L’impatient Polonais

Un an après sa double fracture ouverte tibia/péroné, Wasyl est toujours en revalidation. Il devrait reprendre le collier fin octobre…

Mais où en est donc Marcin Wasilewski aujourd’hui, un an après sa double fracture ouverte tibia/péroné encourue lors d’un Anderlecht-Standard de sinistre mémoire ? Au Sporting, on ne s’est guère épanché en la matière durant tout ce temps, se bornant à l’un ou l’autre communiqué officiel. Le dernier en date remonte au récent déplacement au Partizan Belgrade quand par la voix de son manager, Herman Van Holsbeeck, le club manifesta son intention de prolonger d’une saison le contrat du joueur, attaché pour l’heure à la maison mauve jusqu’au 30 juin 2011.

Un geste destiné à récompenser l’infortuné Polonais dont l’ardeur au travail suscite l’admiration générale, tant de la part de ses collègues que des responsables. Wasyl n’a pas marchandé ses efforts pour revenir dans le parcours ces derniers mois. Et ce, en dépit des contretemps car il n’aura pas fallu moins de 4 opérations, l’ultime le 22 juillet, pour le délivrer de ses tourments. Procédure toujours en cours, au demeurant. Le back droit en est toujours réduit à une revalidation en salle, loin des terrains d’entraînement. Au programme : massages et soins divers. S’il ne boite plus, comme ce fut le cas durant une très longue période, sa jambe droite meurtrie n’en présente pas moins une solide protubérance à hauteur de sa blessure. Une calcification que le corps médical estime toutefois normale et qualifie même de bon signe.

Reste que par rapport à la fin de la défunte campagne, l’intéressé accuse un retard certain sur les prévisions. En principe, il aurait dû être opérationnel actuellement. Il avait d’ailleurs eu droit, en guise d’encouragement, à quelques minutes de présence lors du match de clôture des play-offs contre Saint-Trond. Ce soir-là, sa montée au jeu avait été des plus encourageantes puisqu’il s’était démené tel un beau diable, tout en tenant même sa chance au but avec cette frappe puissante sur phase arrêtée dont il a le secret. Tout portait dès lors à croire que deux mois de travail supplémentaire allaient complètement le requinquer. Mais une petite parenthèse d’une quinzaine de jours de vacances, à Cracovie, devait en définitive s’avérer catastrophique pour lui. A son retour au stade Constant Vanden Stock, il était clair qu’il avait régressé en lieu et place de progresser : un pas en avant avait été suivi de deux pas en arrière. Et pour couronner le tout, les douleurs aux jambes étaient à nouveau là, lancinantes. Un passage sur le billard se révélait à nouveau inéluctable. Avec, comme corollaire, un énième arrêt. Et le sentiment que l’homme est moins loin, de nos jours, sur le chemin du rétablissement qu’en mai passé. A cette nuance près, peut-être, que les perspectives d’un retour à l’avant-plan sont meilleures. Sous cet angle, sa dernière opération lui aura probablement été salutaire.

Une revalidation à l’abri des regards

Mais reviendra-t-il, pour autant, à son meilleur niveau ? Au départ, l’optimisme était en tout cas de rigueur.  » C’était une cassure nette, non lézardée « , se souvient le Dr Louis Kinnen, chef du staff médical anderlechtois à l’époque des faits.  » D’autres joueurs, et non des moindres, s’étaient remis d’accidents similaires. Je songe à DjibrillCissé, notamment. Par rapport à Wasyl, l’international français avait l’avantage d’être plus jeune. Mais le Polonais avait pour lui une volonté de tous les instants. J’ai rarement vu un gars souquer aussi ferme que lui.  »

Avis corroboré par le coach, Ariel Jacobs :  » Un autre joueur, compte tenu de la gravité de la blessure, aurait sans doute baissé définitivement les bras. Mais ces mots-là ne sont manifestement pas inscrits dans son dictionnaire.  »

L’acharnement dont il fait preuve dans l’adversité a eu tôt fait de susciter l’admiration générale.  » Journellement, il était au stade à 8 heures du matin pour ne repartir qu’à 17 h 30 ou 18 h « , raconte un employé du club.  » Il arrivait encore plus tôt que l’ex-manager, Michel Verschueren, ce qui n’est pas peu dire.  »

Une attitude dictée à la fois par le travail journalier auquel l’intéressé devait s’astreindre mais aussi par son souci d’échapper aux regards. Car autant il s’exposait à la vue de tous comme joueur, autant l’éclopé, lui, avait plutôt tendance à s’y dérober.

