L’enquête continue

Le passage à tabac ayant causé la mort d’un supporter d’Anderlecht, a incité les dirigeants à prendre des mesures draconiennes.

Le 23 octobre dernier, à Lommel, Philippe Thirion devenait le premier Belge à mourir, des suites des coups que lui avaient portés des hooligans. Même lorsqu’il était tombé à terre, sa tête percutant le trottoir, les voyoux s’étaient acharnés sur lui. Philippe s’était éteint, au bout de dix jours de coma. A l’âge de 28 ans.

Ces images hantent toujours Lommel, un club pourtant paisible et familial. Lorsque Gaston Peeters, le manager du club, évoque ces faits, sa voix se casse : « Plus d’un mois s’est écoulé depuis cette tragédie. Le temps fait son oeuvre mais une chose pareille vous marque. Les gens continuent d’en parler. Nous nous demandons comment de telles choses ont pu se produire ici. En fait, c’est possible partout, n’importe quand. On traque les hooligans, mais ils déplacent leur violence en-dehors des stades ».

Les dirigeants et bénévoles de Lommel sont écoeurés. Ils le vivent d’autant plus mal qu’ils ont accentué l’aspect familial du club en créant un kidsclub, un club de très jeunes supporters, encadrés par des personnes fiables du club, des bénévoles. Les supporters peuvent déposer leurs enfants dans ce bloc, situé à l’écart des autres supporters pour que le chambard ne les effraie pas. Le kidsclub est ouvert à tous les enfants de moins de treize ans, joueurs du club ou non.

Les tribunes de Lommel sont plus calmes qu’avant ce fameux Lommel-Anderlecht. Malgré eux, les supporters se retiennent quelque peu au moment d’entonner chants de guerre ou huées. Non qu’ils aient quoi que ce soit à se reprocher: ce sont de paisibles spectateurs qui souffrent de l’image projetée sur eux à cause de la folie meurtrière de quelques crapules. Le Green Lions, le club dont faisait partie un des agresseurs, a été rayé de la liste des clubs de supporters de Lommel et son local a été fermé, puisqu’il s’est avéré que l’inculpé avait déjà été mêlé à des bousculades. Ces supporters n’ont pas reformé d’autre club.

« Ils se sont peut-être réaffiliés dans d’autres clubs », explique Gaston Peeters. « Les titulaires d’un abonnement ont conservé leur place dans la tribune centrale. Il ne faut pas faire d’amalgames. Les Green Lions étaient les plus bruyants, peut-être les plus turbulents car ils étaient plus jeunes que la plupart des supporters des autres clubs mais ils ne sont pas des hooligans. Ce n’était pas systématique mais c’est vrai, lorsque nous avions un problème, c’était généralement avec eux. Leur compartiment est devenu particulièrement calme maintenant ».

Les matches à risques le dimanche après-midi

La prise de conscience a été brutale. Le club n’a jamais connu de problèmes réels dans le stade et sa compétence s’arrête au-delà de l’enceinte.

Gaston Peeters: « Nous ne pouvons rien faire de plus dans le stade. Nous étudions la possibilité de mieux séparer les supporters en-dehors du stade, pour éviter que de tels drames se reproduisent. La tâche des services d’ordre est plus simple quand les supporters se déplacent en car. Nous pouvons leur assigner un parking spécial et leur fournir un accompagnement. C’est impossible lorsque les supporters utilisent leur voiture. Ils peuvent la garer n’importe où ».

Louis Van Velthoven, le bourgmestre de Lommel, n’a jamais ménagé son soutien au club. Il est intervenu avec fermeté avant même le décès de Philippe Thirion : « Ce précédent est infiniment regrettable. Nous sommes d’autant plus consternés que nous pensions le cadre tout à fait sûr. A ce stade de l’enquête, il est difficile de dire si les hooligans avaient l’intention de tuer mais n’empêche: ils l’ont fait. Nous avons adressé un signal fort aux fauteurs de troubles en rayant le Green Lions. La sécurité est l’affaire de la fédération et du club d’une part, celle de la police et du Parquet de l’autre. A chaque match, des représentants de la police locale et fédérale sont présents. Leur mission est claire: Lommel applique dorénavant la tolérance zéro. Tout se passe bien depuis lors, mais je n’exclus pas la possibilité de faire jouer d’éventuels matches à risques le dimanche après-midi ».

Comme Lommel-Lierse, quelques jours après le décès de Thirion, par respect pour lui mais aussi pour éviter que les supporters d’Anderlecht, de retour de Sclessin, ne soient tentés de venger la mort d’un des leurs.

Le bourgmestre souligne la difficulté de séparer les deux camps: « Il est possible d’assigner des parkings différents aux supporters. Encore faut-il que ceux-ci collaborent. Comment empêcher des hooligans de se faufiler à pied jusqu’au parking des supporters adverses? Ces gens savent où il se trouve ».

Le Parquet de Hasselt n’avait pas non plus attendu le décès de Philippe Thirion pour agir. Sa porte-parole ne peut que féliciter la police de la rapidité avec laquelle elle a identifié les personnes présumées coupables: « Elle l’a fait sur le champ. Devant l’horreur des faits, des témoins se sont présentés pour aider les forces de l’ordre à identifier les auteurs. La police de Lommel et la PJ de Hasselt ont travaillé main dans la main. A nos yeux, l’affaire était grave dès le début, même si, évidemment, les faits n’ont été requalifiés en homicide qu’après la mort de la victime ».

Le Parquet contre la libération de deux agresseurs

De toutes parts, les critiques ont fusé. La Justice ne semble pas s’intéresser au phénomène du hooliganisme. Le Parquet de Hasselt précise: « Une affaire aussi grave ne peut rester sans suite. Par contre, le petit hooliganisme, appelons-le comme ça, est difficile à contrer dans la mesure où ces gens agissent en bandes et sont difficilement identifiables. Le Parquet de Hasselt ne prend cependant pas ce phénomène à la légère ».

Le Parquet avait prolongé d’un mois le mandat d’arrêt des trois agresseurs. La semaine dernière, la Chambre du Conseil a décidé de libérer deux d’entre eux, estimant que leur détention préventive n’apportait rien à l’enquête. Le Parquet de Hasselt s’est pourvu en appel. La décision tombera dans une semaine. D’ici là, les deux agresseurs restent en prison. « Le troisième restera de toute façon en détention. Oui, il s’agit du plus dur d’entre eux. Nous n’en sommes qu’au stade de l’enquête. Il s’agit de déterminer quels coups ont provoqué le décès. En temps voulu, ils passeront tous les trois en jugement ».

Certains témoignages font état d’un groupe nettement plus important. « Il est trop tôt pour se prononcer. Actuellement, nous n’avons que ces trois personnes ».

Pascale Piérard

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