L’incroyable HULK

Au Zenit, prochain adversaire d’Anderlecht en Ligue des Champions, il y a Axel Witsel et Nicolas Lombaerts mais il y a surtout Hulk. Comme le géant vert. Portrait de celui qui est devenu il y a deux mois, le septième transfert le plus cher de l’histoire du football.

C’est SirAlexFerguson lui-même qui l’affirmait :  » Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi Hulk n’est pas convoqué avec le Brésil. Il est puissant, rapide et il a un canon à la place de la jambe gauche. C’est fou !  » Fou, mais vrai. Été 2011, Hulk ne joue pas la Copa America. A sa place, le sélectionneur brésilien ManoMenezes a préféré faire confiance à l’ancien lyonnais Fred. Oui, la charrette avec une afro. Une mauvaise blague qui avait le don de rendre fou Mano, le premier entraîneur de l’attaquant au nom de super héros :  » Prendre Fred à la place d’Hulk, franchement, c’est vraiment du foutage de gueule…  » Impossible de donner tort à Mano. Après tout, à l’époque, Hulk sort d’une saison durant laquelle il a remporté, avec le FC Porto, la supercoupe du Portugal, la coupe du Portugal, le championnat du Portugal, et la coupe de l’UEFA. Le tout en finissant meilleur buteur de la Superliga, avec 23 buts en 26 matchs. Son ex-entraîneur, AndréVillasBoas, se chargeait de placer la cerise sur la gâteau :  » Je ne vais pas faire de commentaire. Je vais juste poser une question : à l’heure actuelle combien de joueurs sont capables de finir meilleur buteur d’un championnat européen tout en respectant le public, l’enjeu, le spectacle et les consignes de l’entraîneur ? A mon avis, il n’y en a pas beaucoup…  »

Alors, c’est quoi ce Hulk ? D’abord, un môme de la favela JoséPinheiro, dans la zone Est de Campina Grande. C’est là que le jeune GivanildoVieiradeSouza est né, seul garçon d’une famille qui compte six filles. C’est là aussi qu’il a trouvé son incroyable surnom. Auto-déclaré responsable de la télécommande de la télévision familiale en raison de son ascendant masculin, le gosse rouille des heures devant les aventures du gros mec vert.  » Dès que les épisodes étaient finis, il venait me voir, mimait le géant vert, et criait :- Je suis Hulk . Je lui répondais : – Mais oui, c’est ça, tu es Hulk. « , se souvient sa mère MariadeSocorro. A trois ans, sa vocation est faite : il fera super héros.  » Je voulais devenir Hulk, sauver des gens et soulever des voitures à la force de mes bras. C’est le métier que je voulais faire mais il n’y avait pas d’études pour ça  » , sourit aujourd’hui l’attaquant du Zenit. Finalement, seul le surnom restera de ce destin frustré.  » Au bout d’un moment, ma mère m’a dit d’arrêter de le surnommer comme ça sinon, tout le monde allait l’appeler ‘Hulk’ dans la rue. Et elle a eu raison, ça n’a pas loupé…  » , se souvient quant à lui SeuGilvan, le père.

Garçon boucher

Alors que son fils a 7 ans, Gilvan se charge donc de le ramener sur terre et l’oblige à l’accompagner sur le petit stand de la boucherie familiale de la Feira Central, le plus grand marché de la ville. Entre les deux hommes de la maison, le deal est simple : si Hulk veut jouer au football, il doit d’abord découvrir le sens de l’expression  » pénibilité du travail « . A savoir : réveil à 3 h du mat’, équarrissage des carcasses de b£ufs, joie de la découpe. Dur.  » Je découpais de gros quartiers de viande et lui, il devait en faire des petites portions en les passant sur une sorte de scie électrique, se rappelle Seu Gilvan. J’avais un peu peur qu’il se fasse mal, mais Dieu merci, il ne lui est jamais rien arrivé.  » Au contraire. Avec du recul, le garçon boucher avoue aujourd’hui que son travail de forçat au contact de la bidoche lui a été particulièrement bénéfique. Ça lui a, entre autres choses, permis de faire des économies dans les salles de muscu :  » Pendant six ans j’ai porté, levé, déplacé et découpé des carcasses tous les jours. Il y a des fois où je pleurais toutes les larmes de mon corps tellement j’en avais marre. Ce n’était pas drôle, mais au moins j’ai travaillé le foncier sans m’en rendre compte.  »

Tant et si bien que sa dégaine de bodybuilder est aujourd’hui devenue un cas d’étude. Le joueur explose régulièrement toutes les batteries de tests auxquels il est soumis. Avant son transfert, il était ainsi le joueur le plus rapide, le plus résistant, mais aussi celui qui possédait la meilleure détente sèche -1,5m !- du championnat portugais. Hulk est même devenu le sujet d’étude favori des spécialistes en biomécanique et génétique de l’université de Porto. Leur conclusion est sans appel : s’il fallait créer un être humain physiologiquement parfait, le moule du corps de Givanildo Vieira de Souza ferait largement l’affaire.  » Il a des capacités d’accélération et une force explosive qui le propulsent à une vitesse très élevée et ce dans un court laps de temps. S’il n’avait pas été footballeur, il aurait pu être sprinter, ou footballeur américain. En fait, il aurait pu exercer n’importe quel sport à très haut niveau « , admire JoséAugustoSantos, spécialiste en biomécanique à l’université de Porto. Son confrère FilipeConceiçao abonde :  » Ce qui est étonnant dans son cas, c’est qu’il est capable de reproduire des courses longues à très grande intensité qui nécessitent non seulement de l’endurance mais surtout beaucoup de résistance. C’est un athlète parfait.  » Lorsqu’on lui fait part de ces questionnements, Maria de Socorro, maman Hulk, hausse les épaules : à l’écouter, l’explication de la force de son fils est on ne peut plus simple :  » Hulk a tété mon sein jusqu’à ses trois ans et demi. Alors la science peut dire ce qu’elle veut, mais le secret de la force de mon fils se cache dans mon soutien-gorge.  »

Futebol e companhia

Longtemps, peu ont cru dans le pouvoir des seins de Maria de Socorro. Jusqu’à l’arrivée providentielle de JoséAntonioCosta, Mano pour les intimes.  » Quand il avait dix ans, son père, qui est un ami, m’a demandé de le prendre avec moi dans l’école de foot Futebol e companhia. C’était une des meilleures structures de la région mais la mensualité coûtait cher, 150 reals (environ 65 euros, ndlr) . Au début, il m’a proposé de payer la moitié. J’ai accepté, mais il n’a payé qu’un seul mois, il n’avait pas les moyens… Quand on a vu le potentiel du gamin on a vite fait une croix sur l’argent. Les dirigeants l’ont laissé jouer gratuitement. Sur 160 enfants, c’est le seul qui ne payait pas « , se souvient son protecteur. Pendant des mois, Mano prend le jeune Hulk sous son aile, allant même jusqu’à lui programmer des séances d’entraînement individuel. Les premiers résultats ne tardent pas à se voir.  » Je faisais en sorte que les autres jouent en fonction de lui. J’organisais même des exercices physiques pour lui faire travailler les phases offensives. Je choisissais un gamin pas trop maladroit qui devait jouer en une-deux avec lui et ils devaient faire face à trois, voire quatre défenseurs. C’est comme ça qu’il a appris à se débarrasser de plusieurs joueurs à la fois, ça l’a fait beaucoup progresser dans les duels « , récite Mano, tout ému.

À 13 ans pourtant, Hulk est recalé du centre de formation des Corinthians Alagoano, un endroit par lequel sont notamment passés Deco et Pepe. DoEgito, le premier agent de l’adolescent imberbe, a alors une idée folle : il l’envoie au Vilanovense portugais. Voilà Hulk seul en Europe, avec ses muscles, son couteau et un visa touristique. Une belle plaisanterie.  » Mon ami, qui était président du club, aurait bien voulu le garder, mais il était mineur et n’avait pas les papiers nécessaires. Pour le légaliser il aurait fallu que quelqu’un de sa famille reste avec lui au Portugal, mais le père d’Hulk n’avait pas d’argent et le club n’avait pas non plus de quoi le prendre en charge « , se défend l’agent. De retour à la case départ, Hulk arrive néanmoins à intégrer le centre de formation du Sao Paulo FC, où il finit meilleur buteur des moins de 17 ans. Mais là encore l’histoire finit mal, cette fois-ci pour une sombre histoire de contrat et de commission d’agents.  » Nous avons eu un désaccord financier avec le club, lance Do Egito. Il était prévu qu’au bout d’un an, ils devaient nous payer 45 000 reals (un peu moins de 20 000 euros, ndlr) s’ils voulaient le conserver. Comme ils ont refusé, je l’ai amené au Vitoria de Bahia, où Hulk a pu signer son premier contrat pro.  » Problème : en deux ans, Hulk passe plus de temps à la plage que sur le terrain… Sa carrière piétine et pour couronner le tout, son entraîneur souhaite le reconvertir en défenseur latéral. Une proposition de recadrage tactique qui vaudra au coach visionnaire de recevoir le poing d’Hulk dans la gueule.

Roi du Japon

Entre le Brésil et le joueur, le divorce est consommé. Direction le Japon et le club de Kawasaki Frontale pour ce qui s’apparente alors à une voie de garage footballistique. Surtout que ses nouveaux dirigeants nippons le prêtent quasiment dans la foulée au Consadole Sapporo, un obscur club de deuxième division. Contre toute attente, Hulk devient deuxième meilleur buteur du championnat et contribue à la montée du club. Entre-temps, il a appris à se servir de baguettes pour manger et à écrire son nom en japonais :  » Il suffit de faire plein de petits bâtons partout…  » Surtout, il fait la rencontre de celle qui deviendra sa femme, Iran, une expatriée brésilienne qui lui servira de traductrice jusqu’à la fin de son périple nippon. En 2007, le couple déménage dans la capitale japonaise, où Hulk vient de signer un nouveau contrat avec les Tokyo Verdy. Là-bas, il devient une star, une vraie.  » Au Japon, on me traitait comme un roi. C’est grâce aux Japonais que je joue aujourd’hui en Europe et c’est aussi grâce à eux que j’ai un équipementier (Mizuno, ndlr). Il n’y avait que des remerciements et du respect dans mes relations avec eux. C’est une expérience qui m’a énormément apporté sur le plan humain « , dit-il. Et maintenant ? Maintenant, Hulk vaut de l’or. PintoDaCosta, le sulfureux président du FC Porto, qui le considère très sérieusement comme le chaînon manquant entre Ronaldinho et CristianoRonaldo réclamait 100 millions pour son départ. Le Zenit en a finalement aligné 55 et en allonge 6,5 de plus par an pour le salaire du Brésilien. Des chiffres qui ont fait gronder le vestiaire russe où rien ne va plus depuis son arrivée. En espérant que la machine ne se remette pas en marche face aux Mauves.

PAR LOUIS GÉNOT À RIO DE JANEIRO, ET JAVIER PRIETO SANTOS

« Je voulais devenir Hulk, sauver des gens et soulever des voitures à la force de mes bras. C’est le métier que je voulais faire mais il n’y avait pas d’études pour ça. » Hulk

« Pendant six ans j’ai porté, levé, déplacé et découpé des carcasses de viande tous les jours. J’en ai pleuré toutes les larmes de mon corps, mais au moins j’ai travaillé le foncier. » Hulk

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