L’impensable mutisme de Fellaini

Après avoir atterri dans la capitale et effectué un détour par Yantai, l’équipe belge a découvert Shenyang. Dans un univers décalé et dépaysant.

Afflux de volontaires

L’une des choses les plus marquantes de ces Jeux Olympiques est la présence visible de tous ces petits hommes bleus. 350.000 volontaires affublés d’un petit t-shirt bleu sont présents partout dans les villes olympiques. A Pékin, on en voit aux carrefours, près des sites olympiques, dans les hôtels. A Shenyang, rebelote. La plupart sont issus des universités et la demande avait été telle que des sélections ont dû être effectuées. Manifestement, l’anglais n’était pas un critère car certains ne s’expriment pas dans la langue de Shakespeare. Avant le début des Jeux, ces volontaires ont subi des entraînements. Ceux qui £uvrent à Shenyang ont, par exemple, appris certaines infos sur le football et les pays (dont la Belgique). Ils ont également tous pris un nom américain plus facile à retenir par les journalistes, athlètes ou touristes.

Bouleversement

Les Jeux Olympiques bouleversent le quotidien des Chinois. Dans les villes hôtes notamment. A Pékin, par crainte d’un attentat, les contrôles sont devenus plus stricts.  » Avant, on ne sortait jamais avec notre carte d’identité. Aujourd’hui, tout habitant de Pékin doit toujours l’avoir avec lui car il se fait contrôler en moyenne trois fois par jour « , explique un journaliste chinois. A Shenyang, pour faire belle figure face aux visiteurs étrangers (ou pour éviter tout débordement de ces mêmes visiteurs), les discothèques ont toutes fermé leurs portes. Les autres établissements doivent arrêter de servir à boire à 11 h 30 et tourner la serrure à 2 h 00.

 » Pendant la durée des Jeux, Shenyang sera ville morte par rapport à ce que cela peut être les autres mois de l’année « , affirme un ressortissant français. Certaines de ces mesures ont été prises il y a trois mois déjà. Mais il n’y a pas que les villes hôtes qui subissent l’influence de ces Jeux. De nombreux Chinois venant du pays tout entier ont pris leurs congés pour se rendre à Pékin et humer l’air olympique. La semaine précédant l’ouverture, il y avait un énorme afflux de touristes chinois aux grilles de l’entrée du site olympique. Et tout le monde se pressait pour prendre une photo du fameux Bird Nest, le stade olympique.  » Ce sont les Jeux des Chinois et tout le pays va vivre au diapason de cet événement « , nous assure Luc Poppe, un Belge qui travaille pour Alcatel et qui réside en Chine depuis 20 ans.

La folie Ronaldinho

Pendant la conférence de presse personnelle de Ronaldinho, la moitié de la salle (journalistes et bénévoles) a voulu prendre une photo de la star brésilienne. Rebelote, deux jours plus tard, lors de la rencontre de football féminin entre l’Allemagne et le Brésil. Le stade s’est réveillé lorsque l’équipe masculine du Brésil a débarqué pour soutenir leurs compatriotes féminines. Il y a eu un effet de masse pour venir photographier l’attaquant du Milan AC. Un cordon de sécurité humain a dû être dressé. Quelques mètres plus loin, dans l’indifférence générale, toute l’équipe belge regardait également le match.  » C’est vrai que quand nous sommes avec Ronaldinho quelque part, nous avons la paix « , lâchait Jean-François de Sart.

Comme les équipes de football logent dans le même hôtel de Shenyang, cela donne des situations cocasses comme lorsque, voyant Ronie rentrer dans l’ascenseur, toute l’équipe féminine du Nigeria, décide de se ruer vers l’ascenseur. Une fois dedans, Ronaldinho a demandé à sortir, souffrant de claustrophobie.

Les Olympiens belges, eux, n’ont l’occasion de croiser la star brésilienne qu’au restaurant. Les contacts sont rares, chaque pays possédant un étage de l’hôtel.

De Sart, star en Chine

Le journal local, le Shenyang Evening News avait consacré 15 pages au déroulement des JO dans sa ville. En page 9, une grande photo de Jean-François de Sart côtoyait celle de Dunga, l’entraîneur du Brésil. Mais impossible de vous raconter ce qu’on disait de l’entraîneur de la Bilishi (Belgique en Chinois) car le texte était imprimé en pictogrammes chinois. L’entraîneur liégeois a également les faveurs du public et des jeunes demoiselles qui le sollicitent souvent pour une photo.  » Cela m’amuse. Et je me prête volontiers à toutes ces demandes « , a commenté le sélectionneur belge.

Le chiffre 4,porte malheur

En Chine, le chiffre 4 porte malheur. C’est pour cette raison que dans le Media Press Center, à chaque place comprenant un 4 se trouve un poste téléphonique (sous-entendant que si vous vous installez là, d’office vous aurez des problèmes). A Shenyang, l’hôtel de presse ne comprenait pas de chambre avec un 4. On passait ainsi de la chambre 612 à la chambre 616.

Dans l’équipe belge, c’est Thomas Vermaelen qui a hérité du numéro 4.  » J’ai appris en arrivant en Chine qu’il s’agissait d’un chiffre porte-malheur. Mais je n’y prête pas attention. Cela ne me dérange pas « .

Sepp De Roover en version originale

Comme l’ont révélé les journaux flamands, le défenseur belge Sepp De Roover sait parler le Chinois, langue dont il s’est pris d’affection. Ainsi, lorsque des groupies demandent une photo avec un joueur belge, elles ont tendance à se tourner vers les stars de l’équipe mais comme celles-ci ne parlent pas un mot de chinois, c’est De Roover qui a la cote.

 » Chaque année, j’apprends une langue. Après un voyage à Hong-Kong, j’ai eu envie de me mettre au chinois. Les cours du soir duraient trois ans mais j’ai arrêté après un an. Je ne sais pas tenir une conversation complète mais je comprends quelques mots et je sais aussi dire une phrase ou l’autre. L’écriture est très difficile car ils ont des symboles pour chaque mot. A la réception, j’ai pu parler un peu avec les Chinois. Par contre, je n’ai pas pu aider mes coéquipiers face à nos adversaires chinois car ils allaient trop vite en parlant « , a expliqué le joueur de Groningen.

Le mutisme de Fellaini

Marouane Fellaini n’avait pas habitué la presse à cela mais il a véritablement joué au chat et à la souris avec les journalistes durant tout le séjour, s’enfuyant quand cela était possible et refusant de se rendre au point presse obligatoire. Après son expulsion contre le Brésil, il a même sauté les barrières (suscitant un début de panique auprès des membres de la sécurité chinoise) de la zone mixte pour rejoindre son bus. Depuis que le Standard a annoncé son rapatriement à l’issue de la rencontre inaugurale, il ne s’est jamais expliqué. Est-ce sous l’injonction de son club qu’il s’est terré dans le silence ? Cette théorie a circulé à Shenyang.

 » Erreur « , corrige l’attaché de presse, Nicolas Cornu,  » Samedi, il était disponible pour la presse « . Il faut savoir que le samedi en question, la Belgique était à Séoul pour disputer son match de préparation. Seuls deux journalistes belges étaient présents à ce voyage…

A Tubize, avant le départ, Fellaini avait seulement consenti au strict minimum, ne répondant que par oui ou par non à un journaliste le questionnant. Certains médias ont critiqué son comportement et même le staff de l’équipe olympique le déplorait. Sans rien pouvoir y changer. Il n’y a en effet aucun système d’amendes prévu dans l’équipe olympique (elle est sous l’égide du COIB) ni chez les Espoirs.

 » Mais cela va changer. A partir de la prochaine campagne, à l’instar des A, chaque Espoir intégrant le noyau devra signer un contrat « , précise Cornu. Ce contrat prévoit notamment les primes de victoire et le montant des amendes en cas de non-respect des règles.

Le stade de Shenyang

C’est un bijou d’architecture moderne, qui comprend un gymnase de 10.000 places, un sanatorium de 4.000 places et un cours de tennis de 4.000 places. Construit pour les Jeux et comprenant 60.000 places, il n’accueille aucune équipe. L’équipe locale évolue en deuxième ligue chinoise. On peut se demander pourquoi avoir fabriqué un tel stade dans une ville qui n’a aucune culture footballistique si ce n’était celle de recevoir, dans l’ancien stade, l’équipe nationale de Chine. Shenyang constitue en effet le talisman de cette formation depuis qu’elle a décroché, ici, son billet pour la Coupe du Monde 2002. La formation régionale la plus représentative reste Dalian Shide, qui a remporté le championnat à sept reprises ces dix dernières années et qui se situe dans la ville côtière de Dalian à 3 heures de route de Shenyang.

Seul hic de ce stade moderne : sa pelouse.  » C’est la pire sur laquelle j’ai dû évoluer « , explique Faris Haroun,  » Elle est trop haute et bien moins entretenue que celle des terrains d’entraînement. C’est aussi une des raisons pour laquelle on joue plus souvent de longues balles.  »

Patriotisme et réalisme

Après la défaite de la Belgique face au Brésil, les Chinois n’ont cessé d’interpeller tous les journalistes belges pour leur dire que nous méritions mieux et pour s’excuser… de la pauvreté de l’arbitrage. Quelques heures plus tard, les Chinois assistaient avec beaucoup plus d’entrain à la rencontre Chine-Nouvelle Zélande (1-1).

Pour les nombreuses personnes absentes du stade, les taxis étaient une bonne source d’infos. A l’intérieur, la radio était branchée sur le match et à l’extérieur, une bande LED installée sur la lunette arrière informait les passants de l’évolution du score. Lorsque la Chine fut menée, de nombreux Chinois reconnaissaient avec fatalisme que c’était couru d’avance. Et lors de l’égalisation, le patriotisme refaisait surface.

Petite délégation belge

Dans la masse de Chinois, la délégation belge faisait pâle figure face au Brésil. Quelques membres de familles de joueurs (notamment la petite copine de Maarten Martens, le papa de Vincent Kompany et celui de Faris Haroun) et du COIB (notamment le chef de mission Philippe Rogge, Eddy Merckx, André Stein, le président de l’Association Francophone de tennis) ainsi que le ministre wallon des Sports Michel Daerden qui avait gracieusement invité le vice-président du Standard, Luciano D’Onofrio. Ce dernier récupérait Fellaini le vendredi, filait sur Pékin pour assister à la cérémonie d’ouverture avant de revenir samedi dernier en Belgique pour assister à la victoire en Supercoupe contre Anderlecht.

Kompany et le TAS

Chaque jour, ce sont les journalistes qui tenaient au courant Vincent Kompany de l’évolution des plaintes de Lionel Messi, Rafinha et Diego auprès du TAS.  » Ah bon, ils ont décidé que les clubs n’étaient pas obligés de libérer leurs joueurs « , disait-il avant d’ajouter  » mais cela ne me concerne pas puisque Hambourg et la Fédération sont parvenus à un accord. Cela ne sert à rien de me demander si je compte retourner à Hambourg ou combien de jours je compte rester, je ne saurai pas vous répondre. J’aimerais confirmer que tant que la Belgique est en lice, je reste mais c’est Hambourg qui détient la clé. C’est négociable mais il faut tenir compte des intérêts du club et des impondérables comme les blessures éventuels. Sans oublier qu’on dispute notre premier match contre le Bayern.  »

Les photos de Pocognoli et les vidéos de Dembélé

Quand on lui demande ce qui le marque le plus en Chine, Sébastien Pocognoli répond :  » Le nombre d’appareils photos. Tous les Chinois en ont un et photographient tout. Moi aussi, j’ai pris le mien et j’essaye de prendre des clichés de ce qui me marque.  »

Il n’est pas le seul à vouloir ramener des souvenirs en Belgique. Moussa Dembélé prend des vidéos de tout ce qu’il trouve décalé :  » Je le fais même aux Pays-Bas. Ici, je filme tout ce que je trouve comique à la réception de l’hôtel ou aux entraînements. Ou quand je fais une blague à Maarten Martens qui partage ma chambre.  »

Ingelbrecht verrait bien Fellaini à Hambourg

Petit lapsus de la part du chef de délégation, Georges Ingelbrecht, qui a déclaré que l’accord entre Hambourg et Fellaini portait sur deux matches. Ah bon, Fellaini à Hambourg ? Après ou avant le match contre Liverpool ?  » Euh, non, je voulais parler de Kompany « , s’excusa-t-il.

Madame Irma Mathijssen

Suite aux propos de Jacky Mathijssen qui affirmait que l’équipe olympique belge avait mauvaise réputation en matière de discipline et qu’il s’inquiétait de voir dans quel état ses joueurs reviendraient, de Sart a sorti cette réplique cinglante.

 » Il est plus occupé par notre équipe que par la sienne. Il est à 18.000 kilomètres de nous et il sait tout. Bravo ! C’est un voyant extra-lucide ! Mais je tiens à rappeler qu’avant de partir pour la Chine, alors qu’on avait laissé libre les joueurs jeudi après-midi et vendredi matin pour qu’ils puissent voir leur famille avant de partir, il a obligé Laurent Ciman et Jeroen Simaeys à s’entraîner avec Bruges. Alors qu’ils étaient sous notre responsabilité. Et il l’a fait sans nous prévenir…  »

par stéphane vande velde- photos: belga

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