L’ombre de Perbet

Enzo Scifo doit intégrer ses renforts et rééquilibrer son équipe : lui laissera-t-on le temps de sortir Mons des soins intensifs ?

Alerte à Malibu : la série télévisée américaine compte 243 épisodes de 45 minutes. Chez nous, S.O. S Mons vient de tourner sa 12e mi-temps de la saison 2013-14 et les plages tranquilles se sont éloignées, remplacées par un tsunami de problèmes, un point, pas le moindre succès à se mettre sous la dent et la lanterne rouge. Si c’est étonnant pour le grand public et les médias, Enzo Scifo, plus lucide, et parfaitement au courant des réalités montoises, refuse de s’emballer, conscient qu’il sera difficile de réaliser le même parcours que la saison passée. Certains ont rêvé cette fois d’une présence dans le Top 6, pas Scifo : il avait raison de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

A Gand, le coach des Montois a sorti sa caisse à outils pour tester ses nouvelles solutions offensives en ces temps de soucis et de malchance. Monté au jeu après une heure contre le Standard, Richard Soumah a été aligné dans le 11 de départ à Gand. Si on compare son apport à celui de Yaya Soumahoro du côté des Buffalos, pas besoin de photo finish sur la ligne d’arrivée. Soumah a du potentiel, c’est évident, mais il a besoin de temps et de travail pour trouver le rythme de notre D1 et ses repères dans son équipe. Il en va de même pour Léo Beleck qui le remplaça à la 62e minute de jeu. Shlomi Arbitman patienta huit minutes de plus avant de remplacer Tim Matthys contre ses anciennes couleurs. Ce séjour de l’Israélien sur le banc résume les problèmes offensifs de l’Albert.

Plus de buteur de haut vol

 » Même s’il a quitté Mons en janvier 2013 et que ce club a bien terminé la saison précédente sans lui, Jérémy a laissé un grand vide au stade Tondreau « , affirme Nordin Jbari, ancien attaquant et consultant Belgacom.  » L’équipe le connaissait comme sa poche et, quelque part, elle était organisée en fonction de lui. A mon avis, Mons a peut-être cru qu’Arbitman détenait les mêmes atouts que Perbet, ce qui n’est pas le cas. Perbet était capable de se débrouiller seul, de se faire oublier, de décrocher avant de surgir en surface de vérité. Arbitman, lui, n’est pas du tout un solitaire. Il a besoin d’un attaquant près de lui. C’est un pivot qui hésite quand il s’agit de se retourner très vite et de plonger en profondeur. Il n’est pas à l’aise dans une équipe qui subit le jeu. Un vrai buteur est encore plus important pour un petit club qu’un grand.  »

En huit saisons en D1, avant celle-ci, Mons a dominé deux classements du meilleur buteur : Cédric Rousel (22 buts en 2003) et Perbet (25 buts en 2012). A deux, ils ont inscrit 60 buts en D1. En 2002-2003, Roussel a inscrit 50 % des 45 buts de sa formation, c’est énorme. Neuf ans plus tard, Perbet a signé 25 des 58 buts montois. Quand le CS Bruges détient un Josip Weber, Mouscron un Luigi Pieroni ou Charleroi un Joseph Akpala, tout est différent. Sans des finisseurs comme Toni Brogno, Tosin Dosunmu, François Sterchele ou Jaime Alfonso Ruiz, le Germinal Beerschot et Westerlo ont été rayés de la carte.

En 2010, Gand déniche Arbitman dans des conditions bizarres. International israélien et meilleur buteur de Maccabi Haïfa, son nom circule à Gand, renseigné par l’agent de joueurs DuduDahan. Gand n’est pas intéressé mais change d’avis en apprenant que Michel Preud’homme, son ancien coach passé à Twente, s’intéresse à Arbitman.  » Si Twente suit un attaquant, c’est qu’il est bon « , a-t-on pensé du côté des Buffalos.

Et Gand, pourtant réputé pour le savoir-faire de sa cellule scouting, a transféré Arbitman sans jamais l’avoir vu à l’oeuvre. Une opération risquée qui se révéla être un échec. Plusieurs insiders gantois ont été formels :  » L’homme a une personnalité positive mais le joueur n’est pas taillé pour le top belge. Chez nous, il n’a pas pu convaincre quatre coaches : Francky Dury, Trond Sollied, Manu Ferrera et Bob Peeters. Quand il est revenu de prêt de Westerlo, où ce ne fut pas la joie, Gand a été très heureux de s’en défaire au profit de Mons.  »

Arbitman pas en pole

Il est arrivé à l’Albert dans l’attaché-case de Mogi Bayat. Après six mois de location (10 matches/3 buts), il a signé un contrat jusqu’en 2016. Arbitman ne constituait pas le premier choix des Dragons qui, cet été, lorgnèrent Benjamin Mokulu (trop cher) et Ernest Nfor qui a refroidi ses partisans montois après les incidents violents qui l’opposèrent à la direction de Courtrai. Arbitman a-t-il été élu faute de candidats payables par la maigre trésorerie des Dragons ?

