L’HOMME TOURMENTÉ

Absence de ligne de conduite, hésitations en tout genre, résultats piteux : analyse de tout ce qui ne tourne pas rond à Anderlecht. Et quid de l’avenir ?

Scènes de joies sur le terrain, poings rageurs sur le banc, même l’attaché de presse David Steegen, en vrai supporter, exulte. David Pollet vient d’inscrire son premier but en mauve et blanc et offre le partage à ses nouvelles couleurs dans les arrêts de jeu. Dès le coup de sifflet final, Herman Van Holsbeeck s’en mêle lui aussi, et débarque sur le terrain pour taper dans les mains des Anderlechtois. Une scène qui contraste avec les joueurs courtraisiens réunis autour de leur coach, Hein Vanhaezebrouck, multipliant les grands gestes de désapprobation suite à ce qu’il estime être deux points bêtement galvaudés. La scène a de quoi surprendre quelque peu : Anderlecht qui sourit après avoir refait surface, au caractère, chez un adversaire qui n’avait pourtant que rarement brillé ces dernières semaines (8 points sur 30 avant la rencontre).

L’émotion évacuée, le climat est quelque peu différent : Anderlecht affiche un triste bilan de 4 points sur 12 depuis la reprise et laisse semaine après semaine le Standard s’envoler. Les mines réjouies après l’égalisation sont vite retombées : réserviste pendant 88 minutes, DennisPraet est le premier à rejoindre le bus, évitant toute question de la presse, Sacha Kljestan passe lui aussi en coup de vent par la zone mixte où la presse poireaute, rejoint aussi vite par Bram Nuytinck. John van den Brom ne fanfaronne pas non plus. À raison. Ce partage aux forceps ne masque pas un bilan famélique de 13 revers toutes compétitions confondues depuis l’entame de la saison et de 27 points perdus sur les 75 mis en jeu en championnat.

Quand en conférence de presse, Big Hein titille avec ironie le discours de JVDB, qui rappelait les occasions multiples créées en fin de rencontre, l’entraîneur batave s’irrite, réplique, et vide sa pintje, excédé. Avant de rejoindre le car, les supporters locaux le provoquent à leur tour et lancent des  » Standard Champion « . Vraiment pas simple la vie de John van den Brom ces dernières semaines…. D’autant que les critiques fusent de plus belle. Sans la jolie reprise de volée de Pollet, son sort aurait-il été scellé ? Rien n’est moins sûr. Et pourtant, son cas est de plus en plus difficilement défendable.

Tournante involontaire

A Courtrai, John van den Brom a ressorti un 4-4-2 après la déconvenue du Lierse. Retour de Cyriac dans le onze et milieu de terrain new look, en losange cette fois avec Ronald Vargas à sa pointe. Depuis le début de saison, JVDB cherche la bonne formule. Hormis sur la fin 2013, le coach champion a multiplié les variantes. Si les critiques se sont abattues sur Guy Luzon et sa fameuse tournante, les résultats actuels lui donnent raison. A l’inverse, la tournante est involontaire chez Van den Brom. Ne faudrait-il pas plutôt parler de tourmente ? Cette recherche perpétuelle de la bonne formule : 4-3-3, 4-2-3-1, 4-4-2, tout y est passé, les joueurs ont été ballottés, titularisés, mis sur le banc, ou renvoyés chez les Espoirs à l’image de Luka Milivojevic pourtant censé être  » une version améliorée de Lucas Biglia « , dixit Herman Van Holsbeeck.

