« L’OBJECTIF, C’EST UN TROPHÉE. ET UN QUART EUROPÉEN N’EN EST PAS UN »

Demain, jeudi, un quart de finale en Europa League. Et dimanche, la visite d’Anderlecht. Alors que le stade Jan Breydel est en effervescence, le capitaine retrousse les manches.  » Je vais me battre sur tous les fronts. J’ai horreur de la défaite.  »

Trond Sollied l’appelle le policier de Bruges, le milieu de terrain qui règle la circulation. De temps en temps, il s’aventure en zone offensive, mais 90 % de sa tâche est l’organisation. L’entraîneur norvégien le connaît bien : en 2005, il avait encore été champion avec Timmy Simons. C’était le dernier titre du Club.

De 2002 à 2008, vous avez remporté un trophée chaque année : coupe ou titre. Cette année, une nouvelle coupe est venue garnir votre vitrine. Gagner, qu’est-ce que cela implique ?

TimmySimons : Question difficile. (ilréfléchit) La force mentale intervient, mais ce n’est qu’un aspect parmi d’autres. Revenir rapidement dans le coup après un petit creux, cela joue aussi. Et revenir plus fort, surtout. Après trois matches contre Courtrai, Lokeren et Gand, qui ne nous ont rapporté qu’un point sur neuf, nous nous sommes retrouvés menés dans d’autres matches, mais nous avons chaque fois réussi à inverser la tendance. Contre Besiktas, à deux reprises, même. La résistance… Quoi encore ? (ilréfléchit). Personnellement, j’ai horreur de perdre. Même à l’entraînement. Le contexte est important aussi. Pour gagner, il faut jouer dans une bonne équipe, une équipe mature. Et structurée. Disciplinée. Un bon mélange entre expérience et jeunesse. Un peu de frivolité, aussi. Et de la constance. L’habitude de jouer ensemble. Plus l’équipe reste stable, plus on acquiert des automatismes. Cette saison, le Club a apporté certaines modifications, dans certains secteurs de jeu, mais n’a pas changé huit des dix joueurs de champ.

Matthew Ryan, Thomas Meunier, Oscar Duarte, Brandon Mechele, Laurens De Bock, vous, Victor Vázquez, Lior Refaelov, Tom De Sutter : j’arrive à neuf joueurs qui étaient déjà présents la saison dernière.

Vous voyez. Cette stabilité était déjà de mise durant mes périodes au PSV Eindhoven et à Nuremberg. Avec le club allemand, nous avons terminé 6e, 9e et 10e. Nous n’avons pas remporté de trophée, mais lorsque l’objectif de départ est le maintien et qu’on lutte jusqu’au bout pour une place européenne, on peut parler de saison réussie. Lorsqu’on se connaît, on accepte mieux certaines remarques des partenaires. On peut aussi y aller plus franchement à l’entraînement.

Vous prenez moins de cartons rouges stupides.

(Ilacquiesce) Oui, parce que je suis en confiance. Et que je bénéficie de la confiance de l’entraîneur, des coéquipiers et du club dans son ensemble. Les joueurs sentent lorsqu’ils sont respectés, avec leurs qualités mais aussi leurs défauts. Je suis aussi heureux lorsqu’un coéquipier marque, que lorsque je marque moi-même. Et lorsque c’est réciproque chez les partenaires, c’est souvent bon signe. Le collectif est alors très fort.

 » En play-offs, il faut rester calme jusqu’à la 6e ou 7e journée  »

La qualité du jeu est-elle encore importante ?

Sur toute la saison, j’y accorde de l’importance, mais au final, c’est toujours lié au résultat. On peut nous féliciter pour la qualité de notre jeu, mais sans trophée, on n’est nulle part. Au cours d’une saison, on connaît toujours des hauts et des bas, mais lorsque les prestations restent constantes, on est capable de produire du bon football. Par moments. Pas toujours. Cela se voit au nombre de buts que nous marquons, à la quantité d’occasions que nous nous créons. Ce n’est pas parce qu’on se replie, ou qu’on affronte l’adversaire d’une autre manière, qu’on refuse le jeu. Simplement, il faut neutraliser les points forts de l’équipe adverse, tirer profit de ses faiblesses. Nous jouons peut-être de manière plus directe aujourd’hui, mais c’est aussi un plan de jeu. Comme joueur, c’est difficile de juger la qualité du jeu. Parfois, on sort du terrain en ayant l’impression d’avoir livré une prestation calamiteuse, et en revoyant les images, on se rend compte qu’on n’était pas aussi mauvais qu’on l’avait imaginé. Cela vaut dans les deux sens. Il arrive qu’on soit très satisfait de sa prestation, pour se rendre compte après coup qu’on a commis quelques erreurs qui auraient pu être fatales. (ilrit)

Dimanche, Anderlecht vous rend visite. Lors de la troisième journée des play-offs. Est-ce déjà un match décisif ?

Les confrontations entre adversaires directs sont toujours importantes. Mais mon expérience, après une saison de play-offs, m’a appris que la donne peut changer chaque semaine. Il faut rester calme jusqu’ à la 6e ou 7e journée. Après, on verra où nous nous situerons.

La victoire en Coupe de Belgique vous a-t-elle procuré un adjuvant moral ?

La victoire en elle-même, non. Mais ce que nous avons réalisé cette semaine-là, oui. A Istanbul et à Bruxelles, nous avons livré deux matches d’une intensité incroyable. Avec d’incessants rebondissements. On est passé par tous les sentiments : joie, déception. La pression s’est invitée aux débats. Et les voyages. Nous avons passé une semaine dans les hôtels. Lorsque nous avons été menés contre Besiktas, nous aurions très bien pu jeter l’éponge et nous dire : maintenant, concentrons-nous sur la finale de la Coupe de Belgique, puis sur les play-offs. Mais cette idée ne nous a jamais traversé l’esprit. Lorsqu’on est aussi loin dans les trois compétitions, on ne peut pas privilégier un objectif aux dépens d’un autre.

Même si un déplacement en Ukraine vous attend ?

Et alors ? Ces déplacements nous ont permis de grandir, en tant qu’équipe. Je me souviens que, pendant l’échauffement à Istanbul, Brandon (Mechele) s’est écrié en découvrant l’ambiance hostile dans les tribunes : Faisonslestaire. Dans un premier temps, je me suis demandé : Qu’estcequ’ilraconte, ? Mais, en fait, c’était sublime ! Lorsque le match a commencé, je m’en suis souvenu. Et je me suis dit : nous devons suivre ce gamin ! Avoir autant d’audace à 20 ou 21 ans, c’est magnifique. Finalement, c’est lui qui m’a motivé.

 » En match, c’est à moi de faire passer les consignes  »

A cet âge-là, preniez-vous autant soin de votre corps qu’aujourd’hui ?

Lorsque j’avais 21 ans, je travaillais encore. En football, les séances de fitness ou de musculation n’étaient pas encore entrées dans les moeurs. Les préparateurs physiques concevaient leur job d’une tout autre manière. Aujourd’hui, il ne faut plus seulement savoir shooter et courir, il faut aussi être fort et solide sur ses jambes.

Dans quelle mesure êtes-vous le lien entre le groupe de joueurs et le staff ?

Pendant un match, on essaie d’insister sur certains points, et je dois faire passer les consignes. Des détails. Car chacun sait, dans les grandes lignes, ce que l’entraîneur attend de lui. Le coach ne peut pas parler avec chaque joueur individuellement. Donc, il y a des personnes de contact. Pendant la semaine, nous nous entraînons tactiquement, et l’entraîneur nous demande parfois notre avis. Pas à tout le monde, mais à quelques-uns. Surtout dans l’axe. En tant qu’entraîneur, on peut avoir un bon sentiment vis-à-vis d’un plan de jeu, mais il faut savoir ce que les joueurs en pensent. La défense apprécie-t-elle de jouer cinq mètres plus haut ? Un joueur, en particulier, aime-t-il se rabattre vers le centre du terrain ?

La qualification européenne sera la mission suivante. Pourquoi cette épreuve vous réussit-elle si bien cette saison ?

Je pense que nous avons affronté des équipes qui aiment également jouer vers l’avant. Nous en avons tiré profit. Nous nous sommes montrés assez efficaces devant le but. On en revient au début de l’interview, lorsque nous avons abordé le thème du beau jeu. Pour bien jouer, il faut être deux. Ce n’est pas le cas chaque semaine.

Vous souvenez-vous de vos débuts en Ligue des Champions ?

Non.

Contre Barcelone, au Camp Nou. Vous avez même marqué. 1-1.

(il rit) Un penalty ? En effet. Comment aurait-il pu en aller autrement ?

Vous avez disputé 40 matches de Ligue des Champions. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Je pense que tout le monde pense à ce match en déplacement à l’AC Milan. 0-1. Avec le PSV aussi : Arsenal en déplacement. Au tour suivant, en quart de finale, nous avons été éliminés par Liverpool. Nous avions déjà affronté les Reds en phase de poules. Ce fut une déception. Quatre fois Liverpool en une saison.

Un quart de finale de Ligue des Champions, ce n’est pas beau ?

L’objectif, c’est de gagner des trophées. Et un quart de finale, ce n’est pas un trophée.

Un quart de finale d’Europa League contre Dnipro, ce n’en est pas un non plus, alors ?

Les supporters en parleront sans doute encore dans plusieurs années, mais il faut coupler ce parcours à un trophée concret. Une coupe ou un titre. Plus tard, les supporters diront peut-être : -Tu te souviens, en 2015, lorsque nous avons réalisé le doublé coupe-championnat, nous avions aussi atteint les quarts de finale de l’Europa League…

 » A mon âge, je dois rester dans le rythme  »

Vous accrochez-vous à vos souvenirs sportifs ?

Je n’avais pas complètement oublié Barcelone, mais je pensais que c’était l’Europa League. Ou la Coupe de l’UEFA. J’oublie vite ce genre de choses, c’est vrai.

Visionnerez-vous, cette semaine, l’un des duels précédents contre Anderlecht ?

Non. Je l’ai rarement fait. Les entraîneurs se chargent de rappeler les points essentiels à leurs joueurs.

Est-ce la raison pour laquelle vous ne voulez pas devenir entraîneur ? Vous n’avez pas envie de perdre votre temps à cela ?

Visionner des matches, lorsque je ne dois pas jouer moi-même ? Chez moi, lorsque je n’ai rien à faire, je regarderai, mais sinon…

Dites-vous déjà : cela ne m’intéresse pas ?

Regarder chaque match, non, cela ne m’intéresse pas. Je ne saute pas de joie lorsqu’il y a une soirée de Ligue des Champions à la télévision. Si, au même moment, ma femme a envie de regarder un autre programme, je lui dis : chérie, ne t’en prive pas.

L’Europa League, est-ce le Petit Poucet du football européen ?

Plus à ce stade de la compétition. Avant la trêve hivernale, on pouvait le dire. L’attention médiatique était moindre aussi. Pour un match de Ligue des Champions, il y a vingt caméras. Pour un match d’Europa League, trois ou quatre. Et je trouve cela logique aussi.

Mais cela ne vous empêche pas de jouer le coup à fond. Même si les matches européens attirent moins de monde au stade Jan Breydel.

C’est un autre débat. Ceux qui viennent nous voir, méritent que nous donnions le maximum. Tout le temps. Et dans mon cas : même à l’entraînement. C’est nécessaire : après un jour libre, je sens que la mise en route est plus difficile. Je dois rester dans le rythme.

Deux fois 2-2 contre Anderlecht en championnat. Et la première fois, sans Izquierdo, Gedoz, Vormer… Peut-on en tirer des conclusions ou chaque match est-il différent ?

Ici, chez nous, ils nous avaient directement mis sous pression, et nous avons pris la deuxième mi-temps à notre compte. Et, en finale de la Coupe de Belgique, nous avons dominé dans les 20 premières minutes, alors que nous nous attendions à un début de match difficile.

Lors des coups francs, ils ne seront pas rassurés, vus les antécédents.

(ilsourit) C’est une arme.

Vous avez affronté 17 fois Anderlecht et n’avez gagné que cinq fois.

Ce sont des statistiques. Ils n’ont pas gagné tous les matches. Huit ? A nous de rectifier le tir. Cela peut dépendre de différents facteurs. Nos flancs fonctionnent-ils bien ? Parviennent-ils à déborder nos arrières latéraux ? Où se situe l’espace ? Cela vaut pour eux aussi.

PAR PETER T’KINT / PHOTOS : BELGAIMAGE

 » Entraîneur principal ? Très peu pour moi. Je n’ai toujours pas le diplôme, d’ailleurs.  »

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