L’île au trésor

Le Luxembourg de l’Afrique est le plus petit pays jamais convié au festin footballistique du continent.

La Republica de Cabo Verde attend avec fébrilité le début de la Coupe d’Afrique des Nations 2013. Sa qualification est un rêve pour ses habitants. Le Cap-Vert a aisément pris la mesure de Madagascar au premier tour, puis a battu une opposition d’un tout autre calibre au second, le Cameroun (2-0, 2-1).

Les îliens ne sont pas près d’oublier le 14 octobre 2012, date de cette qualification historique, au point d’avoir proposé qu’elle devienne jour de fête nationale.

Sus aux expatriés

Le Cap-Vert a disputé son premier match international en 1979, contre la Guinée-Bissau (défaite 0-3) dans le cadre de la Coupe Amilcar Cabral. La Fédération de football n’a été fondée qu’en 1982. Quatre ans plus tard, elle s’est affiliée à la CAF et à la FIFA mais elle ne s’est inscrite aux qualifications pour la Coupe du Monde qu’en 2002, sans succès : l’Algérie a éliminé le Cap-Vert dès l’entrée en matière. La sélection capverdienne a remporté son premier match deux ans plus tard, contre la Mauritanie, et c’est en 2002 que la petite nation a affronté un adversaire non africain pour la première fois, réalisant un nul blanc contre le Luxembourg. Son premier succès dans un match de qualification a été acquis contre le Swaziland avant le Mondial allemand.

Le football capverdien occupait le rang 182 au classement de la FIFA en avril 2000. En 2007, il était 68e et actuellement, il est même 51e. Il ne doit pas sa progression à une génération dorée mais à une décision de la fédération, qui a suivi l’exemple de l’Irlande de Jacky Charlton dans les années 80.

 » Il y a cinq ans, nous sommes partis à la recherche de nos talents « , explique João de Deus, qui entraîne Oliveirense, un club portugais de D2 mais a été sélectionneur du Cap-Vert de 2008 à 2010.  » Beaucoup de Capverdiens ont émigré au siècle précédent et leurs descendants peuvent se produire pour les RequinsBleus. Or, nous comptons plus de compatriotes dans le reste du monde que dans notre archipel. Ils ont émigré aux États-Unis, en Italie, au Luxembourg, au Portugal et aux Pays-Bas, plus précisément à Rotterdam, pour travailler au port. On recense 20.000 Capverdiens à Rotterdam Ouest.  »

Ainsi renforcé, le Cap-Vert a réalisé un nul blanc contre le Portugal, troisième au classement FIFA, en mai 2010, tenant ainsi Cristiano Ronaldo en échec. Celui-ci aurait d’ailleurs pu jouer dans le camp africain, de même que Nani, son ancien coéquipier à Manchester United, Jorge Andrade (FC Porto, Juventus), Rolando (FC Porto), Nelson Marcos (Benfica, Betis Séville, Osasuna), Lerin Duarte (Sparta Rotterdam, Heracles), Jerson Cabral (Feyenoord, FC Twente) et Luc Castaignos (Feyenoord, Inter, FC Twente).

Cristiano Ronaldo a préféré le Portugal, Castaignos les Pays-Bas, Patrick Vieira la France et Henrik Larsson la Suède.

Entre le coeur et la tête

 » Cela se joue entre le coeur et la tête « , a déclaré Guy Ramos (RKC Waalwijk), qui a effectué ses débuts contre le Portugal en 2010.  » On espère d’abord une sélection du pays dans lequel on vit et on joue, car il a plus de chances de participer à un grand tournoi. Si on échoue, on se rabat sur le Cap-Vert.  » La majorité des internationaux actuels n’est pas née sur la côte Ouest de l’Afrique et certains n’y avaient même jamais mis les pieds avant leur première sélection.  » 90 % de mes joueurs viennent d’Europe « , confirme Lucio Antunes, qui a succédé à de Deus en 2010, grâce à ses bons résultats avec les équipes d’âge. Le mois passé, cet employé en congé sans solde a effectué un stage chez José Mourinho.

Le Cap-Vert dispute trois matches spéciaux : le match d’ouverture contre l’Afrique du Sud, puis une partie contre l’Angola, une autre ancienne colonie du Portugal. Quant au Maroc, il est spécial aux yeux des Capverdiens des Pays-Bas : ce sera un derby rotterdamois.  » Quel que soit le vainqueur de ce match, les voitures vont klaxonner pendant des heures à Rotterdam « , prédit Toni Santos Varela Monteiro (26 ans), qui a émigré aux Pays-Bas à l’âge de quatre ans.

Nul n’imagine que les RequinsBleus joueront plus de trois parties : ils sont dénués d’expérience alors qu’ils vont jouer le premier match devant 95.000 spectateurs. En outre, ses joueurs sont plus coriaces à domicile, sur leur pelouse synthétique. Jusqu’à présent, ils n’ont gagné qu’un seul match en déplacement. Toni Varela poursuit :  » En Afrique, les déplacements sont très spéciaux. Ce sont des guerres. Tous les moyens sont bons pour désarçonner l’adversaire. Ça commence à l’aéroport.  »

Ceci dit, la qualification du Cap-Vert pour cette CAN 2013 n’est pas une surprise : il a échoué de peu lors des deux dernières campagnes, une fois sur base du goal-average, l’autre à cause du nombre de buts marqués à l’extérieur.

51e, le Cap-Vert est également le mieux classé du groupe A devant le Maroc (71e), l’Afrique du Sud (72e) et l’Angola (83e). Il est le numéro dix d’Afrique.

Formés en Europe

Si les RequinsBleus résistent en défense, ils ne sont pas dénués de chances car ils possèdent quelques attaquants dangereux, comme Ryan Mendes (Lille) et Zé Luis (Sporting Braga), qui ont joué en Ligue des Champions. Le médian offensif Heldon Augusto Almeida Ramos (Maritimo Funchal) s’est produit en Europa League, contre le Club Bruges, notamment.

Les internationaux ont été formés en Europe et ont donc un sens tactique plus développé que la plupart des Africains.  » Le conte de fées n’est pas terminé « , a déclaré Mario Sernedo. Le petit archipel va-t-il surprendre tout le monde ?

PAR FRANÇOIS COLIN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire