L’imprévision

Nul besoin de s’épancher sur le séisme provoqué par les attentats terroristes du funeste mardi 11 septembre 2001. Au plan sportif également, ces tragédies ont eu des conséquences pour de nombreuses manifestations européennes, qui ont vu leur organisation ou la participation de certains athlètes remises en cause. Citons à titre d’exemples les matches exhibitions de la NBA, prévus en Europe à Pesaro et Cologne les 9 et 11 octobre, le forfait de l’équipe américaine pour la phase finale de la Fed Cup de tennis début novembre 2001 et, plus près de chez nous, les supporters et sympathisants du club de basket de Pepinster ont été privés de la visite du légendaire Magic Johnson à la tête de l’équipe de Copenhague fin octobre.

Par ailleurs, le groupe d’assurances AXA vient de dénoncer le contrat de couverture de la prochaine Coupe du Monde de football au Japon et en Corée du sud, arguant d’une modification importante du risque d’annulation de l’épreuve.

Tous ces événements posent d’inévitables questions au plan juridique.

Commençons d’abord par les défections d’athlètes américains aux épreuves européennes.

A chaque fois une convention de participation n’a pas été respectée, au mépris évident du principe fondamental de la « convention-loi » qui signifie qu’un accord ne peut être rediscuté que de la volonté commune de toutes les parties. Bien sûr, chacune et chacun d’entre nous comprend parfaitement les raisons d’être matérielles et surtout morales qui ont expliqué ces défections. Mais il n’empêche, au strict plan juridique, il y a eu méconnaissance fautive d’une convention en l’absence d’un événement de force majeure c’est-à-dire d’un événement irrésistible non-imputable aux parties qui empêche l’exécution du contrat. Des dommages et intérêts peuvent dès lors théoriquement, à chaque fois, être réclamés. Reste à savoir si ce droit sera exercé, mais là on quitte le domaine du droit.

S’agissant de l’affaire AXA-Coupe du Monde 2002 de football, la question est encore plus problématique. Fondamentalement le groupe AXA justifie sa position par un bouleversement important de la situation économique et politique mondiale qui a entraîné une modification des caractéristiques du risque à couvrir. En droit, l’exception invoquée par le groupe AXA se nomme imprévision: entre la conclusion et l’exécution du contrat, un événement survient qui entraîne une charge excessive pour l’une des parties. Le droit belge ne reconnaît pas l’imprévision, sauf en matière de bail et de marchés publics. Mais les parties sont bien sûr, conformément au principe de l’autonomie de la volonté, autorisées à insérer dans leur convention une clause d’imprévision entraînant la re-discussion du contrat suite à la réalisation de l’événement perturbateur. C’est d’ailleurs probablement l’existence d’une telle clause qui justifie aujourd’hui la dénonciation du contrat par le groupe AXA.

Cela étant, dans le cas qui nous occupe, y a-t-il bien imprévision?

Un contrat d’assurance doit couvrir un aléa et vient prémunir le preneur d’assurance des conséquences financières de l’éventuelle réalisation de ce risque. Que la potentialité de résiliation de l’aléa en cause augmente théoriquement, ne modifie pas l’objet du contrat d’assurance et ne constitue donc pas a priori un cas d’imprévision. Or, à ce jour, absolument aucun élément ne pousse à croire à un risque d’annulation plus important de la Coupe du Monde 2002. Les attentats du 11 septembre 2001 ne peuvent pas tout justifier.

Luc Misson Chers lecteurs, A partir du mois de janvier, Me Misson répondra à vos questions dans le cadre de cette rubrique. N’hésitez pas à nous les envoyer dès maintenant. La rédaction

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