» L’opération a été une délivrance « 

Après quatre ans de souffrance physique à cause de douleurs aux tendons d’Achille, Olivia Borlée a retrouvé le sourire et l’envie de courir.

De retour d’un long stage à Stellenbosch, en Afrique du Sud, Olivia Borlée affiche une mine radieuse. Les cheveux plus blonds que jamais, elle boit un thé à la menthe, une boisson dont elle raffole. Elle se sent bien dans sa peau. Et pour cause : elle ne souffre plus des tendons d’Achille qui lui ont empoisonné la vie durant de longues années. À 27 ans, celle qui a vécu tant de galères se sent pleine d’envie. Opérée des tendons d’Achille le 9 octobre dernier, elle se dit confiante pour son futur. Persuadée qu’elle reviendra à son meilleur niveau, celle qui fut médaillée d’argent du 4x100m aux JO 2008 entame, en quelque sorte, une deuxième carrière. Mais elle la vit au jour le jour. Pendant une heure, elle nous confiera sa joie d’être sur le chemin du retour après des longs mois de galère..,

Olivia, toute la famille rentre d’un long stage à Stellenbosch. Comment s’est-il passé pour vous ?

Il s’est très bien déroulé. C’était important pour moi d’être là-bas, avec toute la famille, le staff. Les conditions de travail étaient optimales. J’ai pu continuer à progresser dans mon coin et sous le soleil. Je n’y ai pas encore repris l’entraînement spécifique et les sprints à 100 % mais tout va bien. Moi, j’en aurais bien fait davantage car je me sens très bien mais tout mon entourage a dû me freiner. Maintenant que je ne ressens plus de douleur, je me montre assez impatiente. Cela dit, je comprends très bien que l’on me dise d’être prudente.

En Afrique du Sud, vous avez donc côtoyé les athlètes. On peut imaginer que cela vous a fait du bien…

Evidemment, même si je me suis sentie frustrée à certains moments. J’avais un peu l’impression d’être en décalage. Pendant que les autres sprintaient sur la piste, moi je faisais des exercices en piscine ou du vélo. On prend le temps de bien faire les choses et je vois comment mon corps évolue au jour le jour. Pour l’instant, je ne me fixe pas d’échéance même si j’espère pouvoir m’entraîner tout à fait normalement fin février.

 » Je crevais de mal  »

Le 9 octobre, vous étiez opérée des deux tendons d’Achille. Peut-on dire que c’était l’intervention de la dernière chance ?

Je ne voyais pas d’autre issue. On avait déjà essayé tellement de traitements que je n’en pouvais plus. Les douleurs ne disparaissaient pas et cela me minait.

Quand avez-vous décidé de vous faire opérer ?

Il y a quelques années, j’avais déjà demandé à ce que l’on procède à une intervention chirurgicale mais les médecins ne voulaient pas. Ils estimaient que la blessure n’était pas assez grave pour prendre ce risque. Mais moi je crevais de mal ! Lors des Championnats de Belgique 2013, tout s’est accéléré. J’ai de nouveau ressenti de très vives douleurs. Elles m’ont empêché de courir comme je le voulais. C’était d’autant plus difficile pour moi que Kevin, Jonathan et Dylan y brillaient. Là, j’ai littéralement fondu en larmes. Je me suis décidée à prendre part aux Jeux de la Francophonie parce que je voyais cette compétition comme l’opportunité de prendre part à une belle épreuve, ce qui me manquait car je n’avais pas pu courir beaucoup avant cela. Mais ce fut un véritable calvaire. Je boitais bas en courant. Là, j’ai dit :  » Maintenant, on opère ! » Et depuis, je revis. J’ai dû rester deux semaines dans une chaise roulante mais, dès ma sortie du bloc opératoire, j’avais l’impression d’être libérée d’un énorme poids.

Estimez-vous déjà que cette opération fut une réussite ?

Ça, je pourrai le dire quand je m’entraînerai tout à fait normalement. J’ai hâte de pouvoir de nouveau  » tirer dedans « , comme l’on dit, sur un 200m. Mais chaque chose en son temps. En tout cas, cette opération a constitué une véritable délivrance pour moi. Maintenant, je me sens bien, physiquement et mentalement.

Quelle incidence vos maux avaient-ils sur votre vie au quotidien ?

Quand je me levais, les premiers pas étaient très douloureux. Quel bonheur de pouvoir, de nouveau, sauter hors du lit comme tout le monde ! Maintenant, soyons clairs, je n’avais pas de douleur pour marcher mais, une fois que je chaussais les spikes, cela devenait insoutenable. On a beau dire que l’on s’habitue à vivre avec nos maux, ceux-ci étaient insupportables. Et puis, ils me minaient mentalement. J’ai toujours pensé à l’athlétisme et ne pas pouvoir donner le meilleur du moi-même alors que je me sentais capable de réaliser de grandes choses était une énorme frustration. J’espère vraiment que tout cela est derrière moi désormais.

 » Des anti-inflammatoires sans effet  »

Pouvez nous expliquer quand avez-vous ressenti ces douleurs pour la première fois ?

