» L’ESPAGNE ET SES CLUBS CONSERVERONT TOUJOURS LEUR RANG « 

Après avoir remporté la Coupe du monde 2010 et l’Euro 2012, Vicente Del Bosque (65) entame son dernier chapitre à la tête de l’équipe d’Espagne. Après l’Euro en France, il quittera le monde du football. Sport/Foot Magazine l’a interviewé.

« J’ai beau chercher, je ne peux pas trouver un défaut à celui qui a fait de moi un champion d’Europe et un champion du monde, qui m’a fait découvrir les bons et les mauvais côtés de ce métier. Vicente Del Bosque m’a fait connaître le paradis mais il m’a également emmené en enfer. En tant qu’homme et en tant que joueur. Je pourrais écrire un livre à son sujet.  »

Celui qui s’exprime de la sorte, c’est Iker Casillas. Le sélectionneur espagnol, il le connaît par coeur. C’est en effet Del Bosque qui, en 1999, l’a lancé au Real Madrid. Et c’est encore Del Bosque qui, malgré les critiques, lui maintient sa confiance en équipe nationale. Il n’est donc pas illogique que c’est à Casillas qu’on ait demandé de préfacer Vicente, la biographie officielle du sélectionneur moustachu, parue en 2014.

Casillas est plein d’éloges à son égard.  » En équipe nationale, il m’a appris à gérer les victoires et à respecter mon prochain, même si on me le présentait comme mon pire ennemi. Vicente est toujours resté calme, dans les grands jours comme dans les plus difficiles. De plus, il a fait en sorte que nous ne considérions pas nos adversaires comme des ennemis, même si c’était ce qu’on voulait nous faire croire. Je pense que son plus grand mérite est d’avoir unifié l’Espagne. C’est lui qui nous a réunis et a fait en sorte que nous luttions pour un seul et même drapeau.  »

Des mots remarquables qui constituent aussi une pique à l’adresse de José Mourinho. Lorsqu’il entraînait le Real, le Portugais n’hésitait jamais à attiser la haine entre les joueurs au maillot blanc et ceux du FC Barcelone. En équipe nationale, Del Bosque devait alors arrondir les angles. Avec succès.

Iker Casillas est de plus en plus critiqué. Pourquoi lui maintenez-vous votre confiance ?

VICENTE DEL BOSQUE : Parce qu’il joue dans un club de haut niveau, le FC Porto. Le championnat du Portugal est très compétitif et on parle d’un joueur qui a déjà accompli toute une trajectoire, le plus capé de tous. Cela compte également. De plus, je trouve qu’il est en forme.

Vous avez la réputation d’être un gentleman. Que pensez-vous des coaches qui ont un autre style et sont prêts à tout pour gagner, comme José Mourinho ?

DEL BOSQUE : Je n’ai jamais considéré qu’il existait un modèle unique d’entraîneurs. Chacun utilise les méthodes qu’il estime être les meilleures pour lui et pour l’équipe.

Pep Guardiola a dit de vous : Quand je serai vieux, j’espère avoir le même style et le même parcours que Vicente. Cet homme a réussi tout ce qu’il a entrepris. J’aimerais avoir ses yeux, son attitude, la sagesse qu’il a tirée de ses expériences précédentes. Qu’est-ce que ces mots vous inspirent ?

DEL BOSQUE : De la gratitude. Guardiola me semble être un homme qui voit le football de façon positive. C’est un grand entraîneur, un simple coup d’oeil à son palmarès le prouve. Je pense surtout que c’est un homme qui veut du bien au football et que ce sport le passionne.

 » LA BELGIQUE FAIT PARTIE DES FAVORIS À L’EURO  »

Vous avez trois enfants, dont l’un est atteint du syndrome de Down (trisomie 21). Que préférez-vous que l’on dise de vous dans quelques années ? Que vous étiez un bon entraîneur ou un bon père ?

DEL BOSQUE : Un bon père, bien entendu. Cela ne fait aucun doute.

Vous êtes né à Salamanque, la ville du philosophe Miguel de Unamuno. Celui-ci a dit un jour : Je pense que je suis sur terre pour me réaliser, pour vivre. Pensez-vous vous être épanoui ?

DEL BOSQUE : J’ai deux passions : le football et la famille. Je pense avoir eu beaucoup de chance, tant dans ma vie privée que professionnelle. Bientôt, nous nous rendrons à l’EURO afin de défendre le titre conquis en 2012 à Kiev, ce qui constitue un fameux défi. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour y arriver.

Quelle est l’importance d’une équipe nationale dans des pays politiquement divisés comme l’Espagne ou la Belgique ?

DEL BOSQUE : Je n’ai jamais eu de problème sur ce plan. Je ne sélectionne pas les joueurs sur base de leur origine mais uniquement parce qu’ils sont bons.

L’Espagne est une des équipes favorites du tournoi. Vous pensez que la Belgique a aussi une chance de l’emporter ? Et si oui, pourquoi ?

DEL BOSQUE : Je pense que vous disposez d’une bonne sélection et que celle-ci obtient de bons résultats depuis longtemps. L’équipe a beaucoup évolué depuis notre dernière rencontre en phase qualificative de la Coupe du monde 2010 (les Diables Rouges avaient perdu 1-2 à domicile et avaient sombré 5-0 en Espagne, ndlr) et elle fait aujourd’hui incontestablement partie du lot des favoris.

Quels sont les joueurs belges dont vous aimeriez disposer en équipe nationale espagnole ?

DEL BOSQUE : Je ne parle pas de choses qui ne sont pas réalisables, je n’aime pas les hypothèses. Mais il est clair que la Belgique dispose de très bons joueurs qui raviraient n’importe quel entraîneur.

 » IL EST TRÈS DIFFICILE DE REMPLACER XAVI  »

La Coupe du monde 2014 a vu les adieux de Xavi, le métronome de l’équipe nationale. Quel autre joueur a autant de qualités, une telle vision du jeu et une telle maîtrise du ballon ?

DEL BOSQUE : Il est très difficile de remplacer Xavi. C’était un pion très important sur l’échiquier du FC Barcelone et sur le nôtre. A chaque fois qu’un grand joueur s’en va, on cherche la meilleure alternative possible. Il n’en va pas autrement cette fois-ci. Nous tentons d’introduire des joueurs de la nouvelle génération afin que son absence se remarque le moins possible.

Il y a pas mal de personnalités dans le vestiaire de La Roja avec Gerard Piqué, Sergio Ramos… Comment êtes-vous parvenu à les réunir sous un même drapeau ?

DEL BOSQUE : Nous tentons d’apporter un maximum d’homogénéité à l’équipe. Sans cette cohésion, il est impossible de gagner. Ou c’est à tout le moins beaucoup plus difficile. Je pense qu’il règne une bonne ambiance dans le vestiaire et je suis convaincu que c’est un facteur important. Je ne dis pas qu’on gagne un tournoi parce que l’ambiance est bonne mais ça aide.

Vous répétez sans cesse à vos joueurs qu’ils sont le miroir dans lequel des milliers d’enfants et d’adolescents se regardent. Vous ne pensez pas que le fossé entre les footballeurs d’aujourd’hui et les enfants de la rue ne cesse de grandir ?

DEL BOSQUE : Je ne pense pas, non. Les joueurs sont toujours accessibles et ils ont les mêmes soucis que les autres jeunes de leur âge.

Quel aspect du football actuel jugez-vous le plus préoccupant ?

DEL BOSQUE : Je suis quelqu’un d’optimiste et de positif. J’aime presque tout ce qui touche au football. Même s’il m’arrive de maudire les gens qui, par leur attitude, détruisent l’image de ce sport.

Selon vous, quelle incidence les incroyables possibilités financières des clubs de Premier League risquent-elles d’avoir sur le football espagnol ?

DEL BOSQUE : Je pense que nos armes (du bon football et des clubs bien organisés) doivent nous permettre de conserver notre rang et de continuer à enregistrer des succès au niveau européen. On a vu que l’Espagne a remporté de nombreux trophées au cours des dernières années et qu’elle est allée très loin en Coupe d’Europe. Cela en dit long sur la qualité du travail effectué chez nous.

 » J’ESSAIE QU’ON NE PUISSE PAS LIRE LE RÉSULTAT D’UN MATCH SUR MON VISAGE  »

Lors du prochain EURO, la menace terroriste sera réelle. Comment vivez-vous cela ? L’Espagne a de l’expérience en matière de terrorisme…

DEL BOSQUE : Tout citoyen espagnol a déjà été confronté au terrorisme mais, Dieu soit loué, on peut dire que c’est du passé. Heureusement, aucun membre de ma famille et aucun de mes amis n’a jamais été touché personnellement mais il est évident qu’on ne peut pas ignorer un problème qui touche toute la société. A Madrid aussi, il y a eu un attentat, le plus meurtrier d’Europe même, si mes souvenirs sont bons (191 morts le 11 mars 2004, ndlr). Ce furent des moments tristes, très difficiles à vivre. Aujourd’hui, le terrorisme peut frapper tout le monde, pas seulement le sport ou le football. J’espère et je souhaite vraiment que l’EURO se passe en toute sérénité.

Votre carrière a été longue et vous avez travaillé avec de nombreuses vedettes. Quelles sont les trois personnes qui vous ont le plus impressionné en tant qu’hommes et en tant que joueurs.

DEL BOSQUE : Il est très difficile d’en citer trois, ce serait injuste vis-à-vis de beaucoup d’autres. J’ai eu la chance de travailler avec de grands joueurs et de grandes personnalités. Mais si j’en cite trois, je vais faire du tort à d’autres.

Quel conseil donneriez-vous à un entraîneur qui débute dans le métier ?

DEL BOSQUE : Il devra essayer d’être correct avec tous les joueurs qui sont sous ses ordres et tenir compte du fait que l’intérêt de l’équipe passe avant tout. C’est la priorité.

On affirme que vous vivez les matches de façon très intense. Comment vous y prenez-vous pour faire retomber la pression après les matches ?

DEL BOSQUE : Je ne fais rien de spécial. Je ne pense pas être différent des autres entraîneurs sur ce plan. J’essaye toujours de ne pas accorder trop d’importance au résultat, qu’il soit bon ou mauvais. Je n’y arrive pas toujours mais j’essaye aussi qu’on ne puisse pas donner le résultat du match rien qu’en me regardant.

On dit souvent qu’un entraîneur est un homme seul. Etes-vous d’accord avec cela et qu’est-ce qui vous donne la force d’avancer ?

DEL BOSQUE : Le plus important pour un entraîneur est d’être entouré de gens utiles avec qui il puisse partager ses connaissances. Des gens en qui il ait confiance, aussi. Il est essentiel qu’ils puissent donner leur avis en toute sincérité, même s’ils ne sont pas d’accord. Quand les gens sont toujours d’accord sur tout, c’est généralement le signe que quelque chose cloche. L’avis des autres est essentiel. Ce sont les divergences d’opinion qui permettent de tirer les meilleures conclusions. Même si on finit par faire ce qu’on a envie, il est bon d’écouter l’avis de tous.

Après l’EURO 2016, en principe, vous partirez à la retraite. Mais que ferez-vous si le Real Madrid vous appelle ? Et comment occuperez-vous vos journées si personne ne vous sollicite ?

DEL BOSQUE : Je ne pense pas que je serai encore actif dans le monde du football professionnel.

PAR STEVE VAN HERPE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Les résultats forgés par l’équipe nationale et les clubs espagnols en disent long sur la qualité du travail effectué chez nous.  » VICENTE DEL BOSQUE

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