L’HOMME aux 2 casquettes

Le boss du KV Ostende est un passionné de sport. A quelques jours du match opposant le Standard au club côtier, il se livre.

« Je suis gantois mais les Buffalos ne m’ont jamais intéressé. Le Club Bruges, si. Mais à la deuxième place, après Ostende. Pourquoi, dans la mesure où tout les sépare ? Il est difficile d’expliquer pour quelle raison on soutient telle ou telle entité. À la mi-août, alors que j’étais sur le point d’investir au sein du cercle côtier, j’ai discuté avec des Bleu et Noir. Ils m’ont tous dit : – Nous remarquons une différence dans ta manière de supporter le Club et Ostende. Heureusement, sinon tous les amateurs de football se retrouveraient à Anderlecht ou à Bruges. Ostende est mon équipe depuis toujours. Je ne l’ai jamais abandonnée, même lorsqu’elle militait en D2 ou en D3, ne serait-ce que parce que ma famille et moi avons toujours l’habitude de passer le week-end au littoral. J’ai besoin de la mer car si je reste à la maison d’un bout à l’autre de la semaine, je reste collé à mon ordinateur et n’arrête pas de travailler.

Supporter des deux clubs ostendais : l’AS et le VG

Mes premiers souvenirs sportifs remontent au début des années 70. Le week-end venu, nous observions toujours le même rituel à la maison. Une fois la pharmacie familiale fermée, le samedi, nous partions pour Ostende, où mes parents possédaient une résidence secondaire. Père, mère, frère, grand-mère, chien et moi-même nous entassions dans la voiture. Je jouais aux échecs et le dimanche après-midi, j’allais au football. Fait très rare, j’étais à la fois supporter de l’AS et du VG Ostende. Cela me permettait de voir un match chaque week-end. Quand mes deux clubs ont joué l’un contre l’autre, en D2 en 1977-1978 et en D3 l’année suivante, je me suis acheté deux écharpes : une jaune et rouge et une verte et rouge. Super, non ?

Mon frère et moi avons déploré leur fusion en 1981 : nous perdions la moitié de nos matches. J’avais alors seize ans. Le KV Ostende, ça ne me disait rien. Le club a mis du temps à se forger une nouvelle identité. Ce n’est que maintenant que les gens me disent qu’ils revivent l’époque de Den As. Ostende est de nouveau fier de son club de football. Il fait rêver les gens. Je ne sais pas si ces rêves se concrétiseront mais au moins, il y a de l’espoir. Ceux qui travaillent dans une société dont la majorité des employés sont fans du Club ne se font plus charrier tous les lundis : – Supporter d’Ostende ? Du basket, je suppose ?

J’étais admirateur, dans mon jeune temps, d’Erik Pinson, dont le père possédait une biscuiterie à Furnes. Il avait placé des panneaux publicitaires des deux côtés du terrain. Défenseur intransigeant, Pinson faisait le ménage. Il jouait avec son coeur et quand Ostende bénéficiait d’un corner, tout le monde criait dans la tribune : – Pinson, en avant ! Il marquait fréquemment sur les phases arrêtées.

Le KVO n’est plus un poisson pour le chat

J’ai occupé tous les postes à Ostende. Supporter de la D3 à la D1, sponsor et dirigeant à la fin des années 90 et, à présent, actionnaire principal. C’est inattendu car j’ai refusé de m’investir pendant bon nombre d’années. Le jeu n’en valait pas la chandelle, d’après moi. Le KVO, à mes yeux, était un poisson pour le chat, si vous me permettez l’expression. Car j’adapte toujours mes dictons à la mer (il rit).

Cette fois, c’était différent. Les indicateurs étaient au vert à condition de faire un effort pour améliorer le noyau. Je n’ai pas compris, à cet égard, que le KVO ne trouve pas de sponsor principal, une fois promu. A l’époque, des bruits circulaient quant à la reprise du matricule par PatrickDeCuyper, l’homme fort de Zulte Waregem.

Un intrus, c’était impensable. C’est pourquoi, à un moment donné, j’ai lancé un appel : – Si quelqu’un veut acheter le club, et pas seulement son matricule, hein, j’ajoute 10 %. Et je suis passé à l’action. (Marc Coucke a versé un million pour 60 % des parts, ndlr). Deux jours plus tard, je savais que j’avais pris la bonne décision. Super !

Durant les négociations, surtout avec un joueur comme Franck Berrier, j’ai constaté que le rayonnement de ma société et de mon équipe cycliste me conféraient une certaine crédibilité. Ne sous-estimez pas l’impact d’Omega Pharma – Quick-Step sur votre carte de visite : septième au classement UCI, championne du monde en contre-la-montre par équipes deux années de suite… Pour employer des termes footballistiques, nous sommes juste en-dessous de Barcelone et du Real.

Un inconditionnel d’Eddy Merckx

Enfant, j’étais fasciné par le Tour de France. Après chaque étape, j’attendais pendant des heures la sortie du journal. Un jeune vendeur criait : – Het Volk, avec les résultats du Tour de France… Je dévorais le quotidien. Je regardais, par exemple, qui était passé de la 62e à la 57e place. J’étais un supporter inconditionnel d’Eddy Merckx et il est toujours mon numéro un. C’est grâce à lui que le cyclisme passionne tant notre pays : il nous a contaminés. Quand Merckx ne gagnait pas, j’étais content si un autre Belge s’imposait. Je ne suis sans doute pas différent des autres ? L’essentiel, c’est qu’un Belge gagne…. Je m’intéressais moins aux équipes mais ça a changé depuis que nous en sponsorisons une.

Le 7 avril, j’ai suivi Paris-Roubaix alors qu’Ostende jouait le match du titre. Ça en dit quand même long sur mes préférences. La course, la lutte de l’homme contre les éléments, c’est ce qu’il y a de plus beau. Suivre la course en auto est tout aussi long et intense. A choisir, je préfère la camionnette VIP de Jo Planckaert, qui est un hôte parfait. Je vois passer les coureurs quelques fois, je mange et je bois une bière une demi-heure avant l’arrivée. Si un de mes coureurs gagne, comme Matteo Trentin à Lyon en 2013, c’est le bonheur pur.

J’aime passer une semaine sur le Tour mais en amateur car dès qu’on parle affaires, on perd tout plaisir. Omega Pharma est évidemment au centre de mes préoccupations : si l’entreprise se portait moins bien une année, vous ne me verriez pas beaucoup au foot ni au cyclisme.

Treize semi-marathons à son actif

J’étais sportif mais la compétition ne m’a jamais attiré. Courir, pédaler, jouer au foot sur la plage, pratiquer le tennis… Je n’ai jamais éprouvé l’envie de m’affilier à un club, hormis l’association d’échecs d’Ostende. Je ne pense pas avoir de dispositions particulières. D’ailleurs, à l’école, je ne pouvais pas participer aux matches de basket : on m’avait commis au comptage des points !

Je suis surtout un sportif passif. Par exemple, quand, en zappant, je tombe sur du curling, je vais suivre ce sport pendant une demi-heure, en me demandant pourquoi ces gens passent leur temps à brosser la glace.

J’ai roulé avec des amis mais ce n’était pas mon truc, même si j’avais un super vélo, un Time, l’exemplaire de Paolo Bettini. Je n’aime pas les côtes. Je préfère enfourcher un bête vélo et rouler avec ma femme et mes enfants sur la route des Polders. Elle fait 40 kilomètres et passe au Zwin. En chemin, nous nous arrêtons au restaurant de Siphon, à Damme. Mon Bettini est à la maison, sur des rouleaux, à côté de mon tapis roulant. Le vélo fait office de porte-manteau.

Je suis un peu trop lourd mais j’ai couru treize semi-marathons ces cinq dernières années. C’est très dur. Le 20 octobre, je ne participerai pas au semi-marathon Omega Pharma, ne serait-ce que parce que tout le monde se sent obligé de m’adresser la parole en chemin… Non, je serai à l’arrivée, micro en mains !

Je ne suis pas jaloux des sportifs de haut niveau. Ils ont reçu un talent, qu’ils ont le devoir de faire fructifier. Mes talents sont plutôt d’ordre créatif. Je préfère avoir du succès en affaires qu’en sport car beaucoup de sportifs affrontent un trou noir à 35 ans. En revanche, les affaires sont plus dures car nous avons plus de responsabilités. Une entreprise doit être rentable, grandir, et il faut payer le salaire de 2.500 personnes tous les mois.

Il ne faut pas prendre le sport trop au sérieux. Nous allons tout mettre en oeuvre pour qu’Ostende se maintienne mais je ne le laisserai pas tomber s’il n’y arrive pas. Il faut relativiser les contrecoups sportifs. Ils sont moins graves qu’en affaires.  »

PAR CHRIS TETAERT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Auparavant, le lundi, on nous charriait. Fan d’Ostende ? Ah, du basket, sans doute ?  »

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