L’INVINCIBLE armada

Tous les coaches qui vont affronter les Zèbres se posent la même question : comment battre Charleroi ?

L’effet de surprise n’existe plus et ne peut donc plus servir d’explication. Tout le monde avait souligné la difficulté de confirmer un bon résultat. Mais même là, le Sporting de Charleroi a répondu présent. Et force est de constater qu’après quatre journées de championnat, les Zèbres comptent deux points de plus que la saison passée. Deux victoires et deux matches nuls ont jalonné la route des troupes de Jacky Mathijssen. Devant ces statistiques flatteuses, il était intéressant de voir l’autre côté du miroir, d’analyser la réaction de l’adversaire.

Comment mettre à mal cette phalange à laquelle tout réussit ? Pour tenter d’esquisser une réponse, on a demandé aux coaches des formations ayant déjà croisé la route des Zèbres depuis le mois d’août quel avait été leur plan d’attaque.

1re journée : Charleroi – GBA 2-0

Difficile mission pour les Anversois : se mesurer à une équipe encore auréolée de sa cinquième place en ouverture de compétition n’est jamais chose aisée. Encore moins quand on débute au Stade du Pays de Charleroi. Pourtant, les Zèbres avaient montré leurs limites en Coupe Intertoto contre Tampere (Finlande). Fébrilité ou manque de rythme ?

 » On avait préparé cette rencontre avec tout le sérieux requis « , explique l’entraîneur du GBA, Marc Brys.  » On avait du respect pour ce qu’ils avaient accompli la saison précédente. On savait que l’on allait se trouver devant une formation qui presse l’adversaire et qui le pousse dans ses derniers retranchements, en possession de balle. Ils changent très vite de configuration et disposent d’éléments qui savent faire la différence. De plus, on sait que Mathijssen retire le meilleur de chacun. Il prépare le système en plaçant les joueurs à leur position préférée. Pour les mettre à mal, on devait couper les lignes et essayer d’instaurer un pressing très haut. C’est très important de pousser une équipe dans une position qu’elle n’aime pas. Et Charleroi n’apprécie pas de faire le jeu depuis l’arrière. On devait donc les obliger à le faire « .

Pourtant, lors de la première mi-temps, c’est le GBA qui avait une meilleure possession de ballon.  » Charleroi était très nerveux. Sans doute parce que c’était le début de championnat et qu’il se devait de montrer un aussi beau visage que lors de la saison écoulée. Et par la force des choses, on a pu monopoliser le ballon mais on n’a pas su profiter de cette nervosité défensive. En deuxième mi-temps, cela s’est corsé quand ils ont inscrit le premier but. On sait qu’à 1-0, contre eux, c’est difficile de revenir. Leur organisation est parfaite et ils savent défendre un résultat. Et quand on parvient à passer cette muraille, on tombe sur un très bon gardien « .

Pour contrer les Zèbres, Marc Brys n’avait pas privilégié de marquage individuel même si Majid Oulmers et Nasredine Kraouche étaient particulièrement surveillés et rapidement pris en charge par un médian adverse, que ce soit Karel Snoeckx ou Wim De Decker.  » Mais un système est toujours faible quand on commet des fautes « .

2e journée : Genk-Charleroi 0-0

 » On ne s’adapte jamais à l’adversaire « . Tels sont les propos d’ Hugo Broos, l’entraîneur de Genk. Sous-entendu : c’est à l’adversaire à s’adapter à nous. Et, ô surprise, cela fut pris presque au mot par Mathijssen, qui bloqua tous les points forts de Genk, en se privant d’attaquants axiaux afin de laisser la construction limbourgeoise à des défenseurs centraux à qui cette tâche n’incombe généralement pas et qui doivent également surmonter la surprise de ne pas avoir d’hommes à tenir.

 » Le fait qu’il n’y avait pas d’attaquants devant a constitué pour nous une énorme surprise. Et il a fallu faire avec « , ajoute Broos.  » Charleroi a joué très défensivement en essayant de ne pas encaisser de but. Simplement. Quand je vois comment ils ont évolué face à nous, on ne peut pas appeler cela du football positif. Face à cela, il aurait fallu marquer un but. Et là, l’adversaire aurait dû changer de tactique. Malheureusement, on n’a pas réussi à le faire. Ce n’est par pour autant que leur organisation était sans failles. Toutes les équipes peuvent être prises en défaut. Dire maintenant que Charleroi a déjà réussi sa confirmation, c’est un peu tôt. Attendons la fin du premier tour. Mais ils ont pour eux l’avantage d’avoir déjà pris des points « .

3e journée : Charleroi – Mouscron 1-0

Pour ce troisième acte, Mouscron décide de muscler son milieu de terrain. Car c’est là que se trouvent les clés de la réussite carolo. Ainsi, Geert Broeckaert place trois médians défensifs ( Steve Dugardein, Yassine Benajiba et Patrice Noukeu). Il les aligne en triangle pour contrecarrer les plans de Kraouche, Oulmers et Sébastien Chabaud.

 » C’est clair qu’ils ne sont pas faciles à battre et qu’ils sont organisés, mais ça, ce n’est pas nouveau. Je ne vous apprends rien « , lance Broeckaert,  » Un cuisinier ne donne pas toutes ses recettes. Je ne vous parlerai pas trop de la tactique employée à Charleroi. Car, primo, on est appelé à encore les rencontrer, et secundo, parce que cela me fait bien rire que désormais, on ne parle que tactique. Pour moi, le football, cela reste encore 50 % de chance. On critique Charleroi sur la qualité de son jeu mais on préfère gagner ou développer un football de gala ? Tout ce que je peux dire, c’est que je n’ai en rien modifié mes batteries pour Charleroi. Que ce soit Anderlecht ou un autre team, les entraînements restent les mêmes « .

Pourtant, Broeckaert avait choisi une tactique inédite.  » Oui mais on a perdu. Si Mouscron avait remporté l’enjeu, on aurait dit que j’avais utilisé le bon système. Après une mi-temps, Charleroi n’avait pas disposé d’une seule occasion. Nous, on s’en était procuré trois. Mais, à la fin du match, on loue l’organisation de Mathijssen. Le meilleur tacticien dépend toujours du résultat « .

Certes, Mouscron est reparti bredouille de son déplacement au Stade du Pays de Charleroi mais, pendant une mi-temps, les Hurlus ont mis à la fois la ligne médiane et la défense des Zèbres sous pression. En bloquant notamment la montée des deux défenseurs centraux (grâce à Mustapha Oussalah sur Frank Defays et Adnan Custovic sur Vélimir Varga) et en profitant des défauts de l’arrière-garde (comme la lenteur de Varga, souvent à la peine face à Custovic). Mais il aurait fallu maintenir la pression. Ce que n’a pas su faire Mouscron.  » Et on sait que quand on les laisse jouer, cela devient très difficile « .

4e journée : Brussels – Charleroi 2-2

Contrairement aux autres équipes, le Brussels décide de ne pas changer son système d’un iota. Un 4-4-2 rodé avec deux médians centraux ( Alan Haydock et Richard Culek) censés s’occuper à la fois de la récupération et de l’animation offensive. Après avoir pris Charleroi à son propre piège en partant en contre et après avoir pris l’avantage, le Brussels avait subi un retour de manivelle avec les réalisations de Grégory Christ et François Sterchele. Mais contrairement à la saison passée, le Brussels avait réussi à revenir au score.  » Notre première orientation, c’est de jouer sur nos points forts « , analyse Albert Cartier.  » Pendant la semaine précédant le match, on essaie de peaufiner notre système et les trois quarts de notre préparation sont axés là-dessus. Mais ce n’est pas sous-estimer l’adversaire que d’essayer de développer notre jeu. On devra l’appliquer une saison alors que l’adversaire change chaque semaine. Il ne faut pas bouleverser nos habitudes « .

Pourtant, si Albert Cartier tente de sublimer ses hommes, il n’oublie pas de regarder l’adversaire.  » C’est Patrick Wachel qui recueille les informations et on aborde rapidement les points forts de l’équipe d’en face. Mais ce n’est pas une obsession. Mes joueurs doivent simplement savoir ce que j’attends d’eux « . Une approche à l’opposé de celle de Mathijssen.  » Pas vraiment. Il n’y a pas qu’un système pour gagner. Quand on regarde les dernières rencontres de Charleroi, on peut y retrouver une organisation de base et, à côté de cela, différentes options de jeu. Fondamentalement, Mathijssen ne modifie pas son organisation de base « .

Pourtant, Cartier avait insisté sur certains points pour contrer Charleroi.  » On sait que cette équipe essaie de vous aspirer et de forcer la perte de balle. Ils patientent pour finalement vous prendre à contre-pied. Mais, on peut s’attendre à un scénario et voir la tournure de la rencontre s’orienter vers un tout autre aspect. On a, par exemple, été particulièrement surpris de voir les Carolos prendre le jeu à leur compte, surtout en deuxième période « .

Et l’entraîneur du Brussels de ne cesser de tarir d’éloges envers Jacky Mathijssen :  » Il est très compétent et il a une bonne analyse du foot. Il connaît les contraintes du football moderne et c’est avec des entraîneurs comme cela que le football belge progressera. On parle souvent du jeu de Charleroi comme étant négatif mais pour moi, ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, le noyau dispose de joueurs très, très créatifs avec Oulmers, Kraouche, Orlando ou Toni Brogno. Il suffit de les avoir vu évoluer contre nous pour apprécier leur système, qui est basé sur la réalité. Ils ne se bercent pas d’illusions « .

GRAPHIQUE A : Charleroi bloque

Ici, c’est Charleroi qui s’est adapté à son adversaire. En bloquant les flancs, les Zèbres privaient les ailiers d’apport offensif et obligeaient les défenseurs centraux à construire et à passer par le centre, fonçant en plein dans la toile d’araignée.

Graphique B : Charleroi est bloqué

Mouscron avait placé trois médians récupérateurs sur les trois créateurs carolos. En disposant trois attaquants, les Hurlus ont maintenu la défense carolo dans son camp.

Stéphane Vande Velde

 » PAS DE TUYAU : ça reste 50 % de chance  » (Geert Broeckaert)

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