« L’idéal, pour moi, c’est tout le flanc gauche en 3-5-2 »

Rencontre avec la nouvelle recrue égyptienne du RSCA, Tarek El Said.

Si l’exactitude est la politesse des rois, Tarek El Said (23 ans) fait assurément partie des grands de ce monde. A dix-neuf heures précises, comme convenu, le nouveau transfuge anderlechtois fait son apparition dans le hall de l’hôtel Baron à Heliopolis, sis en banlieue du Caire. Son mérite est d’autant plus grand que, deux heures et demie plus tôt à peine, il se trouvait encore dans l’avion ramenant dans la capitale égyptienne son club, le Zamalek, parti à Kikwe, en Zambie, affronter les Kana Red Devils en huitièmes de finale de la Coupe des Coupes. Une entreprise que les joueurs cairotes ont d’ailleurs menée à bonne fin, puisqu’après s’être imposés par 2 à 0 dans leurs installations, ils ont partagé l’enjeu, 2-2, lors de ce déplacement au sud du continent africain.

Tarek El Said n’est pas venu seul au rendez-vous. Dès son retour au pays, il a pris soin de contacter Inas Mazhar, rédactrice en chef de la rubrique sportive du magazine Al Ahram Weekly, version anglophone du quotidien arabe du même nom. Il estime que sa maîtrise de l’anglais n’est pas suffisante pour réaliser une longue interview. A tort, selon nous.

Tarek El Said: J’ai encore un contrat jusqu’au 30 juin mais depuis la fin du championnat, à la mi-mai, je n’ai plus disputé la moindre rencontre pour ce club. Si j’ai accompagné le team à Kikwe, c’était tout simplement par hommage de la direction envers moi, pour services rendus. Je n’étais d’ailleurs pas qualifié pour ce match retour, étant donné que j’avais écopé d’une carte jaune fatale à l’aller. Pour moi, ce fut donc un voyage d’agrément (il rit).

Votre saison n’est pas finie pour autant puisque l’Egypte est appelée, durant les semaines à venir, à disputer plusieurs joutes importantes, tant dans le cadre des qualifications pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2002, au Mali, que pour la Coupe du Monde.

Compte tenu de notre victoire récente contre le Soudan, 3-2, il est désormais acquis que nous participerons à la CAN. Notre dernier match de poule, face à la Côte-d’Ivoire, sera un match de prestige, entendu que les Eléphants, qui ont battu la Libye 0-3 à Tripoli, et nous-mêmes, sommes assurés de prendre part à l’épreuve malienne. En revanche, notre situation est beaucoup plus précaire en éliminatoires de la Coupe du Monde. A la faveur des trois parties qu’il nous reste à livrer, le 30 juin au Maroc, le 15 juillet chez nous devant la Namibie et le 27 juillet en Algérie, il nous faudra prendre sept points sur neuf pour terminer en tête. A cet égard, la confrontation que nous jouerons à Casablanca, à la fin de ce mois, sera très importante.

Deux jours plus tard, le 2 juillet, vous êtes attendu pour la reprise des entraînements à Anderlecht…

La fatigue, c’est essentiellement psychique. Un joueur la ressent lorsque son team ou lui traverse une moindre passe, par exemple. Sous cet angle-là, je n’ai pas à me plaindre. Car tant le Zamalek que moi-même avons réussi au-delà des espérances cette année. Le club en remportant le titre, une performance qui ne lui était plus arrivée depuis 1993, et moi en effectuant la meilleure saison de ma vie. Dans ces conditions, j’ai vraiment envie de faire durer le plaisir (il rit).

Comment expliquer que le club et vous-même ayez été à ce point inspirés ces derniers mois?

Après sept longues années de vaches maigres, la direction avait mis les petits plats dans les grands, l’été passé, en vue de stopper l’hégémonie, en championnat, du grand rival, Al Ahly. A cette fin, elle avait témoigné d’une activité débordante en matière de transferts en s’assurant les services de cinq éléments de première valeur : Tamer Abdel Hammed et Waleed Abdel Lateef, de Mansoura, et Mohamed El Hasan, d’Al Masry, tous membres de l’équipe olympique, par ailleurs. Mais les deux acquisitions les plus retentissantes furent, à coup sûr, celles des jumeaux Ibrahim et Hossam Hassan, passés ni plus ni moins d’Al Ahly dans nos rangs. En réalité, les dirigeants de ce club ne voulaient plus leur proposer un nouveau contrat, en raison de leur âge avancé: 34 ans. Les responsables, chez nous, profitèrent de l’aubaine pour leur soumettre un engagement. Et ce fut un coup dans le mille car Al Ahly se révéla méconnaissable sans ces deux-là, tandis qu’ils brillèrent d’un éclat sans pareil chez nous. Personnellement, si j’ai acquis une nouvelle dimension, ces derniers mois, c’est dans une large mesure à eux que je le dois. Ibrahim n’a pas son pareil, en Egypte, pour alerter à bon escient un partenaire. Quant à Hossam, ses déviations, comme pivot, auront été du pain bénit pour moi. Bon nombre des treize buts que j’ai inscrits résultaient de ses déviations. Avec lui, j’aurai souvent été à la fête. Si j’ai un regret concernant ma trajectoire au pays, c’est de ne pas l’avoir eu plus tôt comme coéquipier. Vu la rivalité entre les deux clubs, c’eût été impossible, de toute façon. Car aucun joueur, chez nous, ne passe en pleine gloire de l’un à l’autre. C’est impossible.

Quelle fut votre trajectoire au Zamalek après votre admission, en 1989?

Pendant quatre ans, mon père m’a véhiculé aux entraînements trois fois par semaine. Je me partageais donc entre mes études, à Tanta, et mes activités de footballeur au Zamalek. Par la suite, j’ai été incorporé dans une école d’élite de la fédération, au même titre que d’autres jeunes qui ont, depuis lors, fait eux aussi leur chemin. Comme Ayman Abdelaziz, actif à Kocaelispor, en Turquie ou Ahmed Salah Hosny, qui joue à présent au VfB Stuttgart. J’ai fait mes débuts en équipe Première à une date que je n’oublierai jamais. Et pour cause, puisque c’était le 1er janvier 1997. J’avais dix-huit ans et mon entraîneur chez les Espoirs, Mahmoud Abou Rigila, plaidait ma cause depuis plusieurs semaines auprès du coach principal, Ruud Krol. Celui-ci me réserva en définitive un magnifique cadeau pour la nouvelle année (il rit). Dès cet instant, je n’ai plus jamais quitté la formation représentative du club. Près de trois ans plus tard, en décembre 1999, j’ai joué mon maiden-match chez les Pharaons, contre la Zambie. L’ancien entraîneur de Marseille, Gérard Gili, venait de succéder à Mahmoud El Gohari à ce moment et sa première préoccupation fut de m’appeler en sélection.

Quel entraîneur vous a le plus influencé?

Otto Pfister, qui a succédé à Ruud Krol. Il a modifié le système tactique de l’équipe de 4-4-2 en 3-5-2, et cette formule aura été tout particulièrement bénéfique pour moi. Avec Ruud Krol, il m’incombait de rentrer le plus souvent possible dans le jeu afin de libérer le couloir gauche au profit du back, Abdel Menem. Au moment où l’Allemand a repris l’équipe en main, il s’est prononcé en faveur d’une défense à trois avec Farouk, Hassan et Bashir. Moi-même, j’avais entière liberté de manoeuvre sur le flanc, et sur base de mes incursions dans cette zone, j’ai pu délivrer une douzaine d’assists. Au moment où El Gandhour, la véritable plaque tournante du Zamalek, en début de saison, s’est blessé, j’ai été amené à reprendre son rôle comme soutien d’attaque. Avec succès puisque, dans cette attribution, j’ai inscrit six de mes treize buts. Quatre autres furent scorés sur des penalties ou des coups francs, qui constituent ma spécialité.

A quoi correspond le footballeur Tarek El Said?

Il est toujours difficile de parler de soi. Je pense avoir une technique au-dessus de la moyenne et un bon dribble. J’ai des qualités d’endurance aussi, qui me permettent de multiplier les allers et retours sur mon aile. Et, comme je viens de le signaler, je ne suis pas maladroit sur les phases arrêtées.

Hormis Anderlecht, d’autres clubs s’étaient-ils intéressés à vous par le passé?

Il y eut une offre concrète de Nantes, l’année dernière, mais elle fut repoussée par la direction du club car jugée insuffisante. Les Canaris étaient prêts à débourser 650.000 dollars en échange de mes services mais les dirigeants en réclamaient plus d’un million. Le Sporting, lui, a bel et bien consenti ce débours.

Que saviez-vous d’Anderlecht avant de vous lier à ce club?

Depuis qu’Ibrahim Nader El Sayed joue à Bruges, le football belge ne fait plus figure d’inconnu en Egypte. J’ai même suivi pas à pas le parcours extraordinaire du Sporting en Ligue des Champions. Pour moi, c’est un immense bonheur de faire partie d’un club qui a battu Manchester United, la Lazio Rome et le Real Madrid. J’espère qu’en 2001-2001, j’aurai l’occasion de m’illustrer moi aussi sur cette scène et de rencontrer l’un ou l’autre grands d’Europe. Je rêve, en tout cas, de pouvoir jouer tôt ou tard avec les Bruxellois contre le FC Barcelone. Car c’est tout bonnement mon club favori. Le football déployé par les Catalans est, à mes yeux, le plus beau du monde.

Vous avez un joueur de prédilection là-bas?

Rivaldo. Ici, beaucoup me surnomment d’ailleurs le « Rivaldo égyptien », car je suis gaucher et technique comme lui, et que mon profil, toutes proportions gardées, évidemment, ressemble au sien (il rit).

Théoriquement, vous n’auriez pas dû être le seul transfuge égyptien au RSCA cette saison. Ahmed Hossam a toutefois préféré signer à l’Ajax d’Amsterdam. Dans quelle mesure cette décision vous chagrine-t-elle?

Il m’aurait plu, bien sûr, de le retrouver au Parc Astrid car en l’espace d’une demi-douzaine de joutes au Zamalek, autrefois, nous avions démontré notre complémentarité. Celle-ci ne se vérifiera donc plus qu’en équipe nationale où nous jouerons gros jeu le mois prochain. Car après avoir loupé les rendez-vous de la Coupe du Monde en 1994 et 1998, nous devons à tout prix répondre présents en Corée et au Japon en 2002.

Bruno Govers, envoyé spécial au Caire

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