L’espoir (vain) d’une nouvelle morale

Chaque fois que le sport est confronté à un de ses excès, son petit monde a une poussée d’indignation collective. Il y a un peu plus de trois ans, quand Axel Witsel a failli rendre Marcin Wasilewski invalide, lors du match entre Anderlecht et le Standard, la Ligue Pro s’est hâtée de mettre sur pied une commission d’éthique, placée sous la présidence d’Alex Ponnet. Elle a été chargée de régler toutes sortes de problèmes du football mais l’ancien arbitre a rapidement quitté la commission (entretemps disparue), comme plusieurs autres, se rendant compte qu’elle n’avait pas le moindre pouvoir.

Il y a quelques mois, on a assisté à un (faux) déballage quand Lance Armstrong est tombé de son piédestal et a été privé de ses victoires au Tour. Alors que beaucoup d’anciens coureurs passaient aux aveux et que le masque de Johan Bruyneel, le directeur sportif d’Armstrong, tombait, le milieu a encore appelé à un cyclisme plus sain, où chacun lutterait à armes égales. Des personnes elles-mêmes brûlées ont eu l’audace de lancer cet appel, ce qui prouve une fois de plus l’absence totale de toute honte. C’est inhérent à un milieu qui se complaît dans le mensonge pour retomber dans ses vieilles habitudes après chaque tempête, même si certains tentent encore de se convaincre qu’il est question d’une nouvelle morale.

Steven Martens, le CEO de la Fédération de football, a également parlé de nouvelle morale la semaine dernière, quand le reportage Panorama de la VRT a dévoilé ce que tout le monde savait depuis longtemps, à savoir que de l’argent noir circule dans le football comme dans les autres pans de la société et qu’on l’y blanchit. De ce point de vue, l’histoire se répète. Il y a presque trente ans que le juge d’instruction bruxellois Guy Bellemans a fait irruption dans les milieux du foot, sur la trace du circuit de l’argent noir.

Le match entre le Standard et Waterschei a débouché sur un des plus grands scandales de corruption de l’histoire du football. Auparavant, Eddy Wauters, le président de l’Antwerp et patron de l’ancienne Kredietbank, avait fait de la préventive dans le cadre de l’enquête de Bellemans, pour présomption de fraude fiscale. Constant Vanden Stock, le patron d’Anderlecht, avait été interrogé durant cinq nuits et il n’avait pu nier qu’Anderlecht avait bel et bien une caisse noire. Le club a trouvé un accord avec le fisc, plaçant ainsi les joueurs à l’abri de toute poursuite.

Le football n’a tiré aucune leçon du passé. Tous les moyens sont bons pour survivre, comme l’a montré Panorama. On ne pose même pas de questions quand l’argent est issu de pratiques criminelles. Le fait que des clubs de divisions inférieures rejettent les normes les plus élémentaires pour offrir de plantureux salaires à leurs joueurs est hallucinant. Ces indemnités hors de proportions constituent un thème qui énerve les dirigeants, qui les balaient dès qu’on en parle. On reste donc dans une zone opaque. Il faudra bien plus que l’introduction d’une licence pour les clubs de Division 3 et de Promotion et la divulgation des transactions douteuses pour changer les habitudes.

La vanité d’espérer l’émergence d’une nouvelle morale est illustrée dans nos pages, par les résultats d’une enquête à grande échelle, organisée par le réseau social Zamante. L’enquête a été menée pour une large part dans les séries provinciales, qui est la base de notre football. Un joueur sur six a déjà été confronté à la corruption ou à la falsification de matches, un footballeur approché sur quatre a accepté. En outre, 34,5 % des sondés affirment connaître des joueurs ou des entraîneurs qui ont déjà été approchés pour fausser un match. Un pourcentage hallucinant.

Autre fait frappant, 40 % des footballeurs n’ont pas été payés à temps la saison passée. Beaucoup de clubs, toutes divisions confondues, vivent au-dessus de leurs moyens et effectuent des détours pour assurer leur survie. Jusqu’à ce qu’un reportage, comme celui de Panorama, mette le feu au monde du football et rallume les discussions. Avant que chacun ne reprenne ses habitudes.

PAR JACQUES SYS

Le football n’a tiré aucune leçon du passé.

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