Une anecdote en dit long sur le sujet. Elle a trait à la rencontre entre Wasyl et Luc Nilis, qui avait précisément souffert des mêmes maux que le Polonais lors de son séjour à Aston Villa. Le Limbourgeois tenait absolument à sympathiser avec le malheureux joueur et lui montrer, surtout, qu’il ne devait pas désespérer. Le Polonais marqua son accord pour une entrevue. Elle eut finalement lieu, l’automne passé, au Green Park, le café-resto situé juste en face de l’entrée principale du stade. Si une photo apposée sur l’un des murs immortalise le face-à-face, Wasyl s’était montré pointilleux quant aux conditions : il était exclu que la scène se déroule en plein jour quand l’établissement est toujours bondé. Il fallait donc que tout se passe après les heures d’ouverture classiques. Un souhait qui fut respecté par les patrons et c’est donc en soirée que les deux hommes firent connaissance, en présence du délégué de l’équipe première, José Garcia et d’un traducteur, Mariusz Wisniewski. Pour le reste, les occasions de prendre un cliché du joueur ont toujours été rares. Lors du stage à La Manga, au mois de janvier, les photographes durent attendre la fin du séjour pour l’approcher pour la première fois. Une équipe télé dépêchée sur place se heurta à un refus de sa part pour être filmé.

Une séance de dédicaces de trois heures

Avant la trêve, ses apparitions s’étaient comptées sur les doigts d’une seule main. Au même titre que Cheikhou Kouyaté, Jan Polak et Daniel Zitka, autres éclopés du noyau de Première, il était monté sur le terrain du Parc Astrid aux prémices de l’ouverture européenne du club, en Europa League, face aux Roumains de Timisoara. Ce soir-là, muni de ses béquilles, il avait eu droit à la plus chaude réception de la part du public. Un mois après, le 4 novembre, les mêmes hommes, mais sans le médian sénégalais cette fois, rétabli entre-temps d’une fracture de la mâchoire, étaient invités à se soumettre à une séance de dédicaces au fan-shop. En principe, elle devait durer une heure et demie, le temps traditionnel d’une rencontre. Mais à cause de Wasyl, elle fut prolongée de 90 minutes. C’est qu’après le laps de temps prévu au départ, ils étaient encore un bon millier à attendre patiemment leur tour devant l’entrée du magasin et le long de l’avenue Théo Verbeeck. Malgré la longue indisponibilité du joueur, celui-ci n’a eu de cesse de garder la cote auprès des fans.

A l’époque, son maillot se vendait déjà comme des petits pains. Aujourd’hui, s’il est dépassé par des éléments en vue comme Romelu Lukaku, Lucas Biglia voire Matias Suarez, il fait toujours partie du top 5 des shirts les plus écoulés. Un autre signe de sa popularité : l’hommage du public, à la 27e minute (référence à son numéro de maillot) de tous les matches, que ce soit au stade Constant Vanden Stock ou en déplacement. Wasyl, sur l’air de Brazil, en dit long sur la place qu’il occupe dans les c£urs.

Ce soutien aura été un fameux adjuvant moral pour le joueur tout au long de son processus de revalidation. Et des arrêts liés aux diverses interventions chirurgicales subies. La première, destinée à nettoyer la plaie, eut lieu quelques heures à peine après que le joueur eut été transporté à la clinique Maria Middelares d’Anvers. Une semaine plus tard, au terme d’un traitement à base d’antibiotiques, une broche pourvue de quatre vis fut fixée sur la jambe afin de la stabiliser et de réaligner l’os dans son axe anatomique. Plus tard, à la faveur d’un troisième passage sur le billard ces attributs furent enlevés. Le rétablissement se fit par à-coups, avec des hauts et des bas. Deux kinés s’occupèrent spécialement de lui : Jochen De Coene et Koen Walravens. Wasyl ne lésina jamais sur les efforts mais ses progrès furent loin d’être uniformes. Au printemps, en proie au découragement, il eut même l’idée d’aller consulter l’un ou l’autre rebouteux. En Pologne, on lui avait parlé d’un guérisseur-miracle en Autriche et le joueur était prêt à se rendre chez lui. A Anderlecht, on lui proposa plutôt de passer entre les mains expertes du soigneur argentin Juan Mendoza qui, après avoir été détaché auprès de Nicolas Frutos s’était également occupé de Lucas Biglia et Jelle Van Damme, entre autres. Le Polonais n’avait cependant pas totale confiance en lui. Il se rendait évidemment fort bien compte qu’en dépit de l’arrivée de son gourou, le joueur ne décollait toujours pas. En définitive, c’est vers Lieven Maesschalck que Wasyl se tourna. Indépendamment de son travail à Anderlecht, il passa trois après-midi par semaine chez ce kiné bien connu des sportifs. Et la machine fut relancée avec, comme climax, huit minutes de jeu, en fin de partie, lors du match de clôture de la saison contre Saint-Trond.

Une prolongation de contrat d’un an

Si le championnat n’avait pas été d’ores et déjà plié à ce moment, il est acquis que jamais Wasyl n’aurait été aligné. Courir, tirer au but : il pouvait, certes, tout faire à ce moment. Mais lors de la répétition générale à l’entraînement précédant cette rencontre, les consignes avaient été précises : pas question d’aller au duel avec lui et encore moins de laisser traîner les pieds. C’est sur cette note positive que Wasyl retourna chez lui, à Cracovie, pour prendre quinze jours de vacances. Par après, il reprit le collier en Pologne avant de revenir au Parc Astrid bien avant ses partenaires. Là, il apparut très vite qu’il avait régressé : sa démarche était à nouveau un peu heurtée et le joueur ressentait une nouvelle fois une gêne à hauteur de la fracture. Fin juillet, il fallut se résoudre à une quatrième opération : la pose d’une plaque pour stabiliser le péroné. Les chirurgiens en profitèrent également pour faire le nettoyage autour des os.

Un mois plus tard, l’heure est à nouveau à l’optimisme. C’est vrai que le défenseur n’a toujours pas retâté du terrain, comme ce fut le cas en fin de campagne passée. Mais les douleurs se sont estompées. Par là même, le joueur et le club ont repris espoir. Au Parc Astrid, on met en exergue le cas de l’ancien joueur d’Arsenal, Eduardo, victime d’une même lésion en février 2008 suite à une intervention des plus rugueuses du défenseur de Birmingham, Martin Taylor. Un an après, le Croate d’origine brésilienne, avait fait son come-back sur le terrain. Il a certes dû mettre sa carrière en veilleuse pendant six mois mais il est finalement reparti du bon pied. Au Sporting, on espère en arriver au même résultat avec Wasyl.

Ses progrès et sa détermination veulent pousser la direction à lui signer une prolongation de contrat jusqu’en 2012. Un beau geste mais aux dires de l’entourage du joueur, on s’attendait à autre chose. Car un bail d’une année, pour un joueur devenu trentenaire entre-temps, ça fait un peu désordre. Même si Jan Polak, qui compte un an de moins, a eu droit au même tarif naguère. En attendant, Wasyl n’a qu’un mot d’ordre : mettre les bouchées doubles afin d’être médicalement guéri fin octobre.

C’est la date que tout le monde a en tête dans la maison mauve. A ce moment-là, le joueur pourra recourir et devrait résorber l’important retard conditionnel sur ses partenaires, sans compter qu’il devra retrouver le rythme. Pas évident pour un joueur de cet âge. Vu sa foi et son courage, beaucoup se font fort qu’il rejouera au football un jour. Ce qui serait déjà formidable par rapport aux événements vécus. Mais Wasyl sera-t-il encore compétitif pour le top-niveau et Anderlecht ? Beaucoup en doutent…

par bruno govers, pierre bilic et jan hauspie

« Déçu de ne plus progresser, Wasyl voulut consulter un rebouteux en Autriche. »

« Wasyl arrivait encore plus tôt au stade que Verschueren, ce qui n’est pas peu dire. « 

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