L’homme providentiel

Voici comment le défenseur central français s’est rendu indispensable à Charleroi en un an à peine…

La fête a bien fonctionné. Trois jours de cotillons, un match de gala perdu contre Wolverhampton (1-2) mais riche en satisfactions, un dernier transfert d’attaquant ( Adekanmi Olufade, v. cadre) et surtout une grosse envie de vite oublier les déboires de la saison passée. Charleroi veut démarrer la saison 2010-2011 dans la sérénité. Et pas question de se laisser gagner par quelque angoisse que ce soit. La débâcle face à Beauvais (7-1) vendredi ? Pas commentée sur le site internet. Le manque d’expérience au sein du noyau (Olufade constitue le seul joueur de 30 ans et la moyenne d’âge flirte avec les 23 ans) ? Une  » fausse impression « . Au Sporting, on ne veut surtout pas induire le doute dans les esprits d’un noyau en pleine reconstruction et encore traumatisé par la lutte pour le maintien. Surtout à l’entame d’un championnat qui les verra, lors des quatre premières journées, rencontrer Anderlecht, Genk et Gand.

Jacky Mathijssen a placé ses pions. Une nouvelle organisation défensive, des nouvelles règles dans le vestiaire et une confiance accrue envers de nouveaux piliers. Maxime Brillault a été confirmé dans un rôle de capitaine qu’il avait découvert lors du deuxième tour de la saison passée. A 27 ans, l’ancien joueur d’Amiens, arrivé dans le sillage de Sébastien Chabbert, conseillé à Mogi Bayat par Cyril Théréau qui l’avait côtoyé en CFA à Orléans, a donc réussi son examen de capitaine. Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance pour celui qui allait succéder au monument Frank Defays. Au club pendant 10 ans, capitaine depuis 2003, Defays tenait une baraque en plein délabrement depuis le départ de Mathijssen.

 » Sans Defays, le club serait en D2 « , nous avait avoué le gardien français Bertrand Laquait.  » Je pense qu’on n’a pas bien mesuré son apport. Il conseillait les jeunes, calmait les anciens et servait de soupape de sécurité entre le noyau et les dirigeants. Dans son style bien à lui, sans faire de vagues.  »

Tous les joueurs passés par le Sporting n’ont jamais cessé de vanter le travail de Capi. Mogi Bayat lui avait même offert une année de contrat supplémentaire en 2008 alors que Defays restait sur une saison délicate émaillée de blessures. Mogi savait que personne d’autre n’était capable d’éteindre les braises de la contestation et de garder la sérénité au sein du noyau.

Après son départ, le brassard a louvoyé de bras en bras. Lors de sa blessure, John Collins avait choisi de le confier à Adlène Guédioura, en janvier, choix qui brusqua les plus anciens d’autant plus que de fortes personnalités comme Laquait ou Majid Oulmers faisaient encore partie des titulaires. Collins avait voulu donner un nouveau cap à cette équipe en bousculant les habitudes et en confiant le rôle de capitaine à un nouveau venu, Guédioura ayant été transféré de Courtrai quelques semaines plus tôt. Mais le milieu, combattif et endurant sur un terrain, était, en dehors, timide et agaçait ses partenaires par un comportement parfois trop individualiste. Bien loin du modèle que doit prôner un capitaine.

En juin 2009, bien conscient du problème, Stéphane Demol remit le bout de tissu à Oulmers, un des plus anciens du noyau avec Badou Kere. Si le Burkinabé hérita du brassard lors des rares absences (ou suspensions) de Defays, il ne rentra jamais en ligne de compte comme premier rôle malgré son ancienneté. Pourquoi ? Kere n’a jamais été un leader de vestiaire, ni un porte-parole du noyau face aux médias. Sa désorganisation ne lui permettait pas non plus de s’occuper de toutes les tâches extra-sportives qui incombaient à un capitaine. Oulmers était, quant à lui, écouté par toutes les franges du noyau. Son vécu et son caractère de râleur positif plaisaient à Demol.

Pourtant, Tommy Craig bouscula la hiérarchie. Suivant l’exemple de Collins, il marqua son arrivée par un changement de capitaine. Oulmers et Kere n’étant pas appelé à prolonger, Craig offrit le brassard à Brillault, un des plus anciens avec Théréau et Chabbert. Mais Chabbert avait été évincé par Cyprien Baguette et Théréau aurait refusé le rôle.  » C’est vrai qu’il en avait été question « , répond l’attaquant.  » Cela avait été soulevé sans qu’on me le demande directement mais je ne l’aurais pas accepté. Je préférais me concentrer sur mon football car capitaine, cela induit des responsabilités, surtout en dehors du terrain. Brillault est plus apte à gérer ce statut.  »

Ce choix, comme celui antérieur de Guédioura, a fait grincer quelques dents.  » C’est un mec super gentil « , raconte Grégory Christ, transféré cette saison à Saint-Trond.  » Mais j’ai quand même été étonné quand on l’a nommé capitaine. On a manqué un peu de respect à des garçons comme Kere ou Oulmers, depuis bien plus longtemps dans le club. Mais sans doute a-t-on vu en Brillault des qualités que les deux autres ne possédaient pas ? »

 » Au fil de la saison, on a senti qu’il prenait de l’importance  » (Christ)

Brillault : discret, efficace et apprécié du vestiaire. Arrivé sur la pointe des pieds après une relégation en National avec Amiens, celui qui était passé par Rennes, Niort, Orléans et Libourne, a connu quelques moments difficiles lors du premier tour de la saison passée.  » Il découvrait un nouvel environnement « , le défend Théréau.  » Parfois, ceux qui arrivent ont tendance à sous-estimer le championnat belge. Or, se farcir Joseph Akpala et Wesley Sonck lors du premier match, ce n’est jamais facile.  »

 » Il a commis quelques erreurs fatales « , explique l’ancien T2 de Charleroi Michel De Wolf.  » Cela nous avait surpris car c’était surtout sa fiabilité qui était louée à l’époque. Mais il a su se remettre en question et devenir un pion important lors du deuxième tour.  » Ce que confirme Théréau :  » On se parle beaucoup mais il ne s’est jamais lamenté sur ses débuts compliqués. Il n’a pas gambergé et a toujours cru en ses qualités.  »

Car en voilà un qui est sorti grandi des errances de l’année passée.  » En un an, je trouve qu’il est devenu davantage leader « , dit David Vandenbroeck qui l’a côtoyé un mois en début de saison passée avant de le retrouver quelques semaines lors de la préparation.  » Il est ressorti plus fort de l’expérience de la saison dernière. Il avait parfois dû sauver les meubles et se faire entendre.  » Charleroi avait sans doute perdu beaucoup d’illusions mais avait gagné un meneur d’hommes.  » Au fil de la saison, on a senti qu’il prenait de l’importance dans le vestiaire « , dit Christ.

Aujourd’hui, Brillault prend son rôle à c£ur.  » On voit que sa mission lui plaît « , affirme Sandro Cordaro.  » Il assume ses responsabilités et encadre les jeunes. Il ne gueule pas spécialement mais il se fait écouter quand il parle.  » On dit même qu’il a conseillé aux jeunes de ne pas prendre d’appartement dans le centre de Charleroi afin qu’ils puissent mieux se concentrer sur leur métier.

 » C’est un caractère facile, idéal pour un entraîneur « , renchérit De Wolf.  » Mais il sait ce qu’il veut. Quand il a une idée en tête, il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Si l’entraîneur a besoin d’un esprit positif et d’un caractère fort, il n’a pas de souci à avoir : Brillault est là !  »  » C’est un gagneur qui peut s’énerver pour secouer le cocotier. Mais même quand il hausse le ton, c’est toujours avec un esprit positif « , continue Christ. Gentil mais obstiné. La définition parfaite du leader de vestiaire.

 » Il sait parler aux gens « , résume Vandenbroeck.  » Il a pas mal de présence. Cela en a étonné certains qu’on lui remette le brassard. Moi pas, car il faut remettre les choses dans leur contexte. Il était nouveau mais il avait déjà un certain vécu et connu d’autres expériences. Avec lui, on sait communiquer. Il sait tenir une discussion. Il sait de quoi il parle et peut comparer les systèmes belges et français. De plus, il est assez cultivé. Il a du répondant sur tous les sujets. « 

Autre caractéristique importante (par rapport notamment à Oulmers), il joue derrière.  » Parfois, quand cela tourne mal, il vaut mieux que les ordres viennent de derrière « , lâche Vandenbroeck.

Voilà donc le dernier (et le seul ?) héritage de Tommy Craig.  » Pour moi, le maintenir capitaine n’a jamais fait aucun doute « , explique Mathijssen.  » Quand je suis arrivé, j’ai parlé à gauche et à droite en espérant trouver des infos sur la question. Je n’ai entendu aucune remarque négative concernant Maxime. Je n’avais aucune raison de lui retirer le brassard. J’ai discuté deux, trois fois avec lui et je lui ai expliqué ce que j’attendais d’un capitaine. Pour moi, c’est une grosse responsabilité. Il m’a dit qu’il comptait continuer son travail de l’année passée. S’il confirme tout ce que j’attends d’un leader, pourquoi changer ? »

Voilà pour le personnage. Samedi, contre Wolverhampton, Brillault a brillé en patron de défense.  » On a mis du temps à apercevoir ses qualités mais il n’en manque pas « , dit De Wolf.  » Il sait couvrir les autres, dispose d’un bon jeu de tête.  »  » Il a une bonne vitesse, une bonne relance et est capable de faire des passes à 30 mètres « , continue Vandenbroeck.  » C’est un défenseur moderne qui peut jouer sur tous les tableaux. Dans l’axe, il peut évoluer à droite comme à gauche, ce qui, je suis bien placé pour le dire, est loin d’être évident. « 

 » Il coache beaucoup et arrive à bien faire jouer les autres « , corrobore Théréau.  » Parfois, je trouve qu’il pourrait prendre un peu plus de risques à la relance. « 

En un an, Brillault s’est donc fait une place au soleil carolo. En voulant mener une politique davantage axée sur une mentalité exemplaire et sur le sens du collectif, le Sporting n’aurait pas pu trouver meilleur ambassadeur.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

« Quand il a une idée en tête, il ne se laisse pas marcher sur les pieds. (Michel De Wolf) »

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