L’ÉVANGILE selon Saint-Jean

Les marabouts, rois de l’horoscope, chinois ou pas, et autres spécialistes de la lecture du marc de café ou de la boule de cristal s’étaient déchaînés avant la première journée d’un championnat qui, d’entrée de jeu, est plus intéressant, et surprenant, que d’aucuns voulaient bien le penser. Au petit jeu de la première révélation, il faut ranger le succès décroché par Mouscron devant Anderlecht. On imagine la joie, intense, sincère et méritée, qui a dû envahir le c£ur d’un homme : Philippe Saint-Jean. Cette victoire devra être confirmée, semaine après semaine, avant qu’on ne parle d’un nouvel effet de coach.

Vendredi, en attendant mieux, l’entraîneur de l’Excelsior s’est imposé face à Hugo Broos qui, du temps où il officiait chez les Hurlus, avait tout fait pour limiter son importance grandissante via les jeunes du club, plaçant un homme à lui ( Lorenzo Staelens) au Futurosport. C’était le choc de deux hommes totalement différents. Le renard gris (et mauve) a un palmarès de joueur et de coach long comme un jour de canicule sans un demi. C’est une des plus belles cartes de visite du foot belge. Mais le patron sportif d’Anderlecht ne sera jamais un orateur.

Philippe Saint-Jean, lui, l’est et sa communication est moderne. Il n’a joué qu’au CS Brainois avant de se pencher, essentiellement, sur la formation des jeunes. Du terrain à ses bouquins et autres graphiques, il s’est forgé sa philosophie du jeu. S’exprimant facilement, Philippe Saint-Jean explique, décortique, partage, emballe, unit, convainc. En Belgique, ce ton propre aux coaches français étonne. Ces atouts en firent, au-delà de ses qualités d’éducateur, de formateur, d’entraîneur de l’équipe nationale Espoirs, et de consultant ( Canal+), un théoricien du football, un conférencier comme disaient perfidement ceux qui n’aimaient pas son style. Il a dû déchirer ce préjugé, prouver aux anciens joueurs qu’on peut, à l’image de Guy Roux, innover et entraîner au plus haut niveau sans avoir posé ses crampons sur les pelouses de D1.

En 2002, déçu par le choix de Jean-Pierre Detremmerie en faveur de Lorenzo Staelens, Saint-Jean accepta l’offre de Tubize. Ce n’était pas sa traversée du désert mais bien la chance de sa vie. Le théoricien y devint un entraîneur à succès avec, à la clef, un titre en D3 et une participation, un an plus tard, au tour final de D2. Dans le Brabant Wallon, on se souviendra de cet homme méticuleux, travailleur, exigeant avec lui et les autres. Sa carrière de coach était bel et bien lancée. Les Hurlus le comprirent avant que Jean-Pierre Detremmerie (il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis) et Roland Louf ne le fassent revenir chez eux. Pas pour jouer au baby-foot mais afin de prendre la place de Georges Leekens. Un solide défi doublé par l’obligation de dégraisser un noyau (départs de Mbo Mpenza, Luigi Pieroni, Stephen Laybutt, Steve Dugardein) pesant trop lourd sur la masse salariale du club. En accord avec Roland Louf, il recruta des inconnus, plongea en D2, etc.

Puis, sa griffe révéla un souci de passer du style engagé et strict de Long Couteau, couronné de succès, à plus de jeu et de réflexion. On ne change pas de costume du jour au lendemain. Les jeunes adorent, les anciens rechignent parfois comme ce fut le cas de Marc Schaessens. Le succès de vendredi passé aura convaincu les derniers réticents. Saint-Jean apportera beaucoup à sa corporation et au football belge secoué cette semaine par le mauvais départ des deux favoris, Anderlecht et Bruges. On peut en dire autant de Gilbert Bodart et d’ Albert Cartier qui, dans la fournaise, ont aussi réussi leurs débuts en D1. A chacun son style, à chacun son évangile mais on n’a pas aimé celui d’ Ali Lukunku cloué sur place par la révélation d’un contrôle antidopage positif du temps où il jouait à Lille.

par Pierre Bilic

L’offre de Tubize, ce n’était pas sa traversée du désert mais bien LA CHANCE DE SA VIE

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