L’énigme OGUNJIMI

L’attaquant du Standard a été secoué par sa glande thyroïde et son flirt avec le Celtic de Glasgow : conviendra-t-il au système offensif de Ron Jans quand il sera totalement rétabli ?

Le médecin du Standard, Jean Vervier, n’a rien à ajouter au niveau médical à propos du cas Marvin Ogunjimi qui entrevoit enfin le bout du tunnel. Appliqué à l’entraînement, il a rodé son jeu avec les Espoirs contre Maastricht. Son retour aux affaires se précise mais le docteur s’en tient au communiqué du club et aux propos de Jean-François de Sart. Il est vrai que les problèmes de santé du sympathique attaquant ont été sérieux mais sont bien plus répandus qu’on ne le croit dans le monde du sport. Ainsi, Ronaldo a écourté sa carrière suite à des problèmes de la thyroïde. Le courageux Walter Baseggio a subi l’ablation de cette glande. Ce n’est pas rien, même si, comme Baseggio l’affirme :  » On peut être un sportif de très niveau en gérant bien son problème de thyroïde. Je ne connais pas Ogunjimi mais je suis persuadé que le Standardman retrouvera la forme et tout son football.  »

À la mi-août, l’attaquant de Sclessin est alité suite à une grande fatigue et à une perte de poids. Des prises de sang et autres examens médicaux approfondis révèlent que sa glande thyroïde, qui lui pose des problèmes depuis l’âge de 14 ans, ne fonctionne pas normalement. Une tuile pour un attaquant, venu en location de Majorque, et qui est alors une priorité pour de Sart qui déclare lors de sa joyeuse entrée à Liège :  » Marvin est un des meilleurs attaquants belges « . Ces propos optimistes ont vite été ternis par de gros problèmes. C’est l’étonnement général quand la vedette du mercato d’été des Rouches accepte les avances du Celtic de Glasgow engagé dans les poules de la Ligue des Champions. Même si cela ne débouche pas sur un transfert de dernière minute, c’est pour le moins surprenant : le coup de foudre n’est déjà plus qu’un vague souvenir…

Les premières explications n’ont pas été faciles à comprendre quand il a fallu recoller la porcelaine. Officiellement, le Standard a permis aux agents anglais et néerlandais d’Ogunjimi de discuter avec les Ecossais. Pourquoi ? Parce que les Rouches ne sont pas maîtres du jeu et que Majorque, en difficultés financières, comme tant d’autres clubs espagnols, a probablement la possibilité de réaliser une bonne opération en Ecosse. Sur le moment même, le Standard ne donne pas l’impression de s’accrocher à Ogunjimi. Une hypothèse de travail se dégage : en cas d’accord entre Majorque, le Celtic et Ogunjimi, les Rouches cassent le contrat de location. Et Ogunjimi se retrouve en Espagne avant de signer à Glasgow.

Toute cette machinerie a été bien réglée à Majorque car la législation espagnole permet à un joueur de changer deux fois de club en une saison. A la rigueur, Majorque et Ogunjimi auraient rompu leur accord avec un dédommagement à la clef pour les Espagnols, très heureux de se défaire d’un gros contrat (que le Standard ne peut payer seul) et d’un attaquant jugé trop léger pour la Liga. Impuissant face à la volonté du joueur (Il a contesté sur son compte twitter : – Toutes les parties étaient d’accord mais pas le joueur), de ses agents, de Majorque et de Glasgow, le Standard est pris dans un mauvais scénario. Un des conseillers du joueur, Arland Doorn, tente de calmer le jeu en évoquant l’intérêt d’autres clubs européens intrigués par le projet du Celtic. Pour lui,  » Marvin n’a qu’une idée en tête : oublier son souci à la thyroïde et marquer des buts pour le Standard.  » La soupe est servie trop chaude pour être bonne.

 » Le Standard a commis une erreur en engageant Ogunjimi  » (Mathijssen)

Une analyse tactique résume un sentiment général et explique une grande partie du problème. Elle est émise par Jacky Mathijssen :  » Le Standard a commis une erreur en engageant Ogunjimi. Les qualités de cet attaquant ne sont pas en cause. C’est l’occupation du terrain prônée par Ron Jans qui ne lui convient pas du tout. Il suffit de se remémorer son passage à Genk et sa complémentarité avec Jelle Vossen pour comprendre : Marvin a besoin de soutien à côté de lui pour bien fonctionner. Or, dans le 4-3-3 de Jans, il est seul en pointe : ce n’est pas sa tasse de thé.  » Sur ce coup-là, un technicien rejoint l’avis de la presse. Cela a probablement intrigué Ogunjimi, taillé sur mesure pour le 4-4-2 pratiqué… en Ecosse. Comme il a peu joué en Espagne de janvier à juin 2012, il a besoin de temps pour retrouver ses sensations. Ogunjimi a-t-il eu peur de passer un an de plus sur le banc à cause d’un système tactique ne lui convenant pas ? De Sart lui a répété sa confiance après l’épisode écossais. Le joueur a clamé son désir de se concentrer sur ses missions au Standard. La patience s’impose alors que l’homme verse parfois dans l’effervescence.

Son talent a vite attiré le regard des autres clubs après ses succès à Genk : la Coupe de Belgique en 2009, le titre deux ans plus tard, des buts en équipe nationale, etc. Marvin est une vedette de la D1. Après le succès 2-0 de Genk au stade Roi Baudouin contre son ancien club, le FC Malines, des excités brisent la fenêtre de la maison de sa mère à coups de pierres. En 2010, avant d’opter pour les Diables Rouges, il est à deux doigts d’opter pour le pays de son papa, le Nigeria, coaché par Lars Lagerbäck, et de prendre part à la Coupe du Monde. Un problème administratif réduit cette éventualité à néant. Un an plus tard, l’attaquant est cité à Newcastle, à l’Olympiacos et à Udine. En janvier 2012, il prend finalement la direction de Majorque : le rêve de sa vie se résume à 8 matches et 279 minutes de jeu. L’échec est douloureux sous la direction de Joaquin Caparros qui a remplacé le coach qui a songé à lui, Michael Laudrup.

Le Standard le loue pour un an, avec une option d’achat : il signe à deux mains. Ni lui ni Dudu Biton ne trouvent la bonne carburation. Le manque de compétition et sa thyroïde le clouent sur place. ImohEzekiel en profite pour s’installer à la pointe de la ligne d’attaque. Sans entrer dans le dossier médical d’Ogunjimi, il est connu que son problème de thyroïde ne date pas d’hier. Il en a parlé publiquement :  » A 8 ans, j’ai été repéré à Leest par les scouts du FC Malinois. J’ai passé trois très belles années derrière les casernes où je marquais beaucoup de buts avant de subir mes premiers problèmes. J’étais fatigué, j’ai maigri et cela s’est forcément ressenti sur le terrain.  »

Le dopage peut dérégler la thyroïde

Ogunjimi se soigne, quitte les jeunes du FC Malinois et perce plus tard à Genk tout en surveillant de près sa thyroïde. Bel exemple de force de caractère. Il a certainement pensé à Ronaldo qui mit un terme à sa carrière à 34 ans. A cette occasion, l’attaquant brésilien, en larmes, révéla qu’il souffrait depuis plusieurs années d’hypothyroïdie. Découvert en Italie quatre ans avant qu’il ne raccroche ses chaussures au clou, ce gros souci fut à l’origine, selon lui, de ses problèmes de surpoids :  » L’hypothyroïdie ralentit le métabolisme et, pour le contrôler, je devais prendre des hormones non autorisées dans le football, car elles sont considérées comme du dopage. Beaucoup doivent regretter aujourd’hui d’avoir fait des blagues sur mon poids mais ne je n’en veux à personne. Cette nouvelle est comme ma première mort. C’est très dur d’abandonner quelque chose qui m’a rendu aussi heureux. « 

Le cas de Marvin Ogunjimi n’est pas celui de Ronaldo, soumis durant des années à un agenda fou et à des charges de travail inhumaines. Jean-Pierre de Mondenard, spécialiste de réputation mondiale dans la lutte contre le dopage, n’a pas exclu, en ce qui concerne la star brésilienne, la prise de produits dangereux qui au fil des années ont peut-être déréglé le bon fonctionnement de sa thyroïde. En 2006, le rugby français a été intrigué par une nouvelle mode : la consommation d’extraits thyroïdiens, via des compléments alimentaires (ou des médicaments) pour réduire leur masse graisseuse. La facture, c’est toujours pour plus tard. En cyclisme, Floyd Landis a eu des problèmes de thyroïde. La skieuse croate Janica Kostelic a subi l’ablation de la thyroïde, gravement déréglée, et suit un traitement hormonal permanent. Cette liste peut être complétée par une championne de ski de fond, Manuela Di Centa, Doug Davis (baseball), Blanka Vlasic (saut en hauteur), Gail Devers (athlétisme), Christophe Balannec (cyclisme), une série de décès suspects de footballeurs italiens comme l’a révélé l’enquête du procureur Raffaele Guardiniello, Ben Cahon (football américain), une des stars d’Apoel Nicosie (Tijani Belaïd), etc. A 24 ans, Belaid s’estimait perdu pour le football. L’international tunisien a évolué à l’Inter Milan, au PSV, au Slavia Prague, à Nuremberg et à Hull City avant de surmonter son problème de santé.

 » Moi, on a découvert mon problème au cours d’une visite médicale « , rappelle Baseggio.  » J’avais une boule à hauteur du cou. Les examens ont révélé un cancer de la thyroïde. La suite, ce fut l’opération, la prise quotidienne de médicaments, des examens annuels, etc. J’ai passé des moments mais tout va bien. Des champions sportifs montrent l’exemple et restent des battants et des gagnants, c’est bien.  » Jean-François de Sart est persuadé que l’on retrouvera bientôt le vrai Marvin :  » Il nous rendra de grands services. Il est sur la bonne voie, c’est certain. Pour moi, le 4-3-3 ne peut pas lui poser de problèmes. Marvin est parfaitement capable de jouer seul en pointe, avec quelqu’un à côté de lui, Biton, Ezekiel, Batshuayi, un autre, ou en retrait : c’est uniquement une question d’animation et d’organisation, rien de plus. « 

 » Je suis heureux à Sclessin. Je n’ai joué que deux matches avant d’être malade. Glasgow, c’est le passé, j’aimerais que ça s’arrête car cela devient lourd  » a-t-il récemment tweeté. Tout dépendra aussi de lui, de ses prestations sur le terrain et, aussi, de son désir de ne pas quitter Sclessin lors du prochain mercato d’hiver.

PAR PIERRE BILIC-PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Marvin est parfaitement capable de jouer seul en pointe.  » (Jean-François de Sart)

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