Spectateur attentif de ce qui se passe au Tondreau, Roussel prêche la patience :  » L’Israélien est à la recherche de ce qu’il y a de plus précieux pour un attaquant : la confiance. Il ne sera pas un nouveau Perbet mais, à sa décharge, on peut signaler qu’il n’y a pas beaucoup de Perbet en D1. La saison passée, Arbitman a rendu des services. Mons était content de lui alors que Perbet avait pris la direction de Villarreal. Il a été intéressant tout au long des PO2. Après six matches cette saison, il n’a toujours pas marqué, a raté la transformation d’un penalty. Pour un attaquant de pointe, c’est une catastrophe et cela pèse dans la tête.  »

 » Il est dans l’attente du déclic qui le relancera : le premier but qui débloque le compteur. Quand ce sera le cas, tout se mettra en place. Je suis persuadé qu’Arbitman est un homme de rectangle qui a besoin de centres et de jeu autour de lui. Mons finira par trouver ses équilibres. Il y a évidemment urgence mais on ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Un buteur a un impact considérable sur le moral d’une équipe. De mon temps, en 2002-03, Mons pétillait de bonheur car l’équipe était en place. Cette fois, l’effectif n’était pas parée en début de championnat. Le problème ne se résume pas au tableau de chasse vierge d’Arbitman : tout se tient et c’est d’abord collectivement que l’Albert trouvera les solutions. Un buteur doit pouvoir jouer les yeux fermés. Pour le moment, Mons n’est pas à sa place et doit tout faire pour briser cette spirale négative.  »

Une défense trop lente

A Gand, les Montois n’ont jamais inquiété Franck Boeckx mais leur défaite s’explique en grande partie par un penalty plus que léger. Soumahoro a d’ailleurs expliqué qu’il n’y avait pas faute. Son plongeon en a mis plein la vue à l’arbitre, Serge Gumienny, qui hésita avant d’indiquer le point blanc. La pression du public a dicté la décision de l’homme en noir. C’est regrettable mais un joueur aussi expérimenté que PieterjanMonteyne doit savoir que tout geste dans le rectangle peut avoir des conséquences néfastes.

A droite, Nicolas Timmermans a vu passer les TGV gantois. Il est toujours sur le quai de la gare. Seul Charleroi (-11) a encaissé plus de buts que Mons. Avec 10 buts à son passif, la défense des Dragons n’est pas parvenue jusqu’à présent à maintenir le zéro au marquoir. On peut indiquer Arbitman du doigt mais cette faiblesse défensive constitue aussi un problème très important. Peut-être même le plus crucial, tant ce rideau est tout simplement catastrophique. L’axe central de ce secteur semble aussi statique que les iguanodons de Bernissart. Grégory Lorenzi a été exclu et JérémySapina, solide sur l’homme, est lent, souvent en retard, et lourd au démarrage.

Benoît Thans a relevé ce phénomène et nuance :  » Mons dispose quand même de tout ce qui est nécessaire pour se sortir de ce mauvais pas. Dans les grandes lignes, il s’agit de la même équipe que la saison passée. Mons a cependant commis une grosse erreur. Les petits clubs vivent et survivent grâce à la stabilité. Mons aurait dû se contenter de trois transferts, ceux qu’Enzo désirait, un par ligne et rien de plus. Dans ce cas-là, on peut être un peu plus généreux sur le marché des transferts. Mokulu était peut-être cher mais Mons a dépensé encore plus d’argent, je suppose, en cette fin d’été en achetant des joueurs auxquels le staff et le coach ne pensaient pas en priorité.  »

 » Quand on assiste à un important arrivage en fin août, c’est la preuve qu’il y a eu des manquements. Le club et le public paniquent mais c’est le coach qui se retrouve avec un surplus de travail évitable. Pour un club comme Mons, un bon départ est important. Il faut se mettre au plus vite à l’abri. Scifo avait raison de se méfier des louanges. Cette panique était évitable. A la limite, il a encore plus de travail maintenant qu’à la reprise des entraînements, ce n’est pas normal. Si cela tourne mal, c’est lui, hélas, qui payera l’addition. L’interruption du championnat pour les besoins d’Ecosse-Belgique lui fera le plus grand bien afin de tout mettre au point : la défense, la ligne médiane, l’attaque, le jeu collectif, etc.  »

Le 14 septembre, Mons recevra la visite de Waasland Beveren avant de se rendre à Malines. On imagine l’importance de la venue de l’équipe du Pays de Waes au Tondreau. Si Mons compte ses sous, ce qu’on peut comprendre, Waasland Beveren a sorti le portefeuille dès le début de l’été. Glen De Boeck ne doit pas se plaindre. Milos Maric n’est pas venu pour deux brochettes serbes et trois poivrons farcis. Waasland Beveren ne comptabilise pourtant que deux points de plus que Mons.

Ostende a accueilli un nouvel investisseur (Marc Coucke, le patron d’Omega Pharma) dans un énorme fracas médiatique qui suscite la sympathie en Flandre. Coucke a déjà renforcé l’équipe et accentuera ses efforts en janvier. Ostende et Waasland Beveren disposent d’autres moyens que Mons. C’est aussi pour cela que Scifo a du pain sur la planche en vue de la venue de Beveren. Pour le moment, Soumah et Beleck sont à la recherche de leurs sensations. Scifo sera au pied du mur. Eux aussi car leur apport à Gand fut tout au plus moyen. Ils ont une semaine pour huiler les mécanismes et aider Mons à résoudre ses problèmes : ils ont été en-gagés pour cela…?

PAR PIERRE BILIC

 » Arbitman n’est pas un nouveau Perbet mais il n’y a pas beaucoup de Perbet en D1  » Cédric Roussel

L’axe central de la défense de Mons est aussi statique que les iguanodons de Bernissart.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire