L’emporte drapeaux

Le capitaine des Zèbres revient sur ses propos enflammés et les performances de son club contre Bruges et Anderlecht.

« Peut-être que c’est de la compensation pour Charleroi après tout ce qu’on lui a volé… « , lançait Roger Vanden Stock, le président d’Anderlecht, samedi, à l’issue de la rencontre opposant ses troupes au Sporting carolo. La défaite est donc mauvaise conseillère partout. Car Charleroi n’a volé personne. Les Zèbres, qui attendaient une victoire au Parc Astrid, depuis 12 ans, ont rendu une partition sans tâche. Défensivement, ils n’ont rien lâché et les rares contre-attaques carolos ont toujours fait mal à des champions de Belgique peu inspirés.

Certes, Anderlecht a pressé mais sans se procurer beaucoup d’occasions, tant l’axe central visiteur semblait invincible. Quand Bertrand Laquait sortait mal, il y avait toujours un pied pour le sauver. Quand Majid Oulmers se faisait déborder par Jonathan Legaer, de loin le meilleur anderlechtois sur la pelouse, il y avait toujours un Salaheddine Sbai pour couvrir, quand Serhat Akin n’eut plus qu’à pousser le ballon dans la cage vide, il y eut un retour inespéré d’Oulmers.

Et offensivement, Charleroi a donné une leçon de réalisme aux Mauves.  » Je ne sais pas si les trois points étaient mérités ou pas. C’est à vous, journalistes, de tirer les conclusions « , lâchait le capitaine Frank Defays à l’issue de la rencontre,  » On a peut-être une autre perception de la tribune mais dans l’ensemble, on a vu un Charleroi solidaire qui a plié mais pas rompu. Anderlecht a bien joué mais n’a pas su conclure « .

Au bout d’une semaine qui aurait pu les éloigner complètement de leurs objectifs initiaux, les Zèbres jubilent. Ils ont pris quatre points sur six face aux deux formations les plus huppées de Belgique (Bruges et Anderlecht) et sont revenus dans le sillage de ces clubs.  » J’avais dit que l’on devait prendre 6 sur 6 « , ajoute Defays,  » C’était un discours ambitieux mais je vois au bout de deux matches qu’on méritait certainement quatre points. Au moins trois contre Bruges. Et un ici. Anderlecht pouvait sans doute revendiquer une unité mais le football, c’est mettre les occasions au fond. Ce que nous avons réussi et eux pas « .

Ce bilan après Anderlecht et Bruges, c’est rassurant pour vous. Vous voyez que vous pouvez rivaliser avec ce qui se fait de mieux en Belgique…

Frank Defays : Anderlecht est une autre cylindrée que Bruges. Sur le plan footballistique, il n’y avait pas photo entre Bruges et Charleroi. On était bien plus fort. Vu la différence de budget, on aurait dû échanger les deux équipes. A Anderlecht, on a subi quand même une pression constante. Le porteur du ballon est chaque fois entouré de plusieurs hommes. Ce n’est jamais facile. Cependant, on n’avait pas besoin d’être rassuré sur notre niveau. On connaissait notre potentiel. Et je suis optimiste par rapport à la suite.

Y avait-il un sentiment de revanche après le partage contre Bruges ?

Peut-être. Mais on a su faire preuve de culot aussi. Quand on voit un garçon comme Sala Sbai ( NDLR : back gauche franco-marocain de 22 ans, arrivé à Charleroi en 2002, prêté à Renaix six mois et à Tubize ces deux dernières années, il a remplacé Laurent Ciman dans l’axe contre Bruges et Anderlecht), on a tout compris. Il joue ses deux premières rencontres contre Bruges et Anderlecht et il sort deux grands matches. A Anderlecht, les remplaçants ont aussi apporté quelque chose. On attend d’eux qu’ils rafraîchissent l’équipe. Ce qui n’était pas le cas ces dernières semaines. Là, ils ont clairement soulagé !

Bref, on a retrouvé un Charleroi conquérant et volontaire…

Oui. On va savourer cette victoire mais il va falloir retomber très vite les pieds sur terre. Car, on a un match contre Mouscron vendredi. Si tu gagnes à Anderlecht et que tu perds des points chez toi, cela ne sert à rien.

 » Je me suis très mal exprimé et il faut savoir reconnaître ses erreurs « 

Vous gagnez à Anderlecht mais votre préparation fut loin d’être idéale tant le match contre Bruges a alimenté la chronique toute la semaine…

C’est clair que tout ce bruit risquait de nous éloigner de notre objectif. Le match contre Bruges est resté un petit peu plus longtemps dans les têtes mais dès mercredi, on était concentré sur le déplacement bruxellois. Lors de mon discours d’avant match à Anderlecht, j’ai insisté sur le fait que pour gagner, il fallait absolument se concentrer sur notre jeu et faire abstraction des décisions arbitrales.

Venons-en à ces décisions arbitrales : elles vous ont conduit à demander un championnat de Wallonie. Defays sera-t-il un jour président de Wallonie ?

Non, non ( il sourit). Roi de Belgique peut-être. Pour être sérieux, je suis bien content que Sport/Foot Magazine me permette de clarifier les choses. Je ne veux ni un championnat wallon, ni un championnat flamand. Mes propos ont été quelque peu sortis de leur contexte. J’ai dit – Si on ne voulait plus de championnat sans frontières linguistiques, il fallait en faire deux.

Cela revient un peu au même.

Non, non. Il y avait 10 journalistes pour retranscrire mes propos et aucun n’a écrit la même chose. Et puis, je dois aussi avouer qu’il s’agissait de propos tenus à chaud. Sur la coup de la déception. Avec le recul et à froid, je me rends compte que je me suis très mal exprimé. Il faut savoir reconnaître ses erreurs.

Donc pas de championnat wallon pour Defays ?

Non. C’est très loin de ce que je désire. Je le répète : mes propos n’étaient pas très malins. Surtout dans le contexte politique actuel.

Mais pourquoi avoir dit cela alors ?

C’est simplement l’impression que cela me donne quand je vois certaines décisions arbitrales. Mais je ne voulais pas viser la Flandre. J’aurais dû dire – Ne faut-il pas un championnat avec les grands que l’on défend et les petits que l’on enfonce ?

Vous avez l’impression d’un championnat à deux vitesses ?

Avec tout l’amitié et le respect que je dois à Jacky Mathijssen, quand il dit qu’à Charleroi, il devait se battre contre l’arbitrage car il ne disposait pas de joueurs relais capables de le faire, cela a choqué le groupe. En fait, Jacky ira simplement moins souvent en tribunes à Bruges car il n’aura plus à se battre continuellement contre des décisions négatives pour son club.

 » Il faut que les arbitres dialoguent davantage « 

Donc, vous pensez que les décisions avantagent systématiquement les grands clubs ?

En quelque sorte. Au Germinal Beerschot et contre Bruges, les choix de l’arbitre nous ont surpris.

Contre Bruges, les joueurs carolos et la direction ont souligné le but injustement annulé, la main de Klukowski mais tout le monde a omis de dire que Sbai faisait un geste de gardien et que Smolders avait aussi commis une faute de main dans le rectangle…

Je ne suis pas d’accord avec vous. Sur le penalty, Sbai ne fait que se défendre. Par contre, Klukowski commet une faute de main flagrante ! Et même si on compte la faute de Smolders, Charleroi devait l’emporter 3-2.

Michel Piraux défendait son collègue Luc Wouters en disant que le ballon venait vers la main…

( il tend la main) Vous trouvez que c’est le ballon qui vient à la main, vous ? Et on oublie le penalty de Stepan Kucera. Je suis de l’autre côté du terrain et moi, je le vois ! Seulement, il faut savoir prendre ses responsabilités et siffler !

On discute et on n’est pas d’accord sur certaines phases alors qu’on a revu les images. Vous imaginez un arbitre qui doit prendre une décision instantanément ?

C’est vrai qu’on tire un peu trop sur l’arbitrage. Les joueurs doivent aider les arbitres. Moi, je prône davantage de dialogue. Je veux avoir une explication sur certains événements. Je ne dis pas que l’arbitre doit tout expliquer à tout le monde mais au moins au capitaine.

Vous visez les nouvelles règles ?

Que disent-elles ? Je cite- Un joueur qui réclame une carte jaune en faisant le geste en reçoit une lui-même. A Bruges, que voit on ? Philippe Clement demande une carte en faisant le geste, sur une faute de Joseph Akpala. Résultat : Joseph reçoit la carte, Clement pas. Au Germinal Beerschot, je vais vers l’arbitre demander une explication. Je n’ai pas ouvert la bouche que je reçois une carte. Je suis capitaine tout de même ?

Que reprochez-vous aux arbitres ?

L’air hautain, sévère, limite gendarme n’est pas une solution. Quand on voit la façon d’arbitrer de Paul Allaerts ou Jérôme Nzolo, on se rend compte que cela se passe très bien. Par contre, au Germinal Beerschot et contre Bruges, j’ai l’impression de ne pas avoir eu de rapport avec l’arbitre.

Vous ne pensez pas que les critiques de Charleroi vis-à-vis de l’arbitrage ne peuvent que nuire au club ?

( il réfléchit) Oui, oui. On perd beaucoup d’énergie dans ce problème que, finalement, on crée nous-mêmes. Mais on se pose quand même souvent des questions. Je regarde souvent le championnat de France et il n’est pas rare de voir un arbitre expliquer ses décisions. Je ne pense pas que les arbitres français soient meilleurs : leur façon d’agir est différente. Quand tu donnes une carte jaune avec une tête de gendarme, cela heurte !

 » Je ne suis pas une personne de conflit « 

Avec le recul, cela valait le coup de faire tout ce ramdam ?

Non. En neuf années de professionnalisme, c’est la première fois que je m’emporte. Maintenant, je sais que, quand je ne serai pas en état d’affronter les journalistes, je n’irai plus. J’attendrai que l’adrénaline soit retombée.

Comment avez-vous vécu les retombées de vos propos ?

Moi, je ne suis pas une personne de conflit. Et ce n’est pas une chose que je vis de gaieté de c£ur. Cela ternit un peu mon image. Et j’espère que les gens comprendront et mettront cela sur le compte de la déception.

Avez-vous reçu des coups de téléphone des médias flamands ?

Non. Aucun.

Comment l’expliquez-vous ?

C’est la preuve que finalement on me connaît et que l’on sait que je ne pensais pas vraiment ce que j’ai dit.

On se focalise sur vos propos mais vous avez au moins le mérite de faire votre mea culpa. Par contre, vos dirigeants ont persisté toute la semaine…

Pour me faire monter, il faut vraiment qu’il y ait un sentiment d’injustice. Ensuite, je retombe comme un soufflé. Ce qui n’est pas le cas d’autres. Je pars du principe que si on a des convictions, il faut s’y tenir jusqu’au bout. C’est la preuve que mes déclarations ne relevaient pas de la conviction. Par contre, mes dirigeants sont fidèles à leurs principes.

Finalement, les Zèbres sont des mauvais perdants ?

Non. A Westerlo, on savait qu’on avait perdu le match de notre faute. Par contre, on doit bien avouer qu’on a perdu au Germinal Beerschot et contre Bruges sur une décision contestable.

Un peu mauvais perdant quand même ?

Mais tu ne peux pas perdre avec le sourire. Si on est mauvais perdant, cela veut dire que l’on veut gagner.

Vos réactions disproportionnées ne sont-elles pas dues à la pression des résultats ?

Un joueur de foot a besoin de pression. Nos réactions ne viennent pas de la pression mais de la frustration.

Revenons au football. Cette victoire était-elle nécessaire pour ne pas perdre de vue vos objectifs ?

On aurait déjà dû être dans le bon wagon avant le déplacement à Anderlecht. Il faut reconnaître que si on avait dû établir un tableau de marche, on était un cran en dessous de nos prévisions. Après le 1 sur 6, on nous avait déjà enterrés mais le 9 sur 9 nous a remis sur les rails. On nous prédisait beaucoup de malheur avant Bruges et Anderlecht. Et nous voilà revenus à un point de ces formations.

Votre départ est donc conforme à vos espérances ?

Ce n’est qu’après 10 journées qu’on peut juger le début de saison. Ce qui est important, c’est de constater que Charleroi retrouve son jeu. On voit qu’on sait émerger même quand on joue mal, comme face à Malines. Notre objectif demeure le même : monter sur le terrain pour vaincre même si on sait que personne ne peut tout gagner. Quand on perd, on veut sortir du terrain la tête haute. De la sorte, même si on termine 10e, on aura le droit d’être fier de notre championnat.

Vous peut-être mais pas votre président ?

A la sortie du match contre Bruges, j’ai vu un président fier de ses hommes. Et pourtant, on n’avait pris qu’un point !

Et vous avez obtenu une prime de victoire…

Oui, c’est vrai. Mais je suis persuadé qu’en cas de victoire, même si rien n’était prévu, on aurait obtenu une double prime.

Votre retour au premier plan correspond aussi au retour en forme de certains piliers : Camus…

… Le mérite de Fabien, c’est d’avoir continué à répondre présent alors qu’il souffrait de douleurs diverses. Maintenant, il est récompensé de ses efforts et il peut répondre aux critiques injustifiées. A Saint-Trond, bien qu’il n’était pas en forme, je l’ai vu travailler dans les duels et personne ne l’a souligné.

… Laquait

On parle de début en demi-teinte pour Bertrand mais il n’a commis qu’une erreur à Westerlo. Point barre.

Et Defays ?

Je me sens de mieux en mieux.

Pourtant, vous avez de plus en plus de petits pépins physiques…

C’est l’âge. On m’a toujours dit qu’après 30 ans, le corps devenait plus fragile. Avant, je récupérais dès le lendemain. Maintenant, cela devient plus difficile.

par stéphane vande velde

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