L’HONNEUR PERDU DE LA DIVISION D’HONNEUR

L’élite du football néerlandais – appelée Eredivisie ou Division d’honneur – perd tout sens critique à l’égard des propriétaires de clubs. La moitié des formations professionnelles a déjà vendu ses parts.  » Il serait irresponsable de ne pas y réfléchir.  »

Hans Nijland a fait volte-face à Groningue. Alors que par le passé, le club s’était toujours montré réfractaire aux investissements étrangers, il s’est subitement ouvert à une reprise. D’un coup, le directeur, jusqu’alors farouchement opposé à un apport extérieur, a vu ses concurrents le dépasser. Des clubs comme l’AZ Alkmaar, Vitesse Arnhem, le FC Utrecht et ADO La Haye se sont dopés financièrement, en vendant leurs parts à des investisseurs. L’Eredivisie s’est ainsi muée en Tour de France à l’ancienne, roulant à deux vitesses. Sans dopage, impossible de suivre.

 » Comment rivaliser ? « , s’est demandé Nijland.  » Il serait irresponsable de ne pas envisager d’accepter des investisseurs.  » Il semble, dans la foulée, que tout le football professionnel néerlandais perde ses a priori. Il y a cinq ans, une enquête avait révélé que les clubs néerlandais n’étaient pas disposés à s’associer avec des milliardaires, voulant rester maîtres chez eux.

Entre-temps, la situation a radicalement changé. 17 des 34 clubs des deux premières divisions sont déjà vendus, en partie ou en totalité, et des grands clubs se sont mis en vitrine. Seuls sept clubs restent opposés à une reprise.

Un club du subtop pour moins de 10 millions

Le PSV est le plus illustre des opposants alors qu’il a été le premier à bénéficier de fonds extérieurs.  » Nous sommes maîtres de notre sort et le resterons « , proclame le directeur du club, Toon Gerbrands, qui occupait le même poste à l’AZ quand celui-ci a été entraîné par la chute de son président, DirkScheringa. Les investisseurs s’étaient abattus sur le club comme des vautours. Il avait envoyé les plus sérieux au curateur.

 » Celui-ci avait commandé une enquête, comme on le fait en Premier League.  » La vente n’a pas eu lieu. Quelques mois plus tard, un de ces candidats reprenait Vitesse. De fait, une révolution est en cours. Le président de Venlo, Hai Berden, prédit que  » tous les clubs seront en mains privées dans cinq ans « .

Le public déserte les stades, les droits TV plafonnent. Banques et communes sont réticentes. La seule façon d’attirer des capitaux est de vendre des parts. On peut acheter un club du subtop pour moins de dix millions. Licence comprise, car la fédération n’est pas difficile.

Tous ceux qui ont des sous sont les bienvenus dans les loges. Le milliardaire Salar Azimi, récemment en visite à Ostende, a assisté à Roda JC-Ajax en tribune d’honneur. Il a discuté avec l’actuel propriétaire de Roda. Azimi est l’homme qui a parqué une Lamborghini argentée d’une valeur d’un demi-million à Breda et a offert aux joueurs du NAC une prime de montée de 100.000 euros.

La FIFA qualifie ces personnes de  » gens sortis de nulle part qui injectent des quantités astronomiques d’argent dans le football.  » En 2017, l’UEFA a signalé que de plus en plus de clubs européens étaient achetés. Onze clubs néerlandais ont déjà été complètement rachetés. En vendant plus de 51 % de leurs parts, ils ont perdu toute autorité. Six autres clubs ont cédé une minorité de parts.

Porte ouverte au blanchiment d’argent

Aux Pays-Bas, il s’agit surtout de personnes fortunées, issues de la même région que le club. Mais souvent, c’est un premier pas vers une reprise étrangère, comme Arnhem, La Haye et Kerkrade le prouvent. Il n’y a rien de mal à ça pour autant qu’on puisse contrôler l’origine des fonds et les antécédents des propriétaires. Las, d’après l’UEFA ainsi qu’un département d’Europol, c’est rarement le cas en football, ce qui ouvre la porte aux abus et au blanchiment d’argent.

Il reste néanmoins encore sept clubs aux Pays-Bas qui ne sont pas à vendre : le PSV, Heracles, Heerenveen, Eindhoven, le MVV, le RKC et Volendam. Les Néerlandais ne peuvent pas imposer un modèle à l’allemande, où le règlement stipule qu’un club ne peut vendre plus de 49 % de ses parts, puisque la plus grande partie des clubs sont déjà aux mains d’investisseurs.

L’état des lieux en Division d’honneur

Le PSVEindhoven a sans doute été le premier club à s’être tourné vers un propriétaire. Il ne s’appelle pas Philips Sport Vereniging pour rien. Un siècle plus tard, le leader actuel du championnat est son propre maître. Le directeur Toon Gerbrands :  » Nous n’avons plus de propriétaire depuis que Philips a mis fin à son sponsoring principal. Une société chinoise s’est présentée pour acquérir 10 % des actions.  » Il se demande ce qu’un propriétaire apporterait au club actuellement.  » Imaginez que quelqu’un amène 30 ou 40 millions. Ça ne mène à rien en Europe. Certains clubs ont des budgets de plus de 700 millions.  »

L’ AjaxAmsterdam est le seul club néerlandais coté en bourse. Il a intégré l’Euronext Amsterdam en 1998. Il détient 73 % de ses actions, le reste est négociable. L’assureur NN Group et la société américaine Invesco sont les principaux actionnaires, avec chacun 5 %.

L’ AZAlkmaar a été le premier club d’Eredivisie en mains privées. Le revers de la médaille est apparu quand le banquier Dirk Scheringa a entraîné l’entité dans sa chute. L’AZ est revenu dans le subtop par lui-même mais le directeur Robert Eenhoorn rouvre la porte aux investisseurs. Mais plus à une seule personne :  » Nous croyons plutôt à des actionnaires minoritaires.  »

FeyenoordRotterdam a été sauvé par des amis fortunés, un groupe de supporters, il y a sept ans. À sa tête, le millionnaire Pim Blokland. En échange d’une injection de trente millions, le groupe de trente personnes a obtenu une minorité de 49 % des parts de Feyenoord et deux postes au sein du conseil des commissaires. Redevenu sain financièrement, Feyenoord veut commencer à racheter ses parts.

Le PECZwolle n’est plus opposé à une vente mais le président Adriaan Visser n’en voit pas la nécessité actuellement.  » Nous investissons beaucoup dans le staff technique et dans un directeur technique. Ce modèle ne convient pas à quelqu’un qui nous offrirait vingt millions. Nous ne voulons pas faire de folies.  »

Frans van Seumeren, d’Harmelen, s’est rendu célèbre en renflouant un sous-marin mais le redressement du FC Utrecht est autrement plus difficile. Le propriétaire du club affirme avoir déjà perdu quelque 40 millions. Un prix élevé pour trois campagnes en Europa League. Pourtant, il ne pense pas un instant à vendre le club, malgré des offres de Chine, du Moyen-Orient, du Qatar, de Russie et d’Amérique. L’entrepreneur n’en a pas moins écoulé 20 % de ses parts à des investisseurs supporters du club.

VitesseArnhem a été la première entité en mains étrangères. Ça lui a valu une mauvaise image mais aussi un portefeuille bien rempli, qui lui a permis de réaliser de gros transferts, malgré des pertes énormes.  » Le capital permet de conserver ses jeunes « , déclare le directeur Joost de Wit, qui estime que plus de clubs devraient céder à l’étranger.  » Pourquoi exclure les investisseurs étrangers ? Il n’y a rien de mal à les accepter, pour autant que la culture du club soit protégée. Nous sommes le seul club à posséder, avant la saison, l’argent nécessaire. Nous avons aussi la garantie que le propriétaire, Aleksandr Tshigirinski, reste responsable des finances pendant 18 mois s’il venait à arrêter. Si plus de clubs attiraient ainsi des capitaux, nous pourrions peut-être suivre les Belges, les Autrichiens et les Turcs.  » Avec un avantage important, selon lui :  » Ce n’est pas un secret. Le propriétaire a investi 140 millions ici. On nous montre du doigt mais notre argent ne vient pas de la province ni de la commune. Contrairement au FC Twente, nous n’avons pas été sauvés par une garantie des autorités. Vitesse n’est pas un club subsidié. C’est mieux pour la société, à mon sens.  »

Des Chinois se sont présentés au SCHeerenveen, en 2015. BSIM (Beijing Successful Investment Management) voulait injecter trente millions dans le club. Selon ses propres dires, BSIM finançait divers projets de construction en Afrique et voulait s’implanter en Europe par le biais du football. Heerenveen a été le premier à gagner le soutien des PME de sa région et a refusé de se vendre.

Le premier flirt du FC TwenteEnschede avec des investisseurs étrangers a tourné au cauchemar. Le fonds maltais Doyen a failli être le dernier clou du cercueil. Mais si un club est prêt à être repris, c’est bien le FC Twente, qui aspire à revivre, avec son nouveau stade. Comme Vitesse et l’AZ, le club a chèrement payé son désir d’intégrer l’élite néerlandaise.

Le NAC Breda appartient à trois actionnaires possédant ensemble une majorité de 56 % et à 18 petits actionnaires pour le solde. Le club collabore également avec Manchester City. Dans le passé, une série de ces investisseurs minoritaires se sont fâchés parce que les trois  » grands  » – les barons de la navigation Wim van Aalst et Rob van Weelde ainsi que le fabricant de jeans Paul Burema – ne les avaient pas informés sur un éventuel acheteur provenant d’Indonésie.

HeraclesAlmelo n’est pas à vendre. Le directeur Nico-Jan Hoogma, en partance :  » Notre club appartient aux supporters et ça ne changera jamais.  »

L’ ExcelsiorRotterdam reste une fondation mais une vente est  » négociable « , selon le directeur Ferry de Haan.  » Je ne préfère pas mais il faut toujours discuter avec les gens.  »

L’ ADOLa Haye jubile. Il est en mains privées depuis dix ans. Mark van der Kallen en a eu la primeur. Il a lancé la discussion aux Pays-Bas, après avoir réalisé un gros bénéfice par une vente à United Vansen. Hélas, il n’a rapidement plus été question d’un United ADO. Ça a commencé avec un patron chinois et des rêves européens, ça a fini en guerre des tranchées. Le véritable propriétaire reste dans l’ombre mais une chose est sûre : il a beaucoup d’argent.

Le président du Venlo VV, Hai Berden, s’opposait à une vente mais le Limbourgeois de 68 ans n’est pas aveugle.  » Dans cinq ans, tous les clubs seront en mains privées. Ces gens sont passés ici aussi. Ils considèrent le club comme un investissement. Je suis contre. Mais je réalise aussi que de plus en plus de clubs tombent dans des mains privées. Le VVV appartient à tout le monde mais nous devons étudier comment impliquer des sociétés et des entreprises. Les supporters pourraient acheter des certificats de diverses valeurs, en fonction de leurs moyens. Ce qui compte, c’est que personne n’obtienne plus de 50 %.  »

 » Avant, on achetait un bateau, maintenant, c’est un club « , a déclaré le directeur de Willem II Tilburg, Berry van Gool, sur le site du club, après l’arrivée d’un Russe à Roda. Ça ne signifie pas que Willem II soit opposé à des capitaux étrangers.  » Nous ne devons pas nous braquer. L’Angleterre a un championnat fantastique, avec des propriétaires privés.  » Willem II a été approché à cinq reprises en quatre ans.  » J’ai déjà discuté avec un Chinois et un Qatari. Leur volonté ? Celui qui paie décide.  » C’est compliqué à Tilburg, avec une fondation qui gère les parts et un conseil. Van Gool se dit  » curieux mais réaliste. Je n’ai pas encore entendu de récit convaincant.  »

Frits Schrouff a sauvé Roda JCKerkrade et a obtenu des parts en échange mais il reconnaît s’être laissé entraîner. Après avoir claqué quelques millions, il ne demande qu’à se débarrasser du club des mineurs. Même s’il doit le céder à l’ancien détenu Aleksei Korotaev. Manifestement, Roda ne lit pas les rapports d’Europol ni de l’Union Européenne. La direction a fièrement annoncé qu’un repreneur indien s’était aussi manifesté et qu’elle ne pariait pas sur un seul cheval. Pas si fou. Schrouff est propriétaire pour trois ans maximum, un délai qui arrive à terme en décembre.

Le FC Groningue ? A vendre.  » Nous nous heurtons de tous côtés à des offres privées « , commente le directeur Hans Nijland.  » Il serait irresponsable de ne pas y réfléchir.  »

17 % des parts du Sparta Rotterdam sont détenues par quatre investisseurs néerlandais. Le solde appartient au club mais dans son bilan annuel, il annonce vouloir vendre d’autres parts. Le Sparta respecte la règle d’or de  » 50+1 « , chère aux clubs de Bundesliga.

Ajax-PSV : les deux clubs résisteront-ils encore longtemps aux envahisseurs ?
Ajax-PSV : les deux clubs résisteront-ils encore longtemps aux envahisseurs ?© BELGAIMAGE
L'HONNEUR PERDU DE LA DIVISION D'HONNEUR
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© Ontwerpatelier/Elroy Klee
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