L’oeil du GéANT

Pierre Bilic

Dédaigné à Genk, le jeune arrière liégeois a convaincu Sergio Brio.

Prononcez Yoldach, comme cela se fait en Anatolie, et cela fera sourire Muhamet Yoldas, 20 ans, qui saisit sa chance à deux mains au stade Tondreau. Pourtant, c’est loin de là, à Saint-Nicolas, que nous avons rendez-vous avec ce solide gaillard de 1,84 m et 79 kilos.

 » Quand on est Liégeois de c£ur, il est difficile de quitter la Cité Ardente « , confie-t-il.  » Les déplacements entre Liège et Mons ne me rebutent pas. Mais, la saison prochaine, je m’installerai dans le chef-lieu du Hainaut. Sergio Brio a déjà évoqué cette future obligation « .

Même s’il a l’accent de Tchantchès, Muhamet Yoldas est né le 20 avril 1983 à Diest. Son père était alors gueule noire à Heusden. Il a deux ans quand la famille se regroupe à Ans :  » Mes parents sont originaires de Yozgat, dans le centre de la Turquie, à 350 kilomètres d’Ankara. Mon grand-père paternel arriva le premier en Belgique, en 1972, je crois « .

Le football prend vite le pas sur ses études. A cinq ans, Muhamet suit l’exemple d’un petit camarade et s’affilie au FC Liégeois. Puis, il progresse au fil des équipes de Tilleur-Liège qui unit pour un temps les destinées des Sang et Marine à celles des Petits Bleus. A 15 ans, cet ado fait un constat très important : à Tilleur-Liège, il ne se mesure pas aux jeunes des clubs de D1 :  » Je devais absolument remédier à ce problème sous peine de ne pas progresser comme je l’espérais. Mon père a été frapper à la porte de Genk où Mustapha Yilmaz û un entraîneur d’origine turque û s’occupait de quelques équipes de jeunes. J’ai passé des tests positifs à Genk en fin de saison 1998-1999. Mais Tilleur-Liège ne me lâcha qu’un an plus tard « .

Attente vaine à Genk

A seize ans, sa vie change du tout au tout. Il a droit à quatre entraînements par semaine. Son père passe sa vie au volant d’une voiture, entre Liège et le Limbourg profond, afin que le gamin ne rate aucune séance de travail. Cette ferveur sera payante. Après six mois, Muhamet Yoldas est intégré au noyau Espoirs de Genk.

 » J’étais heureux car je me sentais progresser à pas de géants dans une ambiance très favorable aux jeunes « , souligne-t-il.  » Mes perspectives d’avenir étaient intéressantes. Sur cette lancée, j’ai signé un contrat de joueur professionnel portant sur une période de deux ans en 2002-2003. Genk a souvent fait confiance à ses jeunes. J’espérais imiter MarcoIngrao, Koen Daerden, etc. J’ai été bien accueilli dans le noyau A. C’était super mais j’ai attendu en vain mon premier match en D1 avec Genk. J’avais abordé l’actuelle saison avec l’espoir d’enfin mettre le nez à la fenêtre dans ce stade magnifique toujours rempli jusqu’à la gueule. J’aimais cette ambiance positive. Sef Vergossen me parlait beaucoup. C’est un fin psychologue mais j’espérais plus. Je voulais m’asseoir au moins quelques fois sur le banc. Ce ne fut pas le cas même quand Didier Zokora et Seyfo Soley n’étaient pas dans le coup. J’ai progressivement deviné que mon avenir à Genk était dès lors assez incertain. Je ne pouvais pas passer ma vie dans la tribune. A la fin de la saison, je me serais retrouvé sans rien dans les mains « .

Une fois de plus, comme quand il était gosse et quitta Tilleur-Liège pour Genk, Muhamet Yoldas prit la décision qui fait la différence dans le film d’une carrière. Un ami le présente à Eric Depireux en décembre dernier. Le jeune agent de joueurs évoque ses atouts auprès du staff technique de Mons. Son examen d’admission d’une semaine, du 27 au 30 décembre 2003, est bon. Sergio Brio l’invite à prendre part au stage d’hiver en Italie. Genk le libère gratuitement.

 » Le président de Genk, Jos Vaessen, et le coach, Sef Vergoossen, ont fait un geste que j’ai apprécié « , reconnaît-il.  » Ce sont des gens corrects mais j’ai quand même pris une petite revanche en leur annonçant que Mons serait mon nouvel employeur. A mon avis, ils n’imaginaient pas me revoir aussi vite en D1 « .

Back droit ou stopper, Muhamet Yoldas s’impose tout de suite à Mons.  » J’ai fêté mes débuts en D1 lors de notre voyage à Mouscron « , raconte-t-il.  » Notre première mi-temps fut bonne avant que l’équipe ne perde sa concentration. N’empêche : il était évident que Mons avait le niveau de la D1 « .

La suite est enthousiasmante pour lui. Mons croise fer avec le Standard (un événement pour un Liégeois), affronte Genk (son ancien club), tutoie Lokeren, le Lierse, La Louvière, le Cercle Bruges, l’Antwerp, Gand, etc. Et les Dragons sortent vigoureusement du trou.

Tout le monde bosse à Mons

 » Tactiquement, l’équipe est bien organisée « , avoue-t-il.  » Rien n’est laissé au hasard. Nous travaillons beaucoup avec une grosse attention pour le placement. Le travail physique est plus poussé qu’à Genk. Sergio Brio est un ancien arrière au passé prestigieux aux côtés des géants de la Juventus, dont Michel Platini, et je tâche d’en profiter le plus possible « .

Est-ce une mise au point par rapport à l’analyse moins positive de son potentiel par Sef Vergoossen ? Le jeune homme sourit diplomatiquement :  » J’ai su retenir le regard d’un personnage comme Sergio Brio : j’en suis fier. C’est tout ce qui compte. Ce club a envie de grandir. Tout le monde bosse à Mons. La nouvelle tribune avance. Le président est ambitieux. Mons détient un noyau bien balancé. Il y a de la jeunesse, de l’envie, du métier, une star comme Wamberto. C’est du solide et nous progressons tout le temps. Ce n’est évidemment pas le fruit du hasard. Tout le monde sait désormais que Mons est une noix dure à croquer. Tout le monde connaît son job sur le bout des doigts. Nous pouvons passer du 3-5-2 au 3-4-3 ou 4-4-2 en fonction de la mission à accomplir. Je suis merveilleusement couvert avec AlbertoMalusci et RobertoMirri au centre de la défense. Ils peuvent corriger, quand c’est nécessaire, mes petites erreurs de jeunesse « .

A 12 ans, Muhamet Yoldas opta pour la nationalité belge mais ne prit jamais le chemin du Heysel. Sa progression finira bien par attirer le regard de Fenerbahçe ou de Galatasaray… Mais Muhamet Yoldas sait que tout passera d’abord par une confirmation à Mons où il a signé un contrat de deux ans et demi.

Pierre Bilic

 » A Genk, ils n’imaginaient pas ME REVOIR AUSSI VITE EN D1 « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire