L’increvable

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le nouveau back gauche est un des Zèbres les plus attendus. Il doit remplacer Rudy Moury dans le coeur et sur le terrain.

Les joueurs de Charleroi ont terminé leur stage à Lichtaart et Enzo Scifo ne les a pas épargnés. Un long jogging au lever du jour et deux entraînements costauds étaient au programme de chaque journée. Que ce soit sur le terrain ou en dehors, l’entraîneur serre la vis. C’est l’une des leçons qu’il a tirées des problèmes survenus en fin de saison dernière. Les joueurs auxquels on reproche d’avoir pourri l’ambiance ne sont plus là, et les renforts ont été transférés parce qu’ils ont, outre des qualités footballistiques, un caractère positif.

« En treize années de professionnalisme, je n’ai pas souvent connu un programme d’avant-saison aussi corsé », affirme Tony Herreman (32 ans), transféré récemment du Germinal Beerschot Anvers. « C’est comparable à ce que Urbain Haesaert nous imposait autrefois à Ekeren. Sur le plan physique, nous ne serons sûrement pas inférieurs à nos adversaires lorsque le championnat reprendra ».

Herreman, dont le père Emile joua autrefois en première division avec le Daring de Bruxelles, a directement été séduit par son nouvel environnement. De ses confrontations avec le Sporting, lorsqu’il portait le maillot de Beveren, d’Ekeren, de La Gantoise ou du GBA, il retient la chaleur et la mentalité positive des supporters. Ainsi que l’art de toute une ville de vivre pour le sport. « Pour moi, Charleroi était synonyme de football, mais aussi de basket et de tennis de table de haut niveau. J’ai toujours voué une grande admiration à Jean-Michel Saive, qui s’est construit tout seul et est arrivé au sommet ».

Dès les premiers entraînements, ce défenseur de poche (1m69, 68 kg) a constaté qu’il y avait pas mal de talent dans le noyau du Sporting. Cette saison, il la sent bien : « J’ai l’impression que notre noyau comporte un bon mélange de qualités techniques, de puissance physique et de force de travail. Il me paraît bien équilibré. Plusieurs joueurs sont capables de faire la différence sur une action individuelle. Je pense prioritairement à Grégory Dufer, Sergio Rojas et Eduardo. En plus des qualités footballistiques, l’ambiance de travail est vraiment excellente. J’avais pourtant un peu peur en arrivant ici car il y a énormément de nationalités dans le groupe. Je sais par expérience qu’il n’est pas toujours simple de faire cohabiter plusieurs langues et plusieurs cultures. Mais tout semble très bien se passer. Je ne vois pas de clans, tout le monde paraît prêt à travailler dans la même direction ».

« Scifo me fait penser à Meeuws »

Depuis ses débuts en D1 avec Beveren, Tony Herreman a connu pas mal d’entraîneurs. Aujourd’hui, il compare volontiers Enzo Scifo à Walter Meeuws, qu’il connut à La Gantoise et qu’il faillit suivre plus tard au Lierse. « Ils privilégient tous les deux le dialogue et cherchent à faire profiter les joueurs de leurs propres expériences. J’ai connu plusieurs bons coaches, mais pour moi, il y en a trois qui sortent du lot: Urbain Haesaert, Lei Clijsters et Walter Meeuws ».

Le défi que lui a proposé Scifo l’a emballé. Relégué sur une voie de garage au GBA, Herreman avait la possibilité de signer dans un club de D1 grecque. Mais une aventure à l’étranger ne l’a jamais tenté. Il est, pour cela, trop attaché à sa famille et à la Belgique. Charleroi se manifesta et enleva la palme avant que Lokeren et Westerlo ne viennent aux nouvelles. Au moment de sa première discussion avec Enzo Scifo, ce joueur ignorait que le Sporting connaissait, depuis plusieurs années, des problèmes récurrents de back gauche. Depuis le départ de Rudy Moury, plus personne ne s’y est imposé de façon convaincante et continue!

« Enzo Scifo m’a directement parlé de ce problème spécifique », dit Herreman. « Il compte sur moi pour le résoudre. J’ai une longue expérience à ce poste et c’est un atout. Evidemment, cela va me mettre pas mal de pression sur les épaules. Dans l’esprit des gens du club, mon arrivée doit solutionner une fois pour toutes ce problème. J’essayerai de leur donner satisfaction en me donnant à 200% lors de chaque entraînement et dans chaque match, comme je l’ai toujours fait depuis que je suis professionnel. Cet engagement total, c’est ma marque de fabrique. Je ne renonce jamais. Je sais la chance que j’ai d’être footballeur professionnel ».

« Ma force vient de mes cheveux! »

Entre Moury et Herreman, il y a plusieurs points communs: le poste qu’ils occupent, leur jusqu’au-boutisme, leur caractère trempé dans l’acier, leur popularité auprès des supporters. On a par ailleurs connu Moury avec une chevelure aussi abondante que celle de Tony Herreman. « Ne rigolez pas: je suis persuadé que toute ma force se trouve dans mes cheveux », affirme Herreman. « Je les ai coupés deux fois, à la demande de ma femme. Les deux fois, j’ai commencé à moins bien jouer. Ce furent les deux moins bonnes saisons de ma carrière. Je manquais d’énergie, je n’étais plus le même homme! »

Herreman signale qu’il n’est pas spécialement superstitieux, mais il a quand même certaines manies immuables. Si son équipe joue à 20 heures, il fixe ses protège-tibias à 19 heures et lace ses chaussures exactement un quart d’heure plus tard! « Ça ne me viendrait pas à l’idée de modifier cet horaire… »

Tony Herreman a connu une carrière marquée par la fidélité à ses employeurs: dix années à Beveren, trois à Ekeren, cinq à Gand, trois au GBA. Et il a signé pour trois saisons à Charleroi.

Il joua dans toutes les équipes nationales de jeunes, poursuivit chez les Espoirs et les Aspirants, et on lui promit autrefois un avenir chez les Diables Rouges. Cet espoir, il l’a caressé vainement durant de longues années. « Plus d’une fois, j’en ai été très proche », regrette-t-il. « Notamment lorsque j’étais à Ekeren. Dans les journaux, on lisait que je formais, avec Joël Bartholomeeussen, le meilleur flanc gauche du championnat de Belgique. Moi au back, Joël comme médian. Un jour, Haesaert a décidé de nous faire permuter. Un peu plus tard, Guy Thys a eu besoin d’un back gauche en équipe nationale et il a logiquement pris Joël. J’ai raté, à ce moment-là, une chance unique. On a encore parlé de moi en équipe nationale avant la Coupe du Monde aux Etats-Unis, mais cela n’a pas dépassé le stade des rumeurs. Une seule sélection chez les Diables aurait constitué un couronnement de ma carrière. Ne pas avoir été repris restera mon plus grand regret ».

431 matches de D1, dont 136 consécutifs.

Par contre, Herreman a presque toujours été incontesté dans ses clubs. Ce qui lui permet, à 32 ans, d’afficher 431 matches de D1 à son compteur. Et comme il compte jouer jusqu’à 38 ans si sa santé le lui permet, le record de Raymond Mommens (614 matches) ne semble pas si impossible à améliorer. « Je n’y avais jamais songé, mais pourquoi pas, au fond? Mommens et moi, nous avons sans doute le même secret: nous nous sommes toujours soignés, nous avons toujours vécu comme de vrais pros. Pour arriver à un total pareil, il faut aussi un minimum de chance, être épargné par les blessures. Moi, je n’ai porté qu’une seule fois un plâtre dans ma vie: pour une fracture de la cheville quand j’étais… Minime. Il y a deux ans, un médecin a pratiqué une échographie de ma cheville: il n’en revenait pas qu’elle soit toujours aussi intacte après autant d’années de professionnalisme. Aucune trace d’usure, rien. La cheville d’un Junior! »

Quoi qu’il arrive au cours des prochaines années, Herreman détient déjà un record qui n’est pas près d’être battu: il a disputé quatre championnats d’affilée sans rater la moindre minute sur le terrain! Soit 136 matches complets consécutifs, avec La Gantoise. Il fut encore titulaire pendant quelques rencontres lors de la cinquième saison, avant que Johan Boskamp ne mette fin à sa superbe série.

« C’est de très loin le meilleur total pour un joueur de champ en Belgique. Je pense que Michel Preud’homme a fait encore mieux, mais on ne peut pas comparer un gardien et un autre joueur. Pendant ces quatre saisons, je n’ai même pas pensé à ce record. Je n’ai jamais refusé un duel en me disant que je risquais de prendre une carte et d’écoper d’une suspension qui mettrait fin à ma série. Je jouais simplement mon jeu, et j’en déduis que je suis un joueur très correct. Ce record, je n’en faisais pas une fixation. Mais j’ai très mal encaissé la décision de Boskamp, le jour où il m’a écarté de l’équipe ».

Pierre Danvoye

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