L’exemple Figo

A 29 ans, le Portugais remporte pour la première fois le trophée international le plus important.

Zurich, une dizaine de degrés sous zéro, le lundi 17 décembre dernier. C’est l’effervescence dans la tour du WTC. Les trois nominés au titre de meilleur joueur du monde 2001 répondent en début d’après-midi aux questions de la presse internaionale.

Il y a là, David Beckham, le poil ras et en sweat-shirt à côté des deux stars du Real Madrid, Luis Figo et Raul, tous les deux le cheveu gelifié et le complet veston avec cravate irréprochables.

Personne n’est inquiet d’être dans la tour zurichoise du WTC. La ville, déjà place forte financière est devenue inexpugnable. Les policiers sont omniprésents où qu’on aille et le chauffeur de taxi local avance qu’il y a plus de policiers en civil que de touristes en rue. Les contrôles extrêment pointilleux à la douane de l’aéroport rappellent que les Suisses font tout pour se protéger d’un danger terroriste.

C’est la deuxième année que la FIFA a pris totalement à son compte l’élection du joueur de l’année élu par les coaches des équipes nationales du monde entier, une référence en béton si l’on compare ce titre, par exemple, au Ballon d’Or France Football, désigné uniquement par 41 journalistes.

En fait, l’idée du footballeur FIFA est au départ une idée d’ESM (European Sports Magazines, association dont Sport/Foot Magazine fait partie) et nous avions organisé à Bruxelles, il y a deux ans, le dernier gala en tournante avec les autres membres d’ESM.

Le président de la FIFA Sepp Blatter fait tout pour rester en bons termes avec ESM mais a voulu totalement contrôler l’événement. Il voulait, disait-il, d’une plate-forme médiatique mondiale et plus seulement continentale. Aujourd’hui, on ne voit cependant pas la différence. Ses plans initiaux (décentraliser la remise des distinctions dans le monde entier) n’ont jusqu’à présent pas été plus loin que Rome l’an dernier et Zurich cette année…

La perception actuelle est que Blatter voulait organiser l’événement dans la ville de la FIFA pour pouvoir inviter des membres des associations à des fins électoralistes. D’autres éléments vont dans ce sens: l’élection pour la première fois d’une joueuse de l’année, la décision au lendemain du gala d’augmenter de 51% les sommes allouées par la FIFA aux 32 participants du Mondial asiatique (chaque fédération a déjà reçu un million de francs suisses pour le voyage et l’assurance de voler en classe business!).

Les coaches nationaux fâchent Blatter

Bref, Blatter prépare sa réelection du printemps prochain en Asie… Dans la bonne humeur comme d’habitude, sauf par rapport au taux de réponses des entraîneurs fédéraux contactés.

« L’an dernier, nous avions 140 bulletins de réponse sur les 204 associations membres », nous a dit le boss suisse de la FIFA. « Cette année, ils ne sont que 130. Ce n’est pas assez, évidemment ».

Autre point qui ôte une ampleur mondiale parfaite de l’initiative, le fait que pour la première fois depuis 1992, les trois nominés étaient européens. La dernière fois, ce fut le trio Van BastenStoitchovHässler.

Par la suite, on a toujours eu un Romario, un Weah, un Ronaldo, un Roberto Carlos, un Batistuta ou un Rivaldo dans le tiercé pour donner une touche sud-américaine ou africaine.

« Je ne pense cependant pas que les Africains actuels manquent de qualité », dit le Libérien George Weah. « Simplement, ils n’ont pas été en mesure de s’illustrer sur la scène internationale cette année ».

Et la scène internationale, en 2001, ce fut surtout l’omniprésente Ligue des Champions, non? « C’est certain », dit Blatter. « Les joueurs qui ne jouent pas sur le continent européen sont défavorisés ».

« Je dirais même plus », ajoute Michel Platini, un des conseillers directs de Blatter et vice-président de la FFF. « Je suis certain que la majorité des votes ont été effectués par les entraîneurs pouvant capter des images de la Ligue des Champions à l’automne dernier. Ils regardent l’un ou l’autre match et donnent leur voix à l’un ou l’autre joueur qui leur a tapé dans l’oeil ».

Bémol au centrisme européen, toutefois, le titre de meilleure joueuse FIFA remise pour la première fois et qui couronna dans l’ordre l’Américaine Mia Hamm, la Chinoise Sun Wen et une autre Américaine: Tiffeny Milbrett. Mais là, ils n’étaient déjà plus que 72 entraîneurs à voter. Et Hamm était retenue par des activités commerciales aux Etats-Unis et n’était pas à Zurich.

En disant -Je ne regarde jamais le foot féminin à la télé, mais je suis pour qu’il se développe, Beckham résumait bien l’intérêt général pour le foot des femmes. Beaucoup de bonne volonté, mais pas de véritable passion. Même de la part de la meilleure joueuse du monde…

Dans la rencontre des trois lauréats avec la presse, ce sont surtout des banalités qui ont volé. Les trois gaillards étaient heureux d’être là en compagnie de joueurs aussi prestigeux. Evidemment! Le plus intéressant était -comme d’habitude- Luis Figo. Cultivé, polyglotte (il est marié avec un mannequin suédois), le Portugais se sent à l’aise partout. Normal pour quelqu’un qui a quitté Barcelone pour jouer à Madrid, l’ennemi juré… Figo a toujours su trouver des appuis, non seulement sur le terrain, balle au pied. Au Barça, il était le grand copain de Guardiola. Au Real, il est celui de Raul. A chaque fois, le joueur local le plus influent.

Figo a toujours su ce qu’il voulait: « L’an dernier, j’ai terminé deuxième et quand je suis rentré sur Madrid en compagnie de notre président Florentino Perez, on s’est juré que je ramènerai le trophée FIFA cette année ».

Trois heures après la conférence de presse, Beckham était prêt à participer au gala télévisé: impeccablement vêtu, avec son énorme alliance or et diamants et ses boucles d’oreilles de maharadjah. Mais ce fut Figo qui reçut le trophée de Blatter.

Les recettes du foot portugais

Le Portugais prolonge la légende du football technique lusitanien mais refuse toujours d’être considéré comme un nouvel Eusebio: « Trop difficile de faire ce type de comparaisons. Tout ce que je sais, c’est que le football portugais a toujours été technique et offensif, à la brésilienne. Et qu’on ne va pas changer la recette. Au Real, je joue de la même manière. Avec, en plus, un joueur du calibre de Zinedine Zidane. Si le fait de partager le ballon et le terrain avec lui est un problème pour moi? Je ne me pose jamais ce type de question. Pour bien jouer, il faut être onze avec le plus de bons joueurs possibles. C’est une vérité qui fait penser à un cliché, mais c’est essentiel. Au Real, c’est la fierté de notre travail que de pouvoir le démontrer ».

Dans une Liga de plus en plus forte? « C’est un fait que le championnat espagnol a continué de progresser et que nous rivalisons parfaitement avec l’italien et l’anglais. La concurrence est très forte, cette année, avec Raul, nous étions deux représentants du foot ibérique dans le dernier tiercé. L’an dernier, c’était également le cas avec Rivaldo et moi. Si j’ai un secret? Jouer et s’entraîner en prenant du plaisir. Si le talent est là, il sera récompensé. Au Portugal, nous avions une très belle génération de juniors qui a continué de progresser. La conjonction de tant de qualités, c’est un hasard, mais les efforts mis en oeuvre, c’est une question de mentalité. Comme d’être discipliné sur le terrain ».

Les autres prix

La France, le Costa Rica et le Honduras ont été honorés pour leurs performances au classement FIFA: la première pour terminer le classement en tête après l’avoir prise en mai dernier, le deuxième pour avoir remporté la compétition préliminaire de la CONCACAF et le dernier pour avoir manqué de peu la qualification asiatique et avoir battu le Brésil.

Le prix FIFA du fair-play a été remporté par l’Italien Paolo di Canio (West Ham). Voyant le gardien adverse au sol après un contact, il saisit des mains un ballon qu’il pouvait catapulter dans le but pour que l’on soigne le joueur blessé. « On me félicite, mais le ballon, je n’aurais jamais pu le contrôler autrement qu’avec les mains », rigole celui qui a fait une belle pirouette par rapport au destin. Il y a deux ans, joueur à Sheffield Wedsnesday, il avait bousculé un arbitre qui tomba sur son derrière… ce qui lui avait valu dix matches de suspension!

Un diplôme FIFA du fair-play fut également remis au jeune gardien ghanéen Sumaila Abdallah (19 ans, Daklu FC). Dans un match du championnat du Ghana contre les Accra Hearts of Oak, il y a déjà un an, il remarqua que l’avant adverse Charles Taylor était tombé lourdement sur le dos en essayant de reprendre un ballon de volée et qu’il restait bizarrement étendu: « Je me suis dirigé vers lui car je sentais que quelque chose n’allait pas. J’ai immédiatement remarqué qu’il ne respirait plus et que ses mâchoires étaient complètement serrées. Je lui ait ouvert la bouche et ai pratiqué la respiration artuificielle pendant une minute et Charles est revenu à lui. Il a soigné sa commotion à l’hôpital pendant une bonne semaine et trois semaines après, il rejouait. On dit que je lui ai sauvé la vie, c’est possible mais n’allez pas croire que je suis un secouriste diplômé. Ce geste qui sauve, je l’ai simplement vu un jour à la télévision ».

Depuis, Taylor est devenu l’un des meilleurs joueurs de l’équipe nationale du Ghana et Abdallah continue de jouer et de progresser dans son club où il gagne… 40 dollars par mois!

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John Baete, envoyé spécial à Zurich

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