L’instabilité de Mouscron

Les démissions du président et du directeur général confirment que l’Excel est le club le plus instable de D1. A tous les niveaux.

Le communiqué diffusé en début de semaine dernière par l’Excelsior Mouscron a étonné : La direction du Royal Excelsior Mouscron vous informe de la démission de son Président, Philippe Dufermont. Pour des raisons liées à la structure de ses sociétés lui imposant des déplacements de plus en plus fréquents à travers les continents, Philippe Dufermont a déclaré au Conseil d’Administration son souhait de se mettre en retrait de la gestion quotidienne du club. Sa démission en tant que Président est donc provisoire. Il reste cependant membre du Conseil d’Administration et continue à apporter son soutien inconditionnel au club.

Benoît Roul, Directeur Général du REM, a suivi le même chemin que Philippe Dufermont. Pour des raisons personnelles, il a émis le souhait de démissionner de son poste mais reste membre du Conseil d’Administration.

Philippe Dufermont était président du club depuis mars 2007 et semblait plein d’enthousiasme. Benoît Roul était aussi une pile électrique au service de l’Excel.

Si on s’en tient à cette version officielle, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. On y lit d’ailleurs que le nouveau président, Jean-Pierre Dufermont (cousin de Philippe), gardera le même fil conducteur que celui tracé par son prédécesseur. Pas de panique, donc ? Très vite, des questions clés ont surgi.

Philippe Dufermont voyage-t-il vraiment plus pour ses affaires que dans le passé ? En mars dernier, il déclarait dans Vers l’Avenir :  » Je passe six mois par an à Valence, cinq mois en Chine et un mois entre le Portugal et la Belgique « . Il n’a jamais été assidu au Canonnier et il n’y a donc – à ce niveau-là – rien de nouveau qui justifierait cette démission soudaine.

Comment se fait-il que des raisons personnelles poussent Benoît Roul à quitter son poste justement au moment où le président se retire ? Drôle de coïncidence.

Comment mener à bien un vrai projet sportif en changeant aussi souvent les têtes ? Chaque année, ça bouge énormément au Canonnier : dirigeants, entraîneurs et joueurs défilent.

Philippe Dufermont continuera-t-il effectivement à apporter tout son soutien (notamment financier, comme précisé plus loin dans le même communiqué) au club alors qu’il n’en est plus le patron ? C’est évidemment la question cruciale. S’il ne le fait pas, on ne donne pas cher de la peau de l’Excel. Un proche du club nous dit :  » Dufermont en a complètement marre, il va vite couper le robinet. Et il y a encore des contrats de dingues dans le groupe. L’Excel ne terminera pas la saison ! « 

Dans le Hainaut Occidental, les rumeurs partent dans tous les sens mais l’ex-président y fait face.

L’Espagnol payera toujours mais veut se faire aider

Alfred Gadenne, le bourgmestre CDH de Mouscron, n’a pas été vraiment surpris par l’annonce de la démission du président :  » Au cours des derniers mois, il m’a plus d’une fois avoué son découragement. Il ne comprenait pas pourquoi plusieurs gros sponsors avaient quitté le club après son arrivée à la présidence et l’avaient laissé seul « .

Philippe Dufermont tempère :  » Je ne parlerais pas de découragement, plutôt d’une expérience inoubliable. C’est vrai qu’il y a des moments où je me demande ce que je suis venu faire dans cette galère, mais je reprends très vite le dessus « .

L’ancien président cloue aussi le bec à ceux qui voient dans sa démission un premier pas vers une sortie définitive qui pourrait signifier la mort du club :  » Il n’y a vraiment pas de raisons cachées à mon départ. C’est simplement une décision de travail. Je ne pouvais plus tout assumer à distance. On me téléphonait pour un oui, pour un non. Concernant la tonte du terrain, par exemple. Des femmes de ménage voulaient me parler. Les sponsors souhaitaient que je sois à leur table les soirs de matches. Je passais encore plus de temps dans les avions pour être le week-end au stade. Tout cela m’épuisait. Le 5 juillet, j’ai eu 56 ans. Ce jour-là, j’ai eu un flash, je me suis dit que je devais changer quelque chose dans ma vie, me calmer un peu. Il ne faut pas chercher plus loin. Le timing me paraît logique : je décide de prendre du recul à un moment propice. Le noyau pour la saison prochaine est en place, tout le monde est tranquille, relax « .

Reste à voir si Philippe Dufermont restera le mécène du club en n’étant plus son patron officiel.  » Pas de problème, rien ne va changer. Je serai toujours là pour combler les trous comme je l’ai fait quand il a fallu effacer les dettes du passé. J’aimerais seulement que d’autres personnes prennent aussi leurs responsabilités, qu’on arrête de compter uniquement sur moi. On a trop tendance à dire : -S’il y a des trous, l’Espagnol les bouchera. Un club, c’est une ville, une région : il faut que certains acteurs importants le comprennent et l’assument « .

Instabilité dans les bureaux : 5 présidents en 3 ans

A Mouscron, on s’est habitué à jouer à la chaise musicale avec le fauteuil du président. Le long règne de Jean-Pierre Detremmerie s’est terminé en juin 2005, puis les présidents ont défilé.

1. Edward Van Daele de juin 2005 à novembre 2006.

2. Francis D’Haese de novembre 2006 à mars 2007.

3. Philippe Dufermont de mars 2007 à juillet 2008.

4. Jean-Pierre Dufermont depuis la semaine dernière.

L’autre poste clé, celui de directeur général, a aussi été fort bousculé.

1. Roland Louf d’avril 2004 à septembre 2005.

2. Alain Tirloit de novembre 2005 à septembre 2006.

3. Roland Louf d’octobre 2006 à décembre 2006.

4. Benoît Roul de mars 2007 à juillet 2008.

Quand il y a autant de mouvements, il est évidemment difficile de suivre une ligne directrice et de travailler sur le long terme. On parle un jour d’ancrage économique régional, le lendemain d’internationalisation du club -on se souvient des discussions avec un investisseur américano-russe puis des négociations avec les douteux investisseurs kazakhs. On évoque une équipe à coloration locale puis ce sont des joueurs étrangers qui débarquent par charters entiers. Où en est le Futurosport, une des £uvres de la vie de Jean-Pierre Detremmerie ? Il n’appartient même plus à l’Excel : il a été racheté par l’intercommunale IEG – encore une bouée de sauvetage pour le club. Une énième nécessité financière, mais surtout tout un symbole.

 » Pour moi, tous ces changements n’ont rien d’inquiétant « , affirme Philippe Dufermont.  » Tout ce qui s’est passé avant mon arrivée, je n’y suis pour rien. Après Jean-Pierre Detremmerie, il y a eu des présidents qui n’avaient pas les possibilités financières pour faire vivre le club. En fait, j’aurais dû être directement le successeur naturel de Detremmerie. Aujourd’hui, je confie les clés à quelqu’un que je connais bien. A partir du moment où j’ai dit que j’allais quitter la présidence, il était normal que Benoît Roul me suive. Sans moi, sa présence n’avait plus beaucoup de sens. Nous sommes liés par différentes choses, pas seulement par le football. Il reste dans le club et gèrera toujours les relations de l’Excel avec la Fédération. Mais pour faire son boulot de directeur, il y a désormais le nouveau président. Et Mouscron n’emploie plus de personnel inutile. Il n’y a plus que sept ou huit personnes pour le boulot administratif, c’est la moyenne pour un club bien géré « .

Instabilité dans le staff : 10 entraîneurs en 6 ans

Pour trouver trace du dernier coach qui est resté en poste à Mouscron pendant une saison complète, il faut retourner à la saison 2003-2004 : Georges Leekens. Depuis quatre ans, plus aucun entraîneur n’y est parvenu. On se rend mieux compte aujourd’hui que Hugo Broos avait réussi un véritable exploit en restant aux commandes de l’équipe pendant cinq années d’affilée.

1. Saisons 1997-2002 : Hugo Broos.

2. Saison 2002-2003 : Lorenzo Staelens.

3. Saison 2003-2004 : Georges Leekens.

4. Saison 2004-2005 : Philippe Saint-Jean/ Geert Broeckaert.

5. Saison 2005-2006 : Geert Broeckaert /Gil Vandenbrouck/Paul Put / Gil Vandenbrouck.

6. Saison 2006-2007 : Gil Vandenbrouck / Ariel Jacobs.

7. Saison 2007-2008 : Marc Brys / Enzo Scifo.

8. Saison 2008-2009 : Enzo Scifo.

Depuis 2004-2005, ce club se traîne systématiquement dans la deuxième partie du classement, quand il n’est pas carrément impliqué dans la lutte pour le maintien. Mais comment faire autrement quand on vire des hommes qui semblent avoir un vrai projet sportif sur le long terme, comme Saint-Jean ou Brys ?  » J’assume Brys « , dit Philippe Dufermont.  » Sa venue a été ma première décision, alors que je n’étais pas encore président. J’appellerais ça le premier fruit de ma totale inexpérience. Il n’avait pas le bon profil. Aujourd’hui, je ne l’engagerais plus parce que je m’y connais déjà mieux « .

Instabilité dans le noyau : 50 transferts en 16 mois

Entre son arrivée à la présidence (mars 2007) et son départ (juillet 2008), Philippe Dufermont a complètement chamboulé le groupe de joueurs lors de chaque période de transferts.

Eté 2007

In :Jérémy Sapina, Alexis Allart, Drazen Govic, Mustapha Oussalah, Carles Coto, Marco Bernabé Ballester, Miguel Palencia Calvo, Jacobo.

Out :Olivier Besengez, Mathijs Blancke, Jeroen Blancke, Yohan Brouckaert, Romain Haghedooren, Kevin Hatchi, Demba Ba.

Janvier 2008 :

In :Hamdi Harbaoui, Walter Baseggio, Gonzague Vandooren, Alin Stoica, Zvonimir Deranja, Jan Slovenciak, Jonathan Walasiak, Asanda Sishuba.

Out :Alioune Kébé, Alexis Allart, Drazen Govic, Michael Descamps, Paco Sanchez, Jacobo.

Eté 2008

In :Jaycee Akwani, Sven De Volder, Mamadou Diakité, Chemcedine El Araichi, Christophe Lepoint, Bossilia Sakanoko.

Out :Jean-Philippe Charlet, Carles Coto, Zvonimir Deranja, Steve Dugardein, Karim Fellahi, David Grondin, Hamdi Harbaoui, Jérémy Huyghebaert, Mickaël Niçoise, Christophe Martin, Jacobo, Miguel Palencia Calvo, Alin Stoica, Adolph Tohoua, Geoffray Toyes.

Philippe Dufermont a avalisé la venue d’une bonne quinzaine de nouveaux joueurs sur ses deux premières périodes de transferts. Et le pourcentage de réussite n’est pas élevé. Si on enlève Sapina, Baseggio, Vandooren, Walasiak, voire Sishuba, il ne reste pas grand-chose. Il y a aussi eu le crash des quatre joueurs espagnols et celui de Stoica.

 » Le noyau actuel est sensationnel « , dit-il.  » Personne ne voulait quitter Mouscron, c’est un signe qui ne trompe pas, ça veut dire que l’ambiance est extraordinaire. Tout comme le staff est fantastique. Je suis persuadé que fin septembre, ou fin octobre, on verra que nous avons pris toutes les bonnes décisions « .

Juin 2009 : nouvelle échéance personnelle

Le montage actuel est-il tenable à long terme ? Peut-on imaginer que le gros sponsor du club continue à cracher en n’ayant plus qu’une casquette de simple administrateur ? Philippe Dufermont ne prépare-t-il pas sa retraite ?  » Ma nouvelle échéance, c’est juin 2009. Je ferai un nouveau point à ce moment-là. Si les résultats sont bons, cela voudra dire que j’aurai bien travaillé et je devrais donc continuer mon investissement. Par contre, si ça ne tourne pas sur le plan sportif, je devrai tirer mes conclusions : je ne suis pas compétent et je n’ai donc plus rien à faire dans ce milieu « .

par pierre danvoye

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