L’homme qui a allongé 100 millions

Le président molenbeekois a tout fait pour que le club bruxellois revienne en D1. Il espère ne plus devoir le faire…

Anderlecht et le RWDM n’ont jamais été aussi proches. Les bureaux de la société d’ Erik De Prins, le président du club molenbeekois, jouxtent la propriété de… Michel Verschueren à Grimbergen dans la banlieue de la capitale. Si les deux clubs ne boxent pas dans la même catégorie, le retour du derby réjouira les derniers amateurs de folklore et de zwanze. Après avoir basculé en D2 en mai 1998, le RWDM a ramé et a même failli couler avant de revenir dans la cour des grands. Il a commis quelques erreurs de casting, a dû se serrer la ceinture et jongler avec des régulières rumeurs de faillite.

Le come-back a été tellement difficile à effectuer que personne au stade Machtens n’ose envisager un aller-retour. Certainement pas le président qui a repris les rênes d’un club financièrement à la dérive et sportivement dévalué en août 98 et qui y a depuis lors investi de manière intensive. A quelques jours de la reprise du championnat, avec un déplacement à Lommel, il fait passer le message: le RWDM va mieux mais doit encore être vigilant.

Comment devient-on président d’un club qui, depuis plus d’une décennie maintenant, doit faire face à des difficultés budgétaires? Erik De Prins est un homme d’affaires averti mais son dada, c’est le football : « Je suis né à Etterbeek et j’ai effectué mes études dans un lycée de Laeken. Même si mes parents ont déménagé à Grimbergen quand j’avais six ans, j’ai la fibre bruxelloise. Enfant, j’assistais avec mon grand-père aux matches du Daring dans le stade Bossaert. Certains s’achètent un yacht à la côte d’Azur ou entretiennent une maîtresse; moi, c’est le RWDM. Il y a sept ou huit ans, l’un de mes fils évoluait dans les équipes d’âge du club et le père de Daniel Renders-NDLA: aujourd’hui membre du staff d’Anderlecht m’a proposé d’occuper un poste vacant: président du comité des jeunes. J’ai accepté sans la moindre arrière-pensée. J’avais déjà été également administrateur du temps du duo MabilleUytterhaegen. Sous la présidence de Gaetan Piret, je suis devenu secrétaire général du club. Quand la descente a été acquise, la Compagnie Immobilière de Belgique, dont Gaetan Piret était le représentant, s’est retirée. J’ai repris la présidence en compagnie de Francis Schoonjans. Sans fausse modestie, je peux dire qu’à deux, nous avons à ce moment-là sauvé le club de la disparition »

Le RWDM a été un des premiers à obtenir la licence

Il est vrai que tout s’effondrait. Le budget était astronomique (130 millions de francs belges) et n’était jamais bouclé. De plus, la chute sportive en D2 entraînait une inévitable perte de revenus tant en droits télévisés qu’en recettes aux guichets. Durant la première année, la direction a voulu conserver son standing afin de revenir dare-dare parmi l’élite. Ce fut un échec cuisant avec des contrats trop élevés comme ceux de Piet Verschelde, Marino Sabbadini ou Yves Buelinckx.

« Nous devions nous serrer la ceinture et cela a pris deux ans pour faire descendre le budget de 130 à 65 millions », reconnaît Erik De Prins. « Nous possédions un staff et une équipe de D1 mais avec des rentrées financières de D2, c’était intenable. Durant cette période, nous avons inévitablement été dans le rouge et nous avons dû jongler avec le budget ».

Selon nos sources, l’investissement personnel du président en trois ans flirte avec les 100 millions de nos francs. Or, depuis cette période, il n’a connu que des déceptions avec, enfin le 1er juin dernier, le billet pour la D1 conquis à l’issue d’un tour final très disputé mais mené de main de maître par Patrick Thairet et ses troupes.

« La saison dernière, le club a connu un moment charnière », lance-t-il. « A l’instar de tous les clubs, nous avons dû introduire notre demande de licence. La date-butoir, du moins le pensais-je à l’époque, était le 28 février. Soit nous faisions tout pour l’obtenir alors que nous n’avions aucune garantie de rejoindre l’élite et l’aventure continuait. Soit nous laissions tomber et c’était la D3 voire pire. Nous avons tout fait pour obtenir ce laisser-passer. D’ailleurs, le RWDM a été un des premiers clubs à qui il fut octroyé. Croyez-moi, cela réclame des efforts. Notamment un plan d’apurement auprès de l’ONSS particulièrement strict. Je pensais que les règles allaient être identiques pour tout le monde mais, avec le recul, j’ai l’impression que l’on a été très dur avec nous et plus souple avec d’autres entités ».

« Pfaff a amené 60 millions à Turnhout! »

Le spectre de la faillite semble s’être éloigné. Le retour en D1 ouvre de meilleures perspectives. Pour la première fois depuis son accession à la président, Erik De Prins ne devra peut-être pas allonger des fonds en fin de saison : « Le budget devrait tourner autour de 100 millions. L’attraction de l’élite est incontestable. Les années précédentes, nous éprouvions les pires difficultés à dénicher un sponsor pour figurer sur les maillots. Cette saison, nous en avons… trois (Daoust Interim, La Ligue du Coeur et All Office Concept). Les droits télévisés, qui allaient disparaître en cas de non-montée, reviennent à une vingtaine de millions. La vente des abonnements est multipliée par cinq par rapport à l’an dernier. L’ascension en D1, cela rapporte environ 50 millions sans que vous fassiez la moindre démarche. Sans oublier la valeur du noyau des joueurs qui prend de la plus-value. Un joueur qui brille en D2 ne vaudra jamais autant qu’un élément qui se met en évidence en D1. Nous avons connu le cas avec Cheikh Gadiaga, vendu au Lierse pour un prix dérisoire ».

Si la D1 génère effectivement des rentrées financières supplémentaires, elle suscite également des dépenses accrues. Mais cette fois, c’est décidé: le RWDM ne vivra plus au-dessus de ses moyens.

De Prins : « Si j’ai un regret à émettre, c’est de ne pas avoir attiré Freddy Smets comme manager sportif plus tôt. La saison dernière, il a réalisé la campagne des transferts avec une enveloppe de 400.000 francs. C’est un cas unique dans les annales puisque l’équipe a rejoint la D1. Cette année, c’est un peu différent mais nous n’avons fait aucune folie. Néanmoins, j’avoue avoir été surpris par les salaires réclamés par certains joueurs en D1. Offrir un contrat de 5 à 6 millions nets, ce n’est pas dans les cordes du RWDM. Point à la ligne. Si Freddy Smets m’émerveille au niveau sportif, Jean-Marie Pfaff en fait de même sur le plan commercial. Son aura est impressionnante et ouvre un nombre plus nombreux de portes que l’on ne pourrait croire. A Turnhout, il a ramené l’an dernier… 60 millions de francs. Récemment, il a rendu visite à un sponsor qui ne désirait pas s’investir et il est revenu avec un contrat. S’il ne s’appelait pas Jean-Marie Pfaff, il n’aurait même pas été reçu. Il a obtenu 2.000 mètres carrés de tapis avec le logo RWDM. Gratos. Un bus venant d’Allemagne à la disposition du club. Gratos ».

Zen, il dit que le RWDM ne descendra pas

En cours de saison dernière, Erik De Prins a vu l’arrivée d’un nouvel administrateur, également secrétaire général du club: Charles Simar. Celui-ci, grand supporter du RWDM devant l’éternel, avait promis l’arrivée d’un groupe d’investisseurs. Où est-on?

De Prins : « Cette piste doit être réactivée et approfondie. Jusqu’à présent, nous n’avons pas travaillé en fonction de l’arrivée de ces personnes mais elles sont les bienvenues. Cela ne pourra que permettre au club d’atteindre ses objectifs et de progresser ».

De Prins ne veut pas croire que le RWDM soit un candidat à la relégation : « Par rapport à il y a trois ans, nous revenons plus forts en D1. Nous sommes mieux structurés et une nouvelle ambiance a été créée avec des collaborateurs qui ont la fibre du club. Des gens pour qui le RWDM n’est pas qu’un travail. Lors de la campagne des transferts, nous n’avons pas voulu faire trop de sentiments. Certains joueurs, qui avaient été très précieux dans notre montée, n’ont pas été conservés parce que nous estimions qu’ils n’avaient pas le niveau de l’élite. Notre noyau a été fortement remodelé mais avec des valeurs sûres ».

A quelques jours de son premier match officiel en tant que président d’un club de D1, Erik De Prins reste zen : « Comment pourrais-je être stressé. Croyez-moi : vivre le championnat de l’élite sera moins stressant que l’an dernier où il fallait monter. Si nous parvenons à accrocher un bon peloton, nous pourrons alors subir l’une ou l’autre défaite sans paniquer. En D2, nous devions gagner tous les matches pour atteindre notre objectif. Preuve que je suis bien dans ma peau de président, je ne connais même pas la date du derby contre Anderlecht ».

C’est le samedi 3 novembre, président.

Jean-Marc Ghéraille

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