a dû lever le pied, on était solidaire : on se retrouvait dans la position du pot de terre contre le pot de fer. On devait se serrer les coudes. Il y a eu des discussions car certains joueurs ne respectaient pas les consignes mais on a fait preuve d’unité. Quand l’affaire a éclaté, tout le monde n’était plus au club. Certains étaient partis à Anderlecht – NDLR : Marius Mitu et Laurent Delorge-, d’autres au Germinal Beerschot ( Nineslav Milenkovic). Ensuite, on a été convoqué à l’Union Belge et on a pu se rendre compte de certaines dissensions. Certains voulaient parler, d’autres pas car on n’avait pas la garantie que cela resterait aussi secret qu’on voulait nous le faire croire. Quand Patrick Deman a tout dévoilé, on a été pris de court. Moi, j’étais prêt à collaborer. Mon avocat leur a envoyé une lettre mais on n’a pas eu de retour au moment même. Seul Deman a été entendu et il a été blanchi. On s’est retrouvé dans une mauvaise position dès l’instant où notre entraîneur adjoint qui se situe à un échelon au dessus de nous a pu se rendre à l’Union Belge et pas les joueurs. Par après, certains ont refusé de parler à l’Union Belge. Moi, j’ai accepté et dit ce que je savais « .

Le reste du noyau

 » On ne se sent vraiment pas bien vis-à-vis de ceux qui n’étaient pas au courant, que ce soit les autres joueurs ou le staff médical C’est mon grand regret. Un an après, je me sens toujours aussi mal « .

Le procès verbal publié

 » J’ai été honnête avec l’Union Belge et j’ai été surpris de voir que le magazine Humo avait publié ce que j’avais dit. C’est inadmissible. Je ne pense pas que la fuite vienne du parquet. Cela a été ensuite repris dans le Ciné-Télé Revue et la publicité m’a fait beaucoup de tort. J’avais été contacté deux fois par le journaliste de ce magazine qui voulait une interview mais je n’étais pas prêt. Le magazine s’est-il vengé suite à mon refus ? C’est possible. A ce moment-là, on se rend compte que l’affaire est sortie des pages sportives. Tout était jeté en pâture au public et il a fallu le supporter. J’aurais pu rester enfermé chez moi mais j’ai préféré affronter le regard des gens. J’allais chercher mon petit garçon à l’école, mon journal, mon pain « .

Le sentiment de culpabilité

 » Tout le monde a le droit de donner son avis. J’ai entendu des supporters clamer haut et fort que je n’avais rien à faire sur un terrain. J’assume ce que j’ai fait mais dès l’instant où je ne suis pas suspendu par l’Union Belge, j’estimais que j’étais en droit de jouer. Finalement, j’estime quand même avoir payé ma faute : j’ai dû redescendre en D3. Moralement, on a été bien puni. On m’a attaqué personnellement, on me considérait comme un criminel et on revendiquait une peine de prison pour moi. On reste présumé innocent et cela, les gens l’oublient « .

Les réactions extérieures

 » Je me suis forgé une carapace mais ce fut difficile pour les personnes qui m’entourent. Mon épouse et mes parents m’ont apporté une aide très précieuse. Tout comme les membres de ma famille et les amis proches. Par contre, le milieu du football m’a lâché. Je n’ai plus de nouvelles d’anciens joueurs et entraîneurs. Même quand j’ai envoyé quelques SMS de bons v£ux ou de soutien, on ne m’a pas répondu. Peut-être est-ce dû au fait que j’ai changé de numéro de GSM. On a gardé mon téléphone un certain temps au niveau du parquet et quand je l’ai récupéré, je me suis dit que comme je recommençais une nouvelle vie, il valait mieux que je change de numéro « .

La personnalité

 » Cela m’a rassuré de voir des gens croire en moi. Malgré cette erreur, je reste une personne avec un bon fond. Je ne suis pas un gangster. Certains m’ont dit – J’aurais pu t’aider. Personne n’aurait pu imaginer ce qui se passait et m’aider « .

La suite de l’enquête

 » J’ai tellement vécu de choses que je n’ai plus peur de rien. Quand on écrit que j’ai mal joué, maintenant j’en rigole ( il sourit). J’espère simplement que le procès va remettre l’église au milieu du village. La justice ne doit pas seulement évoquer des faits mais dévoiler le pourquoi de nos actes. On ne m’a pas dit ce que je risquais comme sanction mais je m’attends à une amende pour avoir accepté de l’argent noir. Quand on va rentrer dans la période de jugement, il s’agira encore de mauvais moments à passer. Enfin, c’est la suite logique et je m’y prépare. J’aurais préféré que la sanction tombe le plus vite possible car cela m’aurait permis de tirer un trait définitif sur toute cette histoire. Par contre, ce n’est pas l’intérêt de tous les joueurs. Certains sont bien recasés et ils préfèrent que l’enquête traîne « .

Une année à Sprimont

 » J’ai un autre mode de vie. Quand j’étais joueur professionnel, je n’avais pas vraiment l’occasion de voir grandir mon garçon de quatre ans. Maintenant, je peux. Je privilégie ma vie familiale. J’ai pris un peu de recul par rapport au football. J’aspire encore à retrouver un club professionnel la saison prochaine car j’estime qu’à 29 ans, j’ai encore de belles années devant moi. J’aimerais prouver que j’ai encore le niveau même si j’évolue en D3 depuis un an. Cela fait peu de temps que je suis présent à Sprimont mais j’y garderai des amis pour la vie. Les joueurs m’ont bien accueilli. Ils ont respecté ma carrière et ils ne m’ont pas jugé. Ils ont considéré que je constituais un renfort et ne m’ont jamais posé de questions sur l’affaire. J’ai signé à Sprimont le 15 mars 2006, soit un mois après ma comparution au parquet. Cela ne fut pas évident de se remettre au football car l’affaire était encore toute fraîche. Les supporters adverses n’arrêtaient pas de crier après moi. Heureusement, je suis quelqu’un de calme. Sprimont occupe une place enviable au classement car on possède un bon groupe. J’apporte quelque chose à l’équipe. On possède la meilleure défense et avec d’autres, j’y ai contribué. Si j’étais complètement dépassé, je me dirais que je peux faire une croix sur ma carrière. Je n’ai pas été écarté de la D1 sur mon niveau mais à cause de l’extra-sportif. Je sais donc que je peux remonter en D1 si on m’en donne l’occasion. C’est très dur de s’entraîner seulement trois fois par semaine, le soir, sur des terrains qui ne sont pas ceux de la D1. Cependant, Sprimont m’a donné la possibilité de pouvoir encore jouer et c’est le seul club. Ici, il n’y a pas de pression et quand on voit l’atmosphère et la mentalité extraordinaire, cela aide à se reconstruire. Si je ne reçois plus la possibilité d’évoluer en D1, je me dirai que les clubs considèrent que j’ai commis une erreur et que je dois la payer pour le reste de ma carrière. Si l’année prochaine, je n’ai aucune proposition, je resterai à Sprimont et je commencerai à penser à ma reconversion « .

par stéphane vande velde – photo : reporters/gouverneur

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