C’était en 2006. La gaine qui entoure le tendon s’est enflammée et cela n’a plus arrêté. En 2007, je n’en ai pas trop souffert mais aux JO 2008, j’avais les tendons en feu et j’avais un tape sur chaque tendon d’Achille lors de la finale du 4x100m. En 2009, cela a été relativement bien. Et puis, en 2010, les douleurs ont vraiment empiré. Je me souviens qu’en 2012, j’étais prête à tout pour tenter de me qualifier pour les Jeux de Londres. Moi, qui n’avais encore jamais pris d’anti-douleurs ni d’anti-inflammatoires, j’ai dû me résoudre à en avaler. Mais ils n’ont pas fait le moindre effet. J’avais même demandé à papa et aux médecins si on pouvait me faire des infiltrations mais ils n’ont pas voulu pour ne pas mettre ma santé en péril. Ce qui m’énervait le plus, c’est qu’à chaque fois que je me sentais bien, tout finissait par s’écrouler d’un seul coup parce que les douleurs revenaient.

Comment avez-vous fait pour tenir le coup et ne pas mettre un terme à votre carrière ?

Avant tout, j’adore l’athlétisme. Ce sport m’a procuré tant de bonheur et d’émotions que je ne voulais pas lâcher. J’avais des gros moments de découragement mais tous mes proches me soutenaient et m’aidaient à relever la tête. Vous savez, pour nous, c’est une chance d’évoluer en famille car on se soutient les uns les autres. Quand l’un ne va pas bien, les autres le boostent. C’est notre mode de fonctionnement et cela constitue indéniablement une force.

À un moment donné, vous avez émis la possibilité d’arrêter votre carrière de manière prématurée tant la douleur était grande. Vous y pensiez vraiment ?

Avec du recul, je dirais que si l’idée m’a parfois effleurée, je ne voulais pas réellement arrêter. En fait, c’était un peu ma façon à moi de tirer la sonnette d’alarme pour que mes proches et le staff médical finissent par trouver la solution à mes problèmes.

Avez-vous souffert des critiques qui vous sont tombées dessus ces dernières années parce que les résultats sportifs ne suivaient – logiquement – pas ?

Honnêtement, non. Quand je vais à un meeting ou que je croise des enfants, on m’encourage énormément et certaines personnes me disent que je suis une source d’inspiration pour elles. Je pense que ces gens ont compris que je suis quelqu’un de vrai, qui ne triche pas. C’est l’une des raisons aussi pour lesquelles je veux poursuivre ma carrière.

 » Je ne me fixe plus d’échéance  »

Quels sont vos objectifs sportifs ?

Je vous l’ai dit : je vis au jour le jour. Je franchis les étapes les unes après les autres. L’Euro de Zürich ? Je l’ai dans un coin de la tête car je sais qu’à 100 %, je peux réaliser les minima. D’ailleurs, je suis convaincue que je peux battre mes records personnels. Je n’aurais pas repris de zéro si je n’en étais pas persuadée.

Avez-vous l’impression de débuter une deuxième carrière ?

Non pas vraiment. Je me dis surtout que toutes ces blessures qui m’ont minée ces dernières années vont peut-être allonger ma carrière. À un moment, c’est vrai, je me disais que ce serait bien de terminer mon parcours en 2016, avec Kevin et Jonathan au sommet, et Dylan, pour qui ce seraient les premiers Jeux. Aujourd’hui, je ne me fixe plus d’échéance. Si je retrouve mon niveau d’avant – ce dont je ne doute pas -, je n’exclus pas de prolonger encore un peu l’aventure. Ces années difficiles ont augmenté ma faim et m’ont rendue plus forte mentalement.

En 2008 à Pékin, le relais 4x100m décrochait l’argent olympique. Cela doit vous paraître loin tout ça…

Oui et non. Chaque fois que je vois les images de la finale, je m’émeus. Mais j’essaye de me focaliser sur le futur. Ces merveilleux souvenirs, j’aurai le temps d’y repenser plus tard. Maintenant, je travaille à mon retour. Je trouve d’ailleurs que, vu les douleurs qui furent les miennes durant quatre ans, mes résultats sportifs ne furent pas si mauvais. Mais, je le répète, si je reviens, c’est pour battre mes records. Je suis convaincue que je pourrai de nouveau courir le 200m en moins de 23 secondes.

Au soir des JO 2008, le relais 4x100m était à son apogée. Aujourd’hui, vous avez toutes les quatre pris des chemins différents.

On ne pourra jamais nous enlever ce que nous avons vécu ensemble. Si je n’ai plus beaucoup de contacts avec Kim (Gevaert) parce que nos chemins ne se sont plus trop croisés, j’entretiens, par contre, une grande amitié avec Elodie (Ouedraogo). Elle et Hanna (Marïen) m’inspirent énormément. Nous avons toutes les trois connu un après-Pékin difficile. Et regardez comment Elodie et Hanna sont revenues dans le parcours après ! Après deux années peu évidentes, Ouedraogo est revenue sur le devant de la scène et a achevé sa carrière en boulet de canon aux JO de Londres. Quant à Marïen, elle réussit pleinement une toute nouvelle aventure. Qu’elle participe aux JO d’hiver à Sotchi est tout simplement incroyable ! Franchement, je veux, moi aussi, rebondir. Après mon opération des deux tendons en octobre, je me suis sentie littéralement libérée d’un énorme poids qui pesait sur mes épaules. ?

PAR DAVID LEHAIRE

 » J’ai hâte de pouvoir à nouveau tirer dedans sur 200 mètres.  »

 » C’est une chance d’évoluer en famille car on se soutient les uns les autres.  »

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