Plus étonnant encore, l’absence de ligne de conduite.  » Pourquoi changer une équipe qui gagne ? « , déclare Van den Brom à Extra-time (VRT) après le succès face à Bruges avec deux pointes avant de ne titulariser que Mitrovic au Lierse alors que Cyriac se disait fit et prêt à jouer. Et puis pourquoi vanter les mérites de Andy Najar – pointant son énorme abattage – après son match face aux Blauw en Zwart dans le milieu du jeu au côté de Guillaume Gillet, pour le replacer sur le côté la semaine suivante, puis le retirer du onze de base à Courtrai ? Après 25 matches de championnat, Anderlecht en est encore à l’heure des expérimentations. Et souvent à l’emporte-pièce. Preuve en est :  » J’ai été surpris d’être titulaire face au Lierse. Je l’ai appris peu avant la rencontre « , expliquait DemydeZeeuw. Même chose pour Najar une semaine plus tôt, face au Club, titularisé au milieu de terrain, un poste tout nouveau pour lui et tactiquement délicat.  » En tant que joueur, on aime toujours avoir une certaine stabilité « , rappelait cette semaine le capitaine GuillaumeGillet à la presse. Eh bien, c’est raté.

JVDB, le dilettante

Ce que personne ne peut, en revanche, lui reprocher, c’est d’être un entraîneur dictatorial. ? Gillet toujours :  » Le coach aurait pu être encore plus dur avec nous. Mais c’est quelqu’un de foncièrement gentil.  » ? Silvio Proto :  » Il écoute beaucoup. Si on trouve que quelque chose n’est pas bon, on lui en parle, il pèse le pour et le contre, puis il prend une décision. Il fait sa théorie d’avant-match puis demande ce que nous en pensons.  »

Décidé à reconduire son 4-4-2 face au Lierse, il aurait été invité par un membre du club à ne jouer qu’avec une seule pointe. Il est également étonnant de voir que les consignes tactiques sont généralement communiquées aux joueurs pendant la rencontre par Besnik Hasi, le pendant rigoureux de JVDB le dilettante, souvent figé et scotché à son banc. Même si certains joueurs, notamment De Zeeuw, après avoir pris l’eau à Benfica, ont souligné son absence de lignes directrices et ses choix surprenants, le groupe n’est pas prêt à se rebeller ou laisser tomber son coach. Van den Brom est un coach resté joueur, qui propose habituellement des séances d’entraînement plutôt ludiques.  » JVDB ou un entertainer davantage qu’un entraîneur ?  » comme le pointait joliment Frédéric Larsimont dans Le Soir.

Le foot n’est pas une science exacte et Van den Brom le prouve semaine après semaine. Il préfère se fier à son instinct, parfois basique : par contre quand on marche sur ses plates-bandes, il se fâche. Demandez à l’ex-préparateur physique Mario Inaurato ce qu’il en pense, lui qui fut licencié l’an dernier pour  » incompatibilité « . Les séances vidéos, très peu pour lui – même si Chancel Mbemba soulignait l’utilité de l’expérience après le succès face à Bruges – tout comme le travail des phases arrêtées défensives ou offensives où Anderlecht est d’une faiblesse inquiétante. Là où le Standard de GuyLuzon, en revanche, fait parler la poudre. Plus frappant encore, l’absence d’automatismes, de jeu construit. Il est désormais habituel de voir les joueurs les mains au ciel, se rejeter la faute les uns sur les autres.

On s’étonnera aussi de voir l’avènement tardif de Mbemba, meilleur mauve de la saison. L’an dernier déjà, le Congolais étalait toute sa classe en réserve mais n’était jamais invité en équipe première. Le coach batave préférait Nuytinck, un transfert onéreux (3 millions d’euros), qu’il avait réclamé suite à la qualification la saison dernière pour la Ligue des Champions. Le retour d’Anthony Vanden Borre est aussi surprenant. Considéré comme le troisième choix par son coach qui pointait encore son retard de condition en novembre, il a intégré l’équipe un peu par hasard, profitant de la blessure de Gillet face au Standard. On peut, dès lors, s’étonner de la rapide réussite du Ket dont l’avenir en mauve paraissait bouché ; le joueur, lui-même, attendait janvier afin de rebondir ailleurs.

Pourquoi est-il toujours là ?

La question que beaucoup de supporters se posent : comment reste-t-il en place après un tel bilan ? Les exemples de coaches passés à la trappe pour moins que ça sont pourtant légion au Sporting. Mais Van den Brom peut compter depuis ses débuts sur un ardent défenseur et non des moindres : Herman Van Holsbeeck. Celui-ci déclarait encore il y a un an :  » Van den Brom est l’homme le plus important d’Anderlecht.  » Malgré les piteux résultats en Championnat, en Coupe de Belgique et en Coupe d’Europe, l’idée d’une saison de transition, un terme peu usité dans l’histoire du club, a fait son chemin.

Et puis, Van Holsbeeck aime rappeler que le Sporting est une équipe d’avenir – le Standard n’est pas bien plus vieux – composée de jeunes tous lancés par le coach hollandais, une pépinière qui devrait rapporter gros. Et pourtant, Massimo Bruno connaît des hauts et des bas, alors que Dennis Praet, pourtant brillant sur la fin d’année 2012 coince sérieusement depuis un an. Youri Tielemans, logiquement encore un peu tendre à 16 ans, peine, lui, à répéter les prestations du début de saison. Le président Roger Vanden Stock reste un soutien de poids pour Herman Van Holsbeeck à qui il a toutefois été demandé par le conseil d’administration, Alexandre Van Damme en tête, de diminuer une masse salariale qui grève plus de 60 % du budget. Les départs de Milan Jovanovic, DieumerciMbokani, ou Lucas Biglia allaient en ce sens mais il lui est toujours reproché certains salaires comme celui de Dennis Praet (800.000 euros) ou Thomas Kaminski (600.000 euros).

En attendant Dury ?

L’autre homme fort d’Anderlecht, Philippe Collin est bien moins indulgent. Pour lui, le sort de JVDB est scellé. Malgré le nom de coaches étrangers cités (Paulo Sousa, Ralph Rangnick) pour lui succéder, son secrétaire général veut du Belge pour la saison prochaine. Deux noms se dégagent : Besnik Hasi dont on a interdit le passage à Malines, de peur que Van den Brom se sente encore un peu plus perdu, alors qu’il pouvait gagner le double. Si le Kosovar fait l’unanimité dans le club pour son travail, son fanatisme, sa faculté à screener un joueur, certains aimeraient davantage le voir dans le rôle d’un Jean Dockx, fidèle T2 parmi les fidèles. Reste la solution Francky Dury, que Collin rêve d’attirer, mais qui sera délicat d’arracher à Zulte Waregem, lui dont le contrat en tant que manager général court jusqu’en 2023. Et est-ce que Collin aura les armes suffisantes pour imposer ses vues, alors que son statut d’homme de la Fédé prend de plus en plus le pas sur celui en mauve ?

Racisme anti-batave ?

Van den Brom se dit visé par la presse, francophone en particulier, depuis plusieurs mois.  » Il croit être victime d’un racisme anti-hollandais « , raconte l’un de ses proches.  » Il pense que le traitement aurait été différent s’il avait été allemand ou français.  » Ce qui est certain, c’est qu’il ne fait rien pour inverser la tendance, son ambition d’apprendre la langue de Molière semble bien loin. Sur le terrain, il semble également abandonné. L’an dernier, il pouvait encore s’appuyer sur le rôle de Biglia pour réguler l’entrejeu et de Mbokani pour décider d’un match. Cette saison, le milieu prend l’eau régulièrement et personne n’est capable d’être décisif sur une action. Manque de leadership, de classe et d’expérience. Voilà pourquoi l’arrivée de StevenDefour avait été réclamée à cor et à cri. Mais l’ex-Standardman n’a jamais réellement pris en compte l’offre du Sporting d’autant qu’en janvier 2013, Van den Brom avait répété préférer la venue de De Zeeuw à Defour déjà cité. Encore un choix gagnant…

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

Le foot n’est pas une science exacte et VDB le prouve semaine après semaine.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire