L’interrogation Dirar

Dommage : avant d’être rattrapé par une affaire disciplinaire (crachat sur adversaire), le Belgo-Marocain était vraiment bien parti…

Une nouvelle liberté  » hollandaise « 

Peter Balette (entraîneur adjoint du Club Bruges) :  » Nabil Dirar continue sur la lignée de la fin de saison dernière. Il se sent bien dans sa peau, cela se voit aux entraînements et à sa joie de jouer qu’il dégage. Lors du match contre Lahti au 3e tour qualificatif de l’Europa League et dans les victoires en championnat contre Charleroi et Lokeren, il avait clairement un rôle prépondérant avec des assists et un but. Il a bien profité de ces débuts en fanfare. Nous devons encore chercher sa meilleure position. Que ce soit en 4-4-2 ou en 4-3-3, le nouvel entraîneur l’a déjà fait évoluer quelques fois devant aux côtés de Joseph Akpala pour obtenir plus de vitesse et de profondeur dans le jeu. Contre Lokeren, il a occupé une position de numéro 10 derrière les attaquants, ce qui ne lui a visiblement pas déplu. Il y jouit de davantage de liberté que s’il est placé à gauche ou à droite de l’échiquier. Sur le flanc la saison dernière, son attention se portait souvent davantage sur son travail défensif que sur l’apport offensif. Parfois, Nabil travaille trop ! Il sait qu’il dispose des qualités physiques et techniques pour mener sa barque au-delà de nos frontières et commence à comprendre que s’il arrive à retirer plus de rendement de ses actions individuelles et à les ponctuer par plus de buts, il sera lancé. La saison dernière, nous avons beaucoup travaillé avec lui sa réception du ballon et l’usage immédiat qu’il en fait. En ce qui concerne l’efficacité du geste, il reste une marge de progression importante à Nabil.

En zone de vérité, il pourrait devenir un peu plus égoïste, car il dispose d’une frappe magnifique. Jusqu’à présent, il s’est davantage montré comme l’homme de la passe décisive ( la saison dernière, il figurait même dans le top 3 des pourvoyeurs d’assists de la Jupiler Pro League, juste après Franck Berrier et Mbark Boussoufa). Déjà à Westerlo il n’en allait pas autrement. De plus, il retire autant de satisfaction à donner la dernière passe qu’à marquer lui-même.

En tous les cas, Nabil se montre ouvert avec ses entraîneurs et ses coéquipiers : il est avide d’apprendre et contribue à améliorer son style de jeu et son rendement. Il a un caractère explosif et cela lui arrive de se lâcher à l’entraînement mais dans l’ensemble il arrive à se contrôler. Son tempérament de feu est par ailleurs l’une de ses qualités. En fait, Nabil est un mec avec un grand c£ur. Mais il arrive toujours à la dernière minute aux rendez-vous. C’est comme s’il le faisait exprès… ( il rit).  »

Nabil Dirar :  » Les gens me sollicitent parfois pour des photos ou des autographes, et sinon c’est le trafic qui me ralentit. Ce n’est pas toujours évident de savoir combien de temps je mettrai pour me rendre à Bruges depuis Bruxelles. Mais il arrive aussi que je sois à l’heure, vous savez. Lorsque j’ai besoin d’un bon massage par exemple ( il sourit). Je veux apprendre des erreurs commises lors de ma première saison à Bruges. Je joue différemment aujourd’hui, c’est vrai. C’est dû à moi, à la manière dont l’équipe évolue et au nouvel entraîneur. Ma première année brugeoise m’a un peu changé. Lorsque cela ne tournait pas rond pour le Club, j’avais tendance à vouloir forcer tout seul la différence mais je me rendais compte que ce n’était pas possible. J’ai alors commencé à jouer plus simplement, ce qui explique ma fin de saison en boulet de canon. Aujourd’hui, je veux dérouler un football plus simple et prendre des décisions plus rapidement devant le but adverse.

Il est évidemment plus facile de jouer sous le nouvel entraîneur. Je dois moins défendre, ce qui me permet de me dépenser plus en attaque. Même si l’on me positionne sur le flanc comme l’an dernier, je me sens plus libre et je contribue davantage au rendement offensif de l’équipe. Adrie Koster insuffle plus de mouvement et une pression plus haute sur l’adversaire, et nous demande de combiner davantage : on sent que l’on dispute chaque match pour le gagner. Le style néerlandais et son fameux 4-3-3 me conviennent parfaitement. Ce qui ne gâche rien : Koster était lui aussi un ailier droit et tente de partager son expérience avec moi. L’an dernier, je ne savais pas toujours exactement ce qu’on attendait de moi.  »

 » Le nouvel entraîneur m’a aussi dit que je devais me montrer moins altruiste. – Si tu es devant le goal et que tu peux frapper, tu dois le faire car tu possèdes un tir dangereux, m’a-t-il dit. Je dois reconnaître qu’à l’entraînement, je tire davantage au but et je marque beaucoup. Je veux donc également corriger cet aspect cette saison.  »

Une formation sauvage mais totale

Anthony Foerster (un ami de Nabil qui joue à Uccle) :  » Toutes proportions gardées, on peut comparer Nabil à Cristiano Ronaldo : lui aussi dribblait beaucoup trop avant. Ce sont des joueurs qui, au cours de leur carrière, apprennent à tirer plus de rendement de leurs actions parfois spectaculaires. Nabil dribble moins à présent. Ce qui joue également un rôle, c’est que Dirar n’a pas bénéficié de la structure de formation des grands clubs. Je l’ai connu au parc d’Etterbeek lorsqu’il avait 16 ans. Il est parti de rien pour percer d’abord à Diegem puis à Westerlo. Partout où il est passé, il a montré une faculté d’adaptation et de progression quel que soit le niveau, ce qui donne l’impression qu’il réussit partout sans peine. Nabil dispose de la technique, la vitesse, la puissance et est bon des deux pieds. C’est un joueur complet comme on en compte très peu dans notre championnat. Ce que je retiens de notre jeunesse, c’est qu’il voulait jouer au foot 7 jours sur 7, à tout moment de la journée. Lorsque nous restions un peu à la maison, lui allait s’entraîner tout seul. A présent qu’il a trouvé ses marques au Club et qu’il bénéficie de la confiance de tous, je pense qu’il est parti pour briller lors de sa deuxième et selon moi dernière saison à Bruges. On sent qu’il est devenu plus important pour l’équipe et qu’il apporte plus de mouvement dans le jeu. Je suis convaincu que pour lui le meilleur reste à venir.  »

Nabil Dirar :  » Le fait que je vienne de nulle part et que j’aie combiné ou alterné pendant longtemps le football et le mini-foot a indubitablement contribué à ma progression. Mes dribbles sont un peu différents de ceux des autres, parfois on peut observer chez moi des réflexes qui proviennent de la pratique en salle, comme le contrôle de la semelle. Le dribble est ma qualité footballistique numéro 1, mais jusqu’en Juniors à Diegem, j’étais un vrai égoïste. A l’époque, je donnais moins d’assists et marquais plus de buts. Je me souviens encore que j’avais environ 15 ans et que mes amis venaient me voir, que je dribblais toute l’équipe adverse pour encore ponctuer l’action moi-même ( il sourit). A Westerlo, Herman Helleputte m’avait initialement écarté de l’équipe Première parce que je dribblais trop. A l’entraînement, il faisait en sorte que tout le monde soit démarqué de façon à ce que le seul choix qui me restait était de jouer en un ou deux temps. Cela a mis du temps mais j’ai au fur et à mesure appris à me fondre beaucoup plus dans un collectif.  »

Une force mentale impressionnante

Kardo Ceza (un ami qui jouait à Walhain la saison dernière) :  » Nabil est un phénomène. Je l’ai rencontré à l’école lorsque ma famille est arrivéé en Belgique en 1998. Il a partout et tout le temps été le meilleur et aujourd’hui, au top niveau belge, il montre qu’il a quelque chose de spécial. Nabil joue comme un Brésilien. Il a commencé par le foot de rue pour le plaisir sans se douter qu’il arriverait un jour en D1. Nous vivions à la limite de la pauvreté, portant pour ainsi dire le même pantalon pendant un an ( il rit). Lorsqu’il était chez les jeunes à l’Union Saint-Gilloise, Charleroi s’est intéressé à lui, mais c’était trop loin… Nabil a entre-temps prouvé qu’il était très fort, mentalement aussi, comme lors de la période délicate traversée par le Club l’an dernier. Le public s’est pendant quelques matches retourné contre lui parce qu’il y avait des tensions entre lui et quelques joueurs populaires, mais il est resté serein. Il a prouvé que les 2 millions d’euros payés par le Club pour ses services n’étaient pas exagérés. Son style de jeu est resté le même mais il devient plus efficace. Comme médian latéral, il est plutôt passeur que marqueur mais je ne vois pas pourquoi il n’inscrirait pas 8 à 10 buts par saison au sein d’un onze qui tourne bien. Selon moi, mon pote arrivera beaucoup plus loin que le championnat belge. Contre le FC Valence l’an dernier, il a montré qu’il avait le niveau pour évoluer en Liga mais j’aurais une nette préférence à le voir jouer en Bundesliga, où beaucoup de clubs pourraient utiliser à bon escient ses qualités techniques.  »

Nabil Dirar :  » Ce que j’ai appris lors de la mauvaise passe de la saison dernière, c’est que je me mettais beaucoup trop la pression. Je voulais en faire trop, trop dribbler et du coup je perdais beaucoup de ballons. Il y avait aussi des tensions dans le vestiaire, des mots furent échangés, certains joueurs se sont permis de me critiquer. Moi j’étais quelque peu énervé et lorsqu’un journaliste m’a appelé je n’ai pas pu me retenir. Les supporters m’ont alors fait comprendre en me sifflant pendant les rencontres qu’ils n’appréciaient pas que je déballe les problèmes du Club sur la place publique. Je les comprends, ce n’était pas une période facile pour nos fans.

Mais j’ai prouvé que je pouvais résiter. Je ne suis pas du genre à déprimer. Je sais d’où je viens : si je suis devenu footballeur professionnel, c’est surtout parce que j’ai continué à croire en mon étoile et à bosser dur dans les moments plus difficiles. Ma confiance en mes qualités est grande et je peux toujours compter sur la famille et les amis pour me soutenir lorsque le besoin s’en fait sentir. Je donne toujours le maximum de moi-même. Il peut m’arriver un jour sans, comme tout le monde, mais personne ne peut affirmer que je n’ai pas fait de mon mieux. Lorsque je perds une balle, je poursuis mon adversaire pour la lui arracher. Et je le fais avec plaisir, car je rencontre beaucoup de gens qui rêvent de pouvoir exercer mon métier.

Je sais que je peux encore progresser. En ce qui concerne les assists, je suis peut-être au top mais pas en ce qui concerne mon compteur de buts. Si je deviens un peu plus égoïste, dans le bon sens du terme évidemment, je pense pouvoir inscrire au moins huit buts sur une saison. Kardo me demande souvent : – Pourquoi n’as-tu pas tiré au but lors de telle ou telle phase ? Il est comme un frère pour moi et sait qu’en jeunes, je shootais beaucoup plus au but, même à distance, et que j’étais diablement plus productif en goals. Ce sentiment d’alors m’a un peu quitté, je le remarque, mais je reprends conscience que mon efficacité dans le rectangle adverse doit augmenter, ma prise de décision doit être plus rapide tout comme le temps de déclenchement de mes tirs. Je suis conscient que c’est ce qui manque à mon jeu et je fais tout pour y remédier.

Si vous me demandez mon plus grand rêve, je vous réponds jouer en Angleterre. Bien sûr la Bundesliga est relevée et je ne dirais pas non à un club de Liga, mais la Premier League m’attire davantage. La compétition aux Iles est un peu un mélange de tout. Peu m’importe dans quel club, le fait d’affronter les grandes équipes me réchaufferait déjà le c£ur ( il sourit). Cela doit être fantastique. Heureusement, je ne suis pas du genre à être stressé à l’heure d’aborder une rencontre importante. Ma manière de penser lors de la préparation d’un match est toujours la même : chaque rencontre se joue sur une pelouse, avec une balle ronde, un arbitre et un adversaire. Je n’estime pas nécessaire d’analyser le potentiel de l’opposant et de calculer nos chances de victoire. Contre n’importe quelle équipe, mon style de jeu est le même. Je crois en moi-même et je n’ai peur de personne.  »

par christian vandenabeele- photos: reporters

« Aujourd’hui, je veux dérouler un football plus simple. (Nabil Dirar) »

« Nabil est un peu comparable à C. Ronaldo.

(Anthony Foerster, un ami) »

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