L’Europe d’abord

Le stratège français définit les objectifs du Real Madrid à l’aube de la nouvelle saison.

L’année du centenaire n’aura pas été fastueuse pour le Real Madrid. Le célèbre club de la capitale avait pourtant mis les petits plats dans les grands et n’avait pas lésiné sur les moyens pour présenter la meilleure équipe de tous les temps. Un an après l’engagement de Luis Figo, Florentino Perez avait réussi la gageure de transférer Zinedine Zidane tout en effaçant la dette colossale qui rendait la gestion du club très aléatoire. Pour ce faire, il a tout simplement vendu le centre d’entraînement à des promoteurs immobiliers. Le terrain, situé à quelques encablures du centre-ville, avait pris au fil des ans une valeur énorme. Une nouveau centre d’entraînement, encore plus moderne et plus fonctionnel, sera bientôt construit dans une autre partie de la ville. L’acquisition de Zinedine Zidane était, elle, une promesse faite aux socios qui avaient voté pour lui lors des élections à la présidence du club.

En associant deux « Ballons d’Or » dans la même équipe, chacun s’attendait à ce que le Real Madrid allait rafler tous les trophées mis en jeu. On fut loin du compte. Le 6 mars 2002, le jour même où le club fêtait son centenaire, il fut battu dans son propre stade Santiago Bernabeu par le Deportivo La Corogne en finale de la Coupe du Roi. Deux mois plus tard, il dut laisser le titre au FC Valence, qui n’avait plus connu pareil honneur depuis 31 ans. Il ne restait plus au Real Madrid « que » la Ligue des Champions pour sauver l’honneur. Heureusement, le plus prestigieux trophée continental est venu garnir les vitrines du club. Pour l’année de leur centenaire, beaucoup d’équipes s’en seraient contentés.

L’été est resté étonnamment calme dans l’entourage du Real Madrid. Fait exceptionnel, aucun transfert n’a été réalisé. A moins que, d’ici au début du championnat, Ronaldo vienne grossir les rangs. Toujours est-il que c’est avec un effectif inchangé par rapport à la saison dernière que les hommes de Vicente Del Bosque sont partis en stage de préparation à Irdning, en Autriche. Une région manifestement très prisée par les équipes de haut niveau, puisque la Roma et Arsenal avaient également déposé leurs bagages à quelques dizaines de kilomètres.

« Ce but, c’est le sommet »

« Je suis très content », lance Zinedine Zidane dont ce sont les premiers mots après la désillusion de la Coupe du Monde. « Je réussis à ne plus penser à la Corée. Et ça, c’est une belle conquête. Le passé que je garde en mémoire est le but de Glasgow et la joie vient de l’impatience que j’ai de revivre de tels moments ».

Combien de fois l’avez-vous, revu ce fameux but?

Une vingtaine de fois. Presque toutes, le soir même où je l’ai marqué, au restaurant où nous fêtions notre victoire. Il y avait un écran géant qui renvoyait continuellement ces images. C’est le plus beau but de ma carrière et, avec ceux de Paris en 1998, le plus important de ma carrière. Quand on marque un but comme celui-là en finale de la Ligue des Champions et qu’on le fait avec le maillot du Real Madrid, on atteint le sommet.

La saison passée, le Real Madrid a remporté la Ligue des Champions et la Juventus a enlevé le titre italien. Peut-on dire que votre cession a été bénéfique aux deux parties?

Sûrement, oui. Après cinq ans en Italie, j’avais besoin de changer d’air et l’idée d’aller au Real me fascinait. J’avais fait de la conquête de la Ligue des Champions une obsession. Pour le Real, elle constitue toujours le premier objectif. La Juventus, de son côté, a remporté le titre italien après avoir dû se contenter, deux années d’affilée, de la deuxième place. Nous avons donc obtenu chacun ce que nous voulions.

Dans quel ordre placez-vous les objectifs de la nouvelle saison?

La Ligue des Champions arrive toujours en première place. Puis viennent la Coupe Intercontinentale et la Liga. Je ne voudrais quand même pas que quelqu’un pense que je sous-évalue le championnat espagnol: je compte le remporter lui aussi, c’est clair. Mais puisque on m’a demandé de dresser une hiérarchie, je pense que le trophée le plus important que nous convoitons, c’est l’européen. On ne savoure jamais autant le football que lorsqu’on peut défier les meilleurs joueurs. Or, aucun championnat ne peut se targuer de les réunir tous. Pour cela, il faut s’affronter à l’échelle européenne.

Rivaldo a signé à Milan. Qu’en pensez-vous?

Je trouve que Rivaldo est un joueur fantastique et j’aurais bien voulu l’avoir à mes côtés au Real, mais je pense que Barcelone a tout fait pour empêcher cela. A ce point, je crois qu’il y a trois grands compartiments offensifs absolument extraordinaires: celui du Real avec Figo, Raul, Morientes et votre serviteur; celui de l’AC Milan avec Inzaghi, Shevchenko, Rivaldo et Rui Costa; et celui de l’Inter avec Ronaldo, Vieri et Recoba. Si l’on parle d’attaque, aucune autre ne se rapproche du niveau de ces trois équipes. »Je dois élever mon niveau de jeu »

En 2000, le Real a acheté Figo, en 2001 vous-même, chaque fois en dépensant des sommes effarantes. Cette année, il n’a encore pris personne et, lors des tractations entreprises, il a donné l’impression d’être un peu coincé. Ressentez-vous ressentez la crise, vous aussi?

La première chose à dire est que le Real Madrid peut tout gagner sans changer une virgule de son noyau, parce que nous étions forts et que nous le sommes encore. La deuxième raison est que pendant ma première saison, j’ai beaucoup donné mais pas exagérément. Maintenant que la phase d’adaptation est terminée, je compte élever mon niveau de jeu. Et la troisième raison est que le Real est probablement en train de s’adapter à la situation générale, qui n’est pas rose. Cela signifie que l’on parlera plus de football que d’argent. Et cela ne peut que me faire plaisir.

Est-il vrai que vous avez demandé au président Florentino Perez d’acheter Patrick Vieira?

Pas de manière explicite. Je savais que le Real suivait Patrick et je me suis limité à signaler que je le considère comme le joueur le plus fort du monde dans son rôle. J’en ai parlé avec lui en Corée et j’ai compris que cela ne le dérangeait pas du tout de rester à Arsenal.

Vous avez entendu parler du fait que Ronaldo, Vieri et Recoba ont décidé de diminuer leur salaire?

Effectivement, je l’ai appris et je trouve que c’est un geste sage parce que désormais, nous les champions, nous avons tous gagné un paquet d’argent. Si le Real se trouvait dans le besoin d’épargner pour aller de l’avant, je serais prêt à faire la même chose.

A partir de la prochaine saison, la Ligue des Champions sera moins longue. Oter quatre matches, est-ce une bonne idée?

Excellente. Parce que le football améliore son niveau. Quelques entraînements en plus et quelques matches en moins, c’est précieux.

La Coupe du Monde est-elle vraiment oubliée?

Au début cela n’a pas été simple, mais le football est ainsi fait que la pensée de ce qui va arriver écrase celle engendrée par ce qui n’a pas marché. Et puis, on ne peut pas toujours gagner même si la France reste l’une des meilleures équipes nationales du monde. Je ne connais pas Jacques Santini, mais nous nous serrerons la main dès notre première rencontre. Quant à Roger Lemerre, je n’ai aucune critique à émettre à son encontre. C’est vrai que le jour où je me suis occasionné mon élongation, je lui avais demandé de ne jouer que quelques instants et il m’avait laissé sur le terrain. Mais ce sont des choses qui arrivent.

Que vous est-il resté du tournoi asiatique?

Le sourire de Ronaldo. C’est mon joueur préféré et je l’apprécie également beaucoup comme homme. J’ai vraiment exulté avec lui quand il a inscrit les buts qui ont donné le titre mondial au Brésil. J’ai beaucoup de respect pour Oliver Kahn, un gardien extraordinaire, mais c’est à Ronaldo que j’aurais donné le trophée du meilleur joueur du Mondial.

Il se consolera avec le Ballon d’Or, à moins que les jurés ne préfèrent primer votre but de Glasgow.

Je pense que le favori est Ronaldo. Il a marqué deux buts en finale de Coupe du Monde comme cela m’était arrivé en 1998 et, cette année-là, c’est moi qui l’avais emporté. Cette fois, ce sera son tour. Il le mérite bien. Et puis, le gagner une nouvelle fois n’est pas important pour moi, car ce qui me manquait, c’était la Ligue des Champions. Et celle-là, je l’ai ramenée à la maison.

Daniel Devos et Nicolas Ribaudo avec ESM

« La Liga, c’est bien; la Ligue des Champions, c’est mieux! »

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