L’espace secret des pros de D1 est parfois choquant

La face visible du foot pro est blanche ou noire. On s’embrasse à la fin du championnat, on reçoit des prix et on se donne rendez-vous la saison prochaine. Mais on se met aussi des semelles sur les genoux ou des coups de coudes dans la tronche et on insulte à tire-larigot. Entre les deux extrêmes, que le fan suit dans les stades ou à la TV, il y a l’immense espace des vérités cachées. Que pensent vraiment les pros ? Et surtout, que savent-ils et ne disent jamais ouvertement ?

Sport/Foot Magazine a lancé une enquête anonyme exclusive auprès de tous les clubs de D1, en laissant la liberté à tous les joueurs (Belges francophones ou néerlandophones et étrangers) de répondre ou pas, en leur garantissant l’anonymat. Au total, 303 des 480 pros de D1 ont participé, large échantillonnage digne de satisfaire les sociologues. C’est la preuve que les pros avaient des choses à dire et souhaitaient en voir la trace.

Les questions choisies balisent tous les domaines et, pour bien comprendre ce qui se passe dans les coulisses de notre foot, vous avez intérêt à tout lire. Cela va des questions les plus techniques (compétences des coaches, des arbitres, etc.) aux plus scandaleuses… dont la corruption. 5,4 % des joueurs disent qu’ils ont été personnellement confrontés à la chose. Mais 16,6 % (un sur six !) vont plus loin et disent être au courant de cas de corruption ou de tentatives de corruption ! Et les clubs où les réponses ont été les plus fortes dans ce sens sont le Germinal Beerschot, Mons et Mouscron… où un pro sur trois a répondu oui ! Malgré tous les efforts (vraiment ?) de la fédération, le mal reste endémique. Car le trucage fait partie de l’histoire du sport pro et peut aussi s’appeler dopage. Quasi 8 % des pros disent connaître des collègues ou rivaux qui ont utilisé des produits interdits.

Ces deux déviances doivent être combattues avec les armes les plus sévères. Comme, idéalement, le racisme. Mais ici, impossible d’atteindre un consensus national. C’est très interpellant, on remarque une différence d’attitude dans ce domaine entre le nord et le sud du pays. On a récemment pu se rendre compte que, sur le terrain, Jelle Van Damme considérait comme acceptable de traiter Oguchi Onyewu de sale singe. Mais le Noir américain vient du pays de Barack Obama et n’a pas laissé passer. Il attaque l’Anderlechtois en justice. Bien joué ! On a aussi pu voir, récemment, un programme de la VRT rire aux dépens de Jérôme Nzolo, l’arbitre de l’année, en le mêlant à des blagues de… bananes. Cela faisait penser à ces journalistes de radios néerlandophones condamnés par la justice pour avoir traités les s£urs Williams de guenons lors d’un tournoi de tennis d’Anvers…

Bref, 11,2 % seulement de pros néerlandophones trouvent qu’il y a beaucoup de racisme en D1, contre 55,2 % de francophones. C’est une énorme différence entre les deux communautés qui repose, évidemment, sur la notion de ce qui est raciste ou non. On revient aux cas Van Damme-Onyewu et VRT-Nzolo. De toutes manières, les pros étrangers trouvent à 32,9 % qu’il y a bien trop de racisme chez nous. Un chiffre énorme.

S’il faut continuer à espérer que tout le monde devienne plus large d’esprit, une enquête pareille a le mérite de souiller le nez de ceux qui tentent de colporter des mensonges ; comme  » Il n’y a pas de dopage dans le foot « . Si on prend l’homosexualité (considérée comme le plus grand tabou du foot), un pro de D1 sur quatre dit qu’elle existe dans son métier. Les obtus qui disent  » En foot ? Jamais…  » sont priés de revoir leur copie. Cela dit, les pros sont seulement 32,7 % (contre 67,8 %) à estimer que les homos ont leur place dans le foot. Le genre de chiffres qui rassurent ceux qui veulent que le sport roi doit rester essentiellement macho, agressif et violent sur les bords. Bref, ceux qui empêchent les gosses et les femmes d’aller plus nombreux au stade comme dans les championnats plus évolués.l

PAR JOHN BAETE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire