» L’IDÉE D’ÊTRE LES PETITS BLANCS LÉSÉS PAR LA SOCIÉTÉ « 

Thomas Bricmont

Patrick Mignon est responsable du laboratoire de sociologie à l’INSEP, l’Institut National des Sports et de l’Education Physique à Paris, et auteur, entre autres, de La passiondu football.

L’événement dramatique du 23 novembre dernier renvoie l’image d’une France très raciste…

Le racisme est bien présent en France. Il suffit de regarder les scores du Front National pour s’en convaincre. Dans la société, il s’exprime de manière feutrée, au foot, c’est bien plus spectaculaire. Les actes xénophobes sont ancrés dans l’histoire du PSG et de sa tribune Boulogne. Ses membres, même s’ils ne sont pas tous des fascistes purs et durs, sont liés par la même sensibilité nationaliste et ont tendance à partager l’idée d’être les petits blancs lésés par la société. En face de ce bastion blanc, la tribune Auteuil, avec ses différents groupes ultras, compte par contre des supporters aux origines diverses et variées.

Cela dit, le supporter blessé par balle qui, lui, s’en est sorti, s’appelle Mounir…

C’est le même phénomène lorsqu’une chanteuse noire se produit au meeting du Front National, ou quand l’humoriste Dieudonné serre la main de Jean-Marie Le Pen. Ce n’est pas du racisme viscéral, les gens de Boulogne comme les sympathisants FN en veulent à ceux qui, d’après eux, ne veulent pas s’intégrer. La police estime à 200 le nombre d’individus dangereux dans le kop de Boulogne. Mais autour d’eux gravite une masse non quantifiée de suiveurs potentiels. A l’origine, la tribune offrait les places les moins chères, elle était donc la plus populaire. Aujourd’hui, il n’y a pas de profil type, on y retrouve un mélange de chômeurs, d’employés, d’étudiants, de cadres…

Ce dernier acte raciste a atteint une gravité extrême. Est-on en pleine escalade ?

La mort du supporter parisien après la rencontre face à Tel-Aviv a éclairé d’une lumière plus vive encore les actes qui se déroulent aux abords du Parc des Princes tous les quinze jours et qui sont de véritables ratonnades. Des supporters partent à la chasse aux non-Blancs, dans le métro, dans les rues… Je pense que ces faits marquants sont cycliques. Tout cela existe depuis vingt ans. Si le policier n’avait pas sorti son arme, les violences racistes et antisémites d’après match n’auraient eu qu’un vague retentissement dans les rubriques faits divers. Les gens s’intéressent à la question quand il y a un coup d’éclat.

Depuis le temps que ça dure, le PSG ne semble pas prendre le problème à bras le corps, est-ce par souci commercial ?

Pas moins de 12 000 personnes peuplent les deux tribunes. C’est clair qu’ils ont un pouvoir énorme. Les groupes comme les Boulogne Boys ou les Tigris du côté d’Auteuil, sont organisés selon la loi sur les associations de 1901. Cela signifie qu’ils ont leur président, leur secrétaire et leurs militants.

Contrairement aux grandes villes comme Paris, Lyon, Lille ou Strasbourg où des actes racistes sont commis dans les stades, à Marseille, il n’y en a pas. Comment expliquez-vous cela ?

Malgré les résultats importants obtenus par le FN, l’OM ne compte pas de groupes de supporters d’extrême droite. Au contraire, certains groupes affichent leur antiracisme. Je pense que cela s’explique par l’existence d’une identité marseillaise très forte à laquelle les supporters tiennent énormément. Cela dit, ils n’ont pas hésité à canarder de bananes Joseph-Antoine Bell, ex-gardien marseillais, lors de sa venue au Vélodrome avec Bordeaux. Bon, il faut certainement plus y voir une punition pour avoir trahi leurs couleurs.

Ailleurs aussi, on rencontre des phénomènes de racisme graves.

Dans les pays de l’Est, le racisme s’exprime plus ouvertement encore, notamment à l’encontre des Roms. De plus, les autorités n’ont pas toujours les réactions adéquates lors de rencontres. En Italie, pays d’émigration devenu terre d’immigration, on observe un renforcement identitaire qui se traduit par une montée du racisme dans les stades.

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