© BELGAIMAGE

L’envol de l’Aiglon

Passé au crible de la Ligue 1 après avoir croupi dans l’anonymat de Courtrai la saison passée, Youcef Atal était sans doute trop bon pour la Belgique. Révélation d’une équipe algérienne qui sublime la CAN, son avenir semble désormais programmé pour côtoyer les sommets.

Une défaite en PO2 au Canonnier, contre Mouscron, et un remplacement sur blessure après 72 minutes de jeu. C’est peu dire que la date du 8 avril 2018 n’était pas censée marquer durablement la carrière du jeune Youcef Atal, 21 ans à l’époque et légitimement en proie au doute.

Le jeune Algérien  » fête  » alors ce qui n’est seulement que sa 6e titularisation de la saison. Sa dernière aussi puisque sa blessure contractée au genou contre l’Excel, ce soir-là le privera de la fin des réjouissances. Le dénouement d’une histoire qui n’avait de toute façon pas vraiment commencé.

Que serait-il advenu de la carrière de Youcef Atal si ses déhanchés côté droit n’avaient pas croisés en ce dimanche de printemps le regard avisé d’un professionnel du scouting ? De ceux qui se farcissent parfois des centaines de kilomètres pour assister à une rencontre de PO2 dans l’espoir de tomber sur la perle rare ?

Ces hauts potentiels oubliés parce que perdus dans l’anonymat d’un championnat trop petit pour eux. Alors en charge du recrutement pour l’OGC Nice, Serge Recordier, aujourd’hui aux manettes à Monaco, pense pourtant initialement avoir fait le trajet pour rien.

Pas franchement convaincu par le joueur cible du jour qu’est Taiwo Awoniyi, pourtant buteur pour l’occasion et propriété de Liverpool, le Français tombe par contre sous le charme d’un autre acteur présent sur le pré. Un inconnu perdu sur son flanc droit, mais dont la technique en mouvement tape directement dans l’oeil du recruteur.

Le genre de coup de foudre professionnel qui coûte cher. Trois mois et demi plus tard, le 17 juillet, Youcef Atal est présenté comme la nouvelle recrue de l’OGC Nice et les caisses courtraisiennes se remplissent d’argent frais.

Trois millions d’euros supplémentaires pour un réserviste, cela ne se refuse pas se dit-on en haut lieu. Sauf que, douze mois plus tard, le joueur en vaudrait près de dix fois plus à en croire les estimations du site allemand et toujours précis Transfermarkt qui évaluait avant le début de la CAN le prix du garçon à 20 millions d’euros.

Un arrière droit moderne

 » J’espère sincèrement qu’ils ont négocié un pourcentage à la revente parce qu’avec ce qu’il a montré cette saison, c’est très clairement un joueur qui ne va pas tarder à faire le bonheur d’un grand club.  »

L’homme qui semble sous le charme des progrès pharamineux du jeune Atal, n’est autre que Glen De Boeck, son entraîneur à Courtrai. Celui qui ne lui a offert à l’époque que 586 minutes de jeu sur une saison, blessure oblige, mais pas que :  » J’étais dans une situation compliquée parce que moi, je le considérais comme un ailier, mais que son entourage refusait de le voir jouer à cette place.

Vu qu’il jouait latéral droit avec l’Algérie, ils n’envisageaient pas qu’il puisse jouer ailleurs en club. Sauf que pour moi, c’était impensable de l’imaginer comme un vrai back dans une défense à 4. Et l’on ne change quand-même pas tout son système pour un joueur !  »

Ou alors trop rarement. Ce sera notamment le cas lors d’un déplacement à Bruges le 3 mars 2018. Pour contrer le 3-5-2 d’ Ivan Leko, De Boeck joue l’effet miroir avec pour Youcef Atal la responsabilité de couvrir tout seul tout le couloir droit.

 » Le coach voulait qu’il joue ailier droit parce qu’il avait Lucas Rougeaux qui était bien installé au back  » se souvient Sébastien Bruzzese.  » Mais il y avait aussi une volonté de la part de la direction de le faire évoluer un cran plus haut, parce que tout le monde sait qu’un ailier rapportera à moyen terme plus cher qu’un back sur le marché des transferts.

Et ils étaient conscients de son potentiel. On l’était tous d’ailleurs. Le problème, pour eux, et pour nous du coup, c’est que Youcef, lui, ne voulait rien entendre. Il s’est toujours considéré comme un arrière droit. Mais un arrière droit moderne, explosif !

Je me souviens très bien de ce match à Bruges ou on avait changé le système. Et je peux vous dire que ce jour-là, il leur a fait la misère au futur champion de Belgique. »

Le Dani Alves des Fennecs

Une expérience malheureusement sans lendemain avant la longue litanie des PO2. Loin, très loin des charmes enchanteurs de la Côte d’Azur qui l’attendent déjà. Même s’il a fallu dégraisser le noyau pour faire de la place au petit protégé de Recordier à l’époque.

L’ex-président de l’OGC Nice, Jean-Pierre Rivère, s’en était ému en conférence de presse de rentrée l’été dernier.  » Quand on a voulu l’engager, on ( les actionnaires majoritaires, ndlr) nous a dit que c’était impossible parce qu’on avait déjà trois latéraux à droite « .

Des problèmes de riches bientôt solutionnés. Bien que la concurrence ait tout de même quelques références puisqu’il s’agissait en l’occurrence de l’ex-international tricolore Christophe Jallet et du futur Gantois Arnaud Souquet en plus du jeune produit du club Patrick Burner.

Un casting de charme, rien d’insurmontable non plus. En quelques jours, Rivière, soutenu par Recordier et Patrick Vieira, l’entraineur, obtient le feu vert et valide la transaction avec clause de valorisation à 70 millions d’euros. Le tout ayant l’avantage de s’intégrer parfaitement dans la stratégie de trading ( la revente de joueurs avec bonus, ndlr) qui a fait le succès du GYM ces dernières années.

Et qu’Atal pourrait encore sublimer d’ici peu. Déclaré intransférable cet été par Gilles Grimandi, le directeur technique de l’OGCN, le jeune Aiglon a encore vu sa cote grimper ces dernières semaines en Égypte.

Hyperactif sur son côté droit dans un rôle de piston à la Dani Alves des grandes années, l’Algérien est devenu la grosse cote de la CAN 2019. Le complément idéal à Riyad Mahrez ou Adam Ounas dans le dispositif joueur du sélectionneur Djamel Belmadi, le tout après avoir été l’ouvre-boite de Patrick Vieira dans une équipe niçoise parfois ahanante la saison dernière.

Comme au bled

Il n’en faut pas plus pour que l’intérêt, d’abord discret, des plus grands clubs – on a évoqué Manchester United, Chelsea, l’Inter Milan, Naples, l’Atlético Madrid ou le Paris Saint-Germain – devienne beaucoup plus concret ces dernières semaines.

Comme Hassan Trezeguet, étincelant avec l’Égypte depuis le début de la CAN, il fait désormais partie de ces joueurs passés sous les radars de la Pro League, mais qui pourraient bien être appelés dans une autre vie à faire le bonheur d’un grand d’Europe.

Indépendamment de ses prestations à la CAN, sa première saison en Ligue 1 plaide d’ailleurs la démence. La régularité aussi avec une note moyenne de 5,78 sur 10 acquise dans L’équipe que seuls dix joueurs de Ligue 1 ont amélioré cette saison.

La folie encore pour un joueur qui aura tenté 463 dribbles cette saison pour un taux de réussite ahurissant à sa position de 62,4%. Le tout agrémenté de 209 interceptions, 6 buts – il a terminé co-meilleur buteur de l’équipe avec Allan Saint-Maximin – dont un triplé contre le Guingamp de Jocelyn Gourvennec qui qualifiera à cette occasion son bourreau de  » joueur électrique « .

Le Brésilien et ancien Liégeois passé par le Bayern Munich et aujourd’hui à Nice, DanteBonfim verra lui dans cette folie créatrice des inspirations plus locales comme il le confiait en début de saison au quotidien Nice-Matin :  » J’ai vu dès son premier entraînement qu’il avait un truc. Il a le foot dans le coeur, il joue de manière instinctive. En fait, il joue comme s’il était au bled.  »

Un joueur d’instinct, en opposition au football parfois procédural prôné par Glen De Boeck à Courtrai ? Le raccourci est tentant. Quoiqu’un peu facile pour le principal intéressé.  » Aujourd’hui encore, j’ai des gens qui m’appellent pour me dire que c’est moi qui avais raison. Youcef, c’est un ailier, pas un back. Tant mieux s’il joue à cette place-là en sélection et que cela fonctionne, mais à Nice, c’est comme ailier qu’il a cassé la baraque cette saison…  »

Grave dur en Belgique

Un point pour l’actuel entraîneur de Lokeren qui n’éclipse pas la mise en boite réussie par Atal sur Sadio Mané contre le Sénégal (victoire 1-0 de l’Algérie) le 27 juin dernier en deuxième match de poule à la CAN.

Preuve de la polyvalence d’un joueur aux mille talents qui a bien fait d’un jour croiser la route d’un recruteur perdu dans les méandres du football belge. Une aubaine pour l’enfant de la JS Kabylie, le grand club de Tizi-Ouzou, où il a joué en catégories de jeunes avant de rejoindre Alger et le Paradou Athletic Club.

Un club de deuxième division algérienne qui lui permettra d’être une première fois appelé en sélection en juin 2017. Et de découvrir dans la foulée, les charmes de la Belgique. Ou pas :  » C’était grave dur en Belgique « , confiera t-il, amer, au journal L’équipe fin de l’année dernière.  » Ils parlaient flamand ou anglais, il faisait froid et moi j’arrivais seul d’Alger… Mais je ne pouvais pas revenir en Algérie, les gens auraient dit que je ne pouvais pas réussir, et moi, je ne doute pas.  »

On le rassure, en 2019, il n’y a plus grand monde pour douter de lui non plus. Par contre, il va falloir se mettre aux langues. La rançon de la gloire, paraît-il…

Depuis qu'il a quitté Courtrai,  la cote de Youcef Atal a monté en flèche. Aujourd'hui, le Niçois est coté à 20 millions d'euros.
Depuis qu’il a quitté Courtrai, la cote de Youcef Atal a monté en flèche. Aujourd’hui, le Niçois est coté à 20 millions d’euros.© BELGAIMAGE
A la CAN, il est une valeur sûre des Fennecs algériens.
A la CAN, il est une valeur sûre des Fennecs algériens.